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«Testament» de Denys Arcand : au-delà de l’antiwokisme
Le tout dernier film de Denys Arcand, en salle depuis le 6 octobre dernier, ne passe pas plus inaperçu que ses prédécesseurs. En plus d’avoir suscité le débat chez les chroniqueurs, Testament cartonne au boxoffice en atteignant le meilleur démarrage en salle pour un film québécois depuis la réouverture postpandémique. Et c’est tout à son mérite puisqu’il s’agit, à mon humble avis, d’une œuvre achevée sur le fond comme sur la forme. Testament me semble plus précisément se faire l’écho de L’âge des Ténèbres (2007) dont il reprend une partie du propos tout en l’ennoblissant, voire en lui répondant. Avec
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Excursion au cœur d’un fleuron méconnu : l’univers des orgues au Québec
De l’église aux orchestres symphoniques, en passant par Hollywood, l’orgue est plus présent dans la musique contemporaine que nous le pensons. Tantôt méconnu, tantôt associé strictement au christianisme, cet instrument constitue un patrimoine culturel majeur au Québec et sa fabrication, un savoir-faire local reconnu à travers le monde. Voyage au cœur de deux professions ancestrales, mais encore actuelles: la facture d’orgues et le métier d’organiste. Juché à quatre pattes sur une énorme structure de bois, David fixe une planche, visseuse à la main. Avec ses dix mètres de haut et ses dix-sept mètres de large, le futur orgue de l’Université
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Le parent est-il l’ennemi de son enfant?
Le Nouveau-Brunswick et la Saskatchewan ont récemment proposé des lois obligeant les établissements scolaires à demander l’autorisation des parents avant d’utiliser de nouveaux prénoms et pronoms pour un étudiant. L’Ontario débat de cette même question actuellement. La journaliste Laurence Taschereau de Radio-Canada a réagi avec une vidéo sur le sujet. Elle explique brièvement la situation et cite ensuite les inquiétudes d’experts en santé mentale sur les conséquences néfastes que cela pourrait avoir sur les enfants. Qu’en est-il vraiment? Dès qu’on parle de l’identité de genre chez les enfants et les adolescents dans les médias, on répète avec force et conviction
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Cardinal Gérald C. Lacroix : «Ce synode n’a pas pour but de produire des changements dans la doctrine de l’Église.»
Du 4 au 29 octobre 2023 se tiendra à Rome la première session du synode sur la synodalité. L’archevêque de Québec, le cardinal Gérald Cyprien Lacroix, fait partie des six évêques canadiens qui participeront à cette grande assemblée de 450 représentants de toutes les régions du monde et de tous les états de vie. Nous lui avons posé quelques questions avant son départ pour la Ville éternelle, afin de mieux connaitre dans quel état d’esprit il se rend à cette rencontre pour une Église qui souhaite apprendre à mieux «marcher ensemble». Le Verbe : synode est un mot formé à partir du grec
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The Nun II : l’Église du côté des héros
Les films portant sur l’exorcisme sont généralement des succès commerciaux, et ce, même s’ils disposent généralement de budgets plus modestes que les plus grandes productions hollywoodiennes. À une époque marquée par une forte sécularisation, notamment au Québec, bon nombre de cinéphiles se montrent pourtant toujours avides de ces histoires où Satan et ses suppôts sont combattus par de simples mortels, en particulier des prêtres catholiques. L’adage « chassez le naturel, il revient au galop » s’applique ainsi à l’univers religieux : « Chassez le SURnaturel, il revient au galop ». Le film The Nun II s’inscrit dans cette tradition. Il fait suite au film The
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La beauté sauvera le monde
En visitant cet été un musée (dont je tairai le nom), cela m’a frappé : mais où est passée la beauté ? Espèce en voie de disparitions dans les expositions d’art et les défilés de mode, elle ne semble survivre que dans les œuvres de la nature et les monuments de l’histoire. On l’oublie trop souvent, mais la beauté est subversive. Contre le dogme du relativisme, elle dévoile la splendeur de la vérité. Contre l’empire de l’économique, elle oppose la gratuité. Contre le culte de la vitesse, elle objecte la contemplation. Impossible de ne pas s’arrêter devant un coucher de soleil, un
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Le p’tit père Couturier, cordonnier des pauvres et des sans-abris
Son presbytère est un musée et l’homme, une encyclopédie vivante. Chaque objet a une histoire, chaque affiche de concert a un sens. C’est parce que l’abbé Jean-Pierre Couturier a porté plusieurs chapeaux: organiste, soliste, chef de chorale, compositeur, membre de l’Union des artistes, administrateur et… cordonnier des itinérants. Il a reçu Le Verbe chez lui et nous a raconté chaque anecdote avec moult détails. Portrait d’un homme hors du commun. Même s’il jouait à faire la messe avec des biscuits soda et du Quick aux fraises quand il était petit, ce n’est qu’à 42 ans que Jean-Pierre Couturier est devenu
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Genre et éducation : entre idéologie et dialogue de sourds
« La contemplation de la Trinité détruit l’inimitié entre les hommes et la haine dans le monde. » – Saint Serge de Radonège Je suis toujours heurté en voyant deux citoyens, adultes de surcroit, s’invectiver à tue-tête simultanément en se pointant du doigt. En fait, c’est bien probablement l’unique manière qu’ils ont de ressentir un peu de réciprocité à ce moment précis de leur rencontre. N’en demeure pas moins qu’il s’agit du premier degré de négation de l’autre menant à l’homicide : tu commences par haïr ton voisin et, next thing you know, tu fomentes un génocide… C’est du déjà-vu! Ce dialogue
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Comme une odeur de musc
Les morceaux de poulet masala bronzent docilement sur le grill alors que je grille une clope locale. (Rassurez-vous, pour la santé de la planète, je ne fume que des cigarettes roulées dans une usine de Québec. On ne pourra pas dire que je ne fournis pas ma part d’efforts.) Donc, ça flambe et ça fume tandis que j’alimente un vain sentiment de virilité… en attendant d’alimenter la smala avec mon masala. Mais comme l’ère est à la fluidité, je me plais aussi à casser le stéréotype de genre en accompagnant ce moment de début-de-fin-d’été d’un délicat gin tonique concombre en
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Jeanne Côté, la voix dans les vagues
Il fait bon être en compagnie de Jeanne Côté, que ce soit en écoutant son album Suite pour personne dans notre salon ou en jasette pour Le Verbe. L’auteure-compositrice-interprète, fille du fondateur du Festival en chanson de Petite-Vallée, nous offre d’authentiques échanges avec son naturel attachant et ses belles boucles fouettées par le vent. Les deux pieds dans l’eau, c’est là qu’on se retrouve en écoutant ses 10 chansons qui défilent comme un ciel au-dessus du fleuve. Elle possède une voix mature qui frappe le cœur et qu’on sent taillée par les vagues au bord du Saint-Laurent. Grande gagnante des Francouvertes 2023,
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Où sont nos plus belles années?
Les débuts d’année scolaire, empreints de promesses, m’émeuvent. Il faut voir les petits nouveaux, aussi inquiets que fiers, arriver par la grande porte. La fin des vacances marque leur entrée dans l’adolescence. À partir de maintenant, ils ne seront plus traités comme des enfants. Pour les encourager, on en trouvera toujours quelques-uns pour leur dire qu’ils s’apprêtent à vivre «la plus belle période de leur vie». Cette réflexion, pleine de bonnes intentions, est traversée de sous-entendus qui méritent d’être discutés. Jugement de valeur La mémoire faisant bien les choses, les souvenirs que nous chérissons sont souvent tronqués, déformés. Nous nous
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Séisme au Maroc : Dieu impuissant ou Dieu cruel?
Le vendredi 8 septembre 2023 à 23h11, un terrible séisme a secoué le Maroc. Villages entièrement détruits, milliers de corps sous les décombres, familles déchirées. Que peut-on trouver, au cœur de cette souffrance? Dans les montagnes du Haut Atlas, à 70 km au sud de Marrakech, les petites maisons en terre cuite encore debout sont bien rares. Elles n’ont pas résisté au tremblement de terre de magnitude 7, et ont enseveli la majeure partie de leurs habitants. L’un a perdu ses parents, l’autre ses enfants; un autre encore, toute sa famille. « Perdre ses enfants, c’est un sentiment qu’aucun mot ne peut décrire »,
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Êtes-vous Mme Inlassable?
