Le Verbe: Comment cette œuