Nos articles
Magazine-
Les jeunes sont plus religieux que vous croyez
Un texte de Andrew Bennett Ancien ambassadeur du Canada pour la liberté de religion et actuel directeur du programme foi et communautés pour l’Institut Cardus, le docteur Andrew Bennett est l’un des plus perspicaces observateurs des phénomènes religieux au pays. Lors du deuxième Forum Foi et Espace Public, tenu à Québec le 9 octobre 2024, il a pris la parole pour ébranler, études à l’appui, le mythe d’une jeunesse canadienne de moins en moins intéressée par la religion. Le Verbe présente ici une version adaptée et révisée de sa conférence. J’aimerais vous dire quelque chose d’intrigant et peut-être même de choquant : les
-
Henri Grenier : le thomisme pas pour les nuls
Texte écrit par Louis Brunet Écrire sur Henri Grenier n’avait pour moi rien d’évident. D’excellents professeurs m’ont initié à la philosophie de saint Thomas, mais ils avaient en horreur les manuels; mieux valait aller directement à la source ! La perspective de faire revivre un épisode méconnu de notre histoire, celui où les séminaristes et les garçons qui fréquentaient les collèges classiques apprenaient la philosophie à l’aide de manuels thomistes, est venue à bout de mes réticences. J’ai donc cherché à mieux connaitre l’auteur du plus fameux de ces manuels, ce qui m’a amené à fouiller dans le Grenier… En 1899,
-
Rencontre avec Jourdan Thibodeaux : la culture, c’est plus qu’un bol de gombo
Jourdan Thibodeaux est un cowboy louisianais et un chasseur d’alligators — lui vous dirait plutôt qu’il est « vacher » et qu’il chasse le « cocodrie » dans le marais. Ce Cadien [Cajun], qui jouait du violon sur sa galerie pour son petit monde, est devenu, par la force des choses, un ambassadeur de la musique et de la langue française. En tournée chez nous cet automne, il a fait résonner dans notre francophonie les airs et les mots d’une culture qui doit lutter pour exister. Dans une parlure où dansent ensemble une manière de chiac et des accents créoles, Jourdan raconte au Verbe
-
Gladiator 2 en amoureux
Mon mari et moi, on est allé voir Gladiator 2. En amoureux. Mais disons que nous n’avions pas tout à fait les mêmes motivations. Lui, c’était pour l’action, moi pour l’amour et le drame. Heureusement, comme dans bien d’autres choses, on a fini par s’entendre sur l’essentiel. Appréciations d’un gars et d’une fille sur cette suite épique tant attendue. En bonne romantique, j’allais voir ce film pour tout savoir sur Lucius (Paul Mescal), fils de Lucilla (Connie Nielsen). Qu’était-il devenu seize ans plus tard ? La bande-annonce laissait entendre qu’il était le fils de Maximus. On s’en doutait, à la fin
-
Cardinal Aveline : au carrefour du christianisme et de l’islam
Enfant de l’Algérie, où il est né en 1958, et père de l’Église de Marseille, dont il est l’archevêque depuis 2019, le cardinal Jean-Marc Aveline est un évêque catholique qui porte le souci du pape François de rejoindre les périphéries. Son diocèse, dont le tiers de la population est musulmane, est au carrefour des cultures méditerranéennes et au cœur de la crise des migrants. De passage à Québec en septembre dernier pour célébrer le 350e anniversaire de la fondation du premier diocèse en Amérique du Nord, Le Verbe s’est entretenu avec lui pour aborder le complexe et brulant problème de la
-
Jésus est-il un mâle alpha?
Le documentaire Alphas, sorti dernièrement à Télé-Québec, donne un rôle privilégié à Jésus. Pourquoi ? Parce que Jésus influencerait nos influenceurs masculinistes québécois. Sauf que si Jésus a bien un rôle, c’en est un muet. Le documentaire s’intéresse peu à la doctrine chrétienne, sauf peut-être au moment de citer un verset en particulier, celui qui fait saigner les oreilles de toutes les féministes du Québec en ce moment : je parle de « femmes, soyez soumises à vos maris », dans la lettre de saint Paul aux Éphésiens. Un autre homme s’est vu attribuer un rôle encore plus important dans le documentaire : Andrew
-
Les fous furieux
Le problème du mal est assurément l’un des plus complexes en théologie. Comment un Dieu bon peut-il permettre – voire causer, diront certains – les maux les plus horribles ? La peste. Le choléra. La torture que l’on s’inflige sur la table d’un tatoueur. La douleur des regrets, plus tard, de ce fameux encrage tribal dans le bas du dos. « L’amour décevant, les toilettes publiques et les rages de dent », dixit Leloup. Le problème du mal a généré des milliers de pages de dissertations d’étudiants en philo rêvant d’une carrière flamboyante dans un cégep près de chez vous. Ce n’est donc pas
-
Des spectacles de violence
Le film débute par un plan bucolique. Une famille piquenique le long d’une rivière. Les adultes se prélassent au soleil pendant que les enfants badinent dans l’eau. Les oiseaux piaillent. L’apéro est servi. On aimerait y être pour prolonger l’été encore un peu. Le cinéphile sait que l’accalmie sera brève : lorsque les protagonistes rentrent à la maison, on devine en arrière-plan le camp d’Auschwitz. Dès lors, les bruits de cette industrie de la mort ne nous quitteront plus. Le génie de Jonathan Glazer, réalisateur de La zone d’intérêt, est là. En juxtaposant les sons qui émanent du camp aux scènes de
-
Comment cesser de traiter son partenaire comme de la pâte à modeler
La vie conjugale, ce refuge tamisé où nous nous attendons à trouver tous les délices auxquels notre âme aspire, connait parfois ses ratés : l’un n’est pas porté sur l’usage de l’aspirateur, l’autre manque de patience. Tout le monde a pourtant l’impression de faire de son mieux. Déçus, cherchant à rétablir au plus vite l’équilibre nécessaire à notre bonheur, nous pouvons être tentés de chercher désespérément une solution rapide et efficace à notre problème de couple, une quête à laquelle la culture populaire répond diligemment par une offre diversifiée de techniques, de stratégies et de coachs qui promettent de renouveler notre
-
Marie-Hélène Parizeau : « La technique n’est pas neutre »
Marie-Hélène Parizeau enseigne la philosophie à l’Université Laval. Pendant quatre ans, elle a présidé la Commission mondiale d’éthique des connaissances scientifiques et des technologies de l’UNESCO. Elle participe activement à la réflexion publique sur l’éthique des sciences et de l’environnement et elle nous a reçus pour discuter des enjeux que soulève notre rapport à la technique. Le Verbe : Si vous deviez proposer une définition de la technique, quelle serait-elle ? Marie-Hélène Parizeau: La technique, c’est une forme de rationalité de type opératoire, qui est plus de l’ordre des moyens que des fins. Avec la notion de technique, il y a aussi,
-
Les « humanistes » de la technique sont inhumains
Un texte de Marc Barnes Rédacteur en chef du magazine étasunien New Polity et auteur de plusieurs essais sur la technique et le genre, Marc Barnes montre ici comment la poursuite de l’aventure humaine est fragile. Elle repose en effet sur une transmission générationnelle des savoirs et des pratiques qui dépend, en fin de compte, de l’affection filiale pour se concrétiser. À la faraude inévitabilité du progrès technique s’oppose ainsi la vulnérabilité de l’amour humain. Les humains doivent s’accomplir avant de mourir. Et parce qu’ils meurent, le « progrès » humain univoque n’existe pas, pas plus qu’une humanité collective qui deviendrait meilleure,
-
Voces Domini, deux entrepreneurs à la rescousse de la musique sacrée
Pour Frédéric, retraité du génie-conseil, la musique redevient un loisir. Pour Jean-Claude, gestionnaire, elle a d’abord été une profession. Un divin hasard a permis que leur rencontre donne lieu à Voces Domini, un chœur d’hommes dont la mission est de redécouvrir, conserver et promouvoir un répertoire de musique sacrée bien particulier. À la fin d’avril, huit voix masculines chevronnées de la capitale se réunissent dans un studio de La Haute-Saint-Charles. Dans une élégante pièce insonorisée en bois, les hommes en noir sont disposés en demi-cercle. Au centre, devant son lutrin, le directeur musical Jean-Claude Picard donne ses instructions : « J’aimerais que
-
«Nobody Wants This» : une série cliché, mais qui fait du bien
Depuis le mois de septembre 2024, Netflix diffuse la série Nobody Wants This (Problème de couple), qui relate l’histoire d’amour entre une femme non croyante et un rabbin libéral. Plusieurs journalistes juives ont reproché à cette comédie romantique de promouvoir des « stéréotypes problématiques » et une image « méchante et repoussante » de la femme juive. Le Verbe a voulu recueillir l’avis d’une juive orthodoxe traditionaliste et d’un rabbin libéral ayant tous deux vu la série. Entretien avec la sociologue, auteure et dramaturge Sonia Sarah Lipsyc et le rabbin Boris Dolin de la congrégation reconstructionniste Dorshei Emet, à Montréal. Elle est agnostique, décomplexée
-
«Vénérables» de Jacques Nadeau : des photos pour la vie
Jacques Nadeau, le réputé photojournaliste du Devoir, vient de publier Vénérables, son huitième livre-de-bonheur-pour-les-yeux-et-pour-l’âme. L’homme est certes à la retraite depuis quelques années, mais il n’a pas déposé son appareil photo pour autant. Il cherche toujours à mettre en images sa fascination pour les personnes, qu’elles soient ordinaires ou extraordinaires. Jacques Nadeau avoue qu’il n’aurait jamais été capable de faire ce genre de livre avant. « J’ai toujours fait des semaines de 100 heures ! J’allais vite, vite, vite, comme je te parle vite, vite, vite ! Ça m’a pris deux ans pour faire ce livre. Le plus difficile, c’était de convaincre ces âmes
-
La laïcité et ses promesses
Depuis les évènements récents à l’école Bedford, la laïcité est sur toutes les lèvres. Tout le monde en parle, mais sait-on réellement ce qu’elle est, ce qu’elle implique ? Ces questions sont pourtant fondamentales, surtout qu’elles concernent directement l’éducation de nos enfants. Nouvel éclairage sur cet enjeu. Parler de laïcité dans un contexte d’enseignement appelle des nuances particulières. Un regard par-dessus notre épaule nous permet d’abord de constater que la coupure entre l’école et la religion n’a pas été aussi nette qu’on le pense. Dans Récit d’une émigration, le sociologue Fernand Dumont relate également les rencontres et les relations fertiles qu’il a
-
Les femmes en voie de disparition ?
Sophie Durocher vient de sortir un nouveau livre intitulé « Où sont les femmes? », dans lequel elle dénonce une nouvelle « invisibilisation » de la femme. Pourtant, des femmes, il y en a plein et partout ! Suffit d’ouvrir les yeux ! Déjà, celle que vous lisez en est une, si vous vouliez connaitre mes pronoms… Sauf qu’il y a « voir » et « voir ». Et il y a voir une femme EN TANT QUE femme ou EN TANT QU’autre chose. On pourrait me voir non comme une femme, mais comme une simple porteuse d’utérus. Ou encore comme un quota diversitaire pour Le Verbe. Ou pire : comme
-
Pour un juste rapport entre foi et politique
La société moderne est-elle ennemie de l’Église ? Les chrétiens ont adopté plusieurs postures au fil des siècles, et, encore aujourd’hui, une certaine confusion demeure. On le voit bien à l’approche des élections américaines, la question du rapport entre la foi et la politique est souvent posée, et des réponses opposées circulent parmi les chrétiens. Doit-on se tenir loin de la politique, jugée corrompue, ou former une faction politique pour établir un royaume des cieux bien visible sur Terre ? Au-delà d’une opposition évidente, un point commun émerge : la méfiance envers le monde. Les chrétiens réfèrent souvent au « monde » comme étant distinct
-
The Exorcist Files : qu’en est-il aujourd’hui de l’exorcisme ?
Vous pensez que les scènes de films d’horreur relèvent de la fiction et que l’exorcisme est chose du passé ? Détrompez-vous ! Le père Carlos Martins lève le voile sur cette réalité aujourd’hui méconnue à travers un balado docufiction très réaliste, ponctué d’explications aussi instructives que captivantes. The Exorcist Files (sous-titres français disponibles) s’adresse à tous — croyants ou non —, et ça frappe fort ! Attachez votre tuque et agrippez votre crucifix : on part en voyage dans le monde des ténèbres… et de la lumière qui les dissipe ! Carlos Martins est natif de l’Ontario, mais il réside aux États-Unis depuis plusieurs années.
-
Sohrab Ahmari : contre la tyrannie du profit
Journaliste états-unien d’origine iranienne, converti au catholicisme à l’âge adulte, Sohrab Ahmari est fondateur et rédacteur du magazine Compact. Auteur de plusieurs ouvrages, il publiait récemment chez Salvator Tyrannie and Co. Les grandes entreprises contre la liberté (2024), un plaidoyer en faveur de la primauté du bien commun contre la domination des intérêts particuliers. Rencontre avec un penseur inclassable. On ne met pas comme un veut la main sur Sohrab Ahmari. Multipliant les engagements, les publications et les prises de paroles de part et d’autre de ce que nos amis les Anglais appellent le Pond, le rédacteur de Compact avance au
-
Vincent, médecin au chevet des enfants malades
Oncologue-pédiatre, Vincent évolue au quotidien dans une relation de proximité avec la souffrance d’enfants et d’adolescents. Devant cette forme spécialement choquante de misère et d’apparente injustice, plusieurs – on le comprend – perdent leurs repères. Portrait d’un médecin qui, devant la mort et la maladie, sert Dieu en donnant du sens à la jeune et fragile vie de ses patients. Cela fait neuf ans que Vincent (nom fictif) est oncologue-pédiatre, c’est-à-dire médecin spécialisé dans le diagnostic et le traitement de cancer chez les enfants de 0 à 18 ans. Si certains se demandent pourquoi il a choisi un tel métier, pour
-
« Conclave » : ma sortie au cinéma avec un prêtre !
Déjà salué par les critiques, le film Conclave nous plonge au cœur des intrigues d’une élection papale sous haute tension. Mais comment ce suspense est-il perçu par ceux qui vivent l’Église de l’intérieur ? Pour le savoir, je suis allé voir le film avec le père assomptionniste Édouard Shatov du Centre culture et foi – Le Montmartre à Québec. Ses réflexions, au-delà des clichés, m’ont conduit des coulisses du pouvoir du Vatican jusqu’à celles de mon âme. En route vers le cinéma, je demande à mon ami prêtre et collaborateur du Verbe pourquoi les élections des papes nous fascinent tant. Il
-
Pourquoi s’obstine-t-on à fumer?
Une entente majeure est intervenue la semaine dernière dans le cadre du recours collectif contre les géants du tabac. Ils se sont engagés à verser 32,5 milliards de dollars aux provinces et territoires, dont une partie ira directement aux familles des victimes de maladies associées à la consommation de cigarettes. Cette entente historique, le plus gros règlement de l’histoire des litiges au Canada (!), est juste, selon moi. C’est une bonne nouvelle pour les victimes et leur famille et ça ne me fera pas pleurer sur le sort des compagnies du tabac. Mais elle m’a fait réfléchir à la question
-
Swiftie
— Moi aussi, je suis un Swiftie. C’est ce que j’affirmais à une jeune femme, étonné d’avoir avec elle cette passion en commun : « Elle cache bien son jeu, me dis-je alors, avec ses baskets roses et son top à paillettes. Mais je l’ai méjugée. Cela m’apprendra à évaluer mon prochain sur son apparence. Lorsque le prophète Samuel était chez Jessé, l’Éternel lui avait bien précisé, etc. » Je dois dire que la jeune femme, quoique je portasse d’épaisses lunettes, paraissait non moins étonnée que moi. Pour lui prouver ma swiftienne appartenance, j’évoquai Les voyages de Gulliver. Puis embrayai sur la Modeste proposition, qui
-
L’école Bedford et l’État (pas très) laïc
Scandale dans les médias : le ministère de l’Éducation a rendu public un rapport dénonçant les pratiques de 11 professeurs à l’école primaire Bedford, dans Côte-des-Neiges à Montréal. Violences physiques et psychologiques envers les élèves, application de méthodes jugées désuètes, intimidation envers certains collègues, etc. Et malgré tout, j’y vois du bon dans cette histoire. Rassurez-vous : je ne suis ni sadique ni illuminée. Je reconnais, évidemment, la majorité des évènements à Bedford comme mauvais. Et je compatis avec les élèves et les professeurs du « clan minoritaire », certains parfois eux aussi d’origine maghrébine. Tout de même, deux points positifs ont retenu mon