Cet été, l’odeur des feux de forêt et l’opacité du ciel sont venues perturber ma quiétude. Ma fille ainée a quitté le foyer familial et mon plus jeune se prépare à faire son entrée en maternelle, autant d’évènements qui marquent une transition, chamboulent les habitudes et la normalité que je tenais pour acquises. La vie ne sera plus la même. Il faut passer à autre chose. Bien que fort différents l’un de l’autre, les « départs » de deux de mes enfants sonnent clairement le glas de mon rapport à la maternité et d’un moment de ma vie en général.
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Réussir ses disputes
On n’a pas toujours besoin d’un gros alibi. Cette fois-là, par exemple, on écoutait les nouvelles à la radio. « En prendre moins, mais en prendre soin », disait Legault. Il parlait des écureuils dans les parcs ou des itinérants, je ne sais plus trop. Toujours est-il que ça m’a donné l’idée d’une bonne plaisanterie : « Chérie, si on en faisait moins, mais, à la place, on en prenait soin? » Il faut dire qu’on attend le septième enfant. Il n’en fallait pas plus. Ne soyez pas dupes, toutefois, comprenez-moi bien.S’immisçait dans cette farce un message.Car sans doute mes allures de chrétienDe cette tâche
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Marie-Léonie Paradis, toute de cœur
La fondatrice de l’Institut des Petites Sœurs de la Sainte-Famille a eu un parcours plutôt singulier. Née Virginie-Alodie à L’Acadie (aujourd’hui Longueuil), Marie-Léonie Paradis entre d’abord chez les Marianites à 14 ans. Elle passe ensuite douze années aux États-Unis comme enseignante, dont les quatre dernières comme sœur de Sainte-Croix. Lorsque le père Camille Lefebvre fait appel à cette congrégation pour veiller au bon fonctionnement de son Collège, Marie-Léonie est envoyée. C’est là que la spécificité de sa vocation pourra enfin se déployer. Un amour ardent pour le Christ trame toute sa vie. Il s’exprime d’une manière unique: la révérence et le
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Les Pauvres de Saint-François
Au début de l’été, je recevais une demande très spéciale de la part de la communauté des Pauvres de Saint-François. Pour célébrer le 50e anniversaire de leur fondation, les frères désiraient créer une série de témoignages qui souligneraient l’œuvre de Dieu dans leur vie personnelle et communautaire. Si possible, ils souhaitaient également réaliser un court documentaire pour présenter la communauté, le tout avant le 13 aout… Un documentaire et neuf capsules en moins de deux mois, pourquoi pas! J’étais toutefois loin de me douter que j’allais mettre le projecteur sur un tel trésor. Sous l’intuition de Jacques Roy, les Pauvres de
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À la poursuite d’un trésor perdu: réhabiliter la rhétorique (part. II)
La beauté d’un ouvrage, technique ou artistique, découle du choix des matériaux utilisés pour le produire, de leur disposition harmonieuse dans un ensemble, de leur mise en forme ou stylisation; de tout cela se dégage une unité de structure ou de mouvement qui fait la grâce propre et l’attrait d’une création achevée. Ainsi, une maison sera d’autant plus belle que les matériaux pour la construire auront été bien choisis, bien assemblés et bien ouvrés. La même logique prévaut dans les domaines artistique et rhétorique. Lisez la première partie de l’article d’Alex La Salle ici. L’œuvre d’art qui se dresse ou
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Dina Bélanger | 1897-1928
Dina Bélanger – en religion Marie Sainte-Cécile de Rome – nait à Québec en 1897. Religieuse, mystique et musicienne de grand talent, elle mène une existence dont la brièveté n’a d’égale que l’intensité. Inspirée par la vie et le témoignage de sainte Thérèse de Lisieux, qui meurt en l’année de sa naissance, Dina partage avec cette dernière une vie intérieure intense dont elle a fait le récit et un décès prématuré causé par la tuberculose. Après un parcours scolaire marqué par son caractère studieux et un don particulier pour le piano, Dina poursuit sa formation musicale dans une grande maison
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Mon Québec déraciné
Je suis nostalgique de l’époque où le nationalisme était, au Québec, associé à la gauche politique. À cause de notre statut minoritaire, nous pouvions nous identifier à d’autres peuples en marche pour la libération. Aujourd’hui, le spectre politique a changé. Cette année, je n’ai pas osé souligner la Saint-Jean en suspendant un fleurdelisé à mon balcon, de peur que ce soit mal interprété. Je crains d’être associée aux idéologues qui cultivent un sentiment national fondé sur la peur de l’altérité. Les boucs émissaires On accuse le gouvernement actuel de faire dans la catho-laïcité. Ce concept traduit un mouvement vers l’équilibre
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À la poursuite d’un trésor perdu: réhabiliter la rhétorique (part. I)
Si l’on ne peut pas dire que les Grecs de l’Antiquité ont inventé l’art oratoire, on peut dire, avec Laurent Pernot, auteur de La rhétorique dans l’Antiquité, qu’ils ont, comme nul autre peuple avant eux, poussé la pratique de l’éloquence à un très haut degré de perfectionnement. De plus, leur apport théorique a été si décisif pour comprendre les principes structurants de l’art oratoire qu’Olivier Reboul a pu écrire que « l’histoire de la rhétorique [comme science] s’achève avec son commencement. » Mais qu’est-ce encore que la rhétorique? La définition la plus classique et la plus précise, nous dit le même Laurent
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Mon enfant préféré
Je suis le père de deux enfants. Ma fille est née en 2017 et mon fils en 2019. Je confesse une pensée qui a alourdi ma conscience : j’ai préféré ma fille à mon fils. Durant les deux premières années suivant la naissance de mon fils, ma fille m’était plus agréable et plus intéressante que lui. J’avais honte de la préférer ainsi et je me sentais coupable devant mon fils. Les années ont passé et, finalement, mes sentiments se sont clarifiés. Je ne préfère pas ma fille. Je préfère les enfants plus âgés. Je préfère les enfants qui parlent. Par
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Dans les yeux de Simone Weil, le travail transfiguré
Simone Weil (1909-1943) a porté bien des titres durant sa brève existence. Bien qu’issue de la classe bourgeoise, celle qui a été philosophe, écrivaine, militante pacifiste, et qu’on a qualifiée de mystique, n’a eu de cesse de s’engager corps et âme auprès des plus opprimés de son époque. Déjà, toute petite, se révélait chez elle le désir du don de soi, selon le mot de Gustave Thibon, un ami chez qui elle séjourna comme ouvrière agricole: «Elle est restée […] l’enfant inflexible qui s’asseyait dans la neige et refusait d’avancer parce que ses parents avaient confié à son frère les
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Alexandre Grogg, jazzman de Dieu
Dans un hommage au géant du jazz Charles Mingus, le contrebassiste Normand Guilbeault lance en riant : «On va commencer en douceur». À l’Arquemuse de Québec, les six musiciens de l’ensemble s’élancent dans une puissante cacophonie créatrice. Alexandre Grogg, le plus jeune, est tendu à bout de corps sur son instrument à queue. Il valse avec vigueur d’une extrémité l’autre, comme dans sa vie. Car il ne suffit pas pour le musicien d’improviser des accords sur son piano. Il sait aussi se laisser dérouter par l’Éternel, qui a changé son chaos en une harmonie grandiose. Alexandre a presque toujours joué du
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Du Sinaï aux Béatitudes : une oeuvre à la fois
Du Décalogue transmis à Moïse au mont Sinaï au commandement nouveau laissé par le Christ lors du sermon sur la montagne, l’art pictural a maintes fois représenté ces scènes bibliques dans lesquelles Dieu donne à son peuple des paroles de vie. Nous avons sélectionné ici cinq œuvres qui se démarquent par leur composition ou encore par la place qu’elles occupent dans l’histoire de l’art. Gustave Doré. Moïse descend du Sinaï, Bible illustrée, 1866. Cette œuvre du célèbre illustrateur français Gustave Doré relate la fin de l’épisode où Moïse se rend sur le mont Sinaï pour y recevoir les tables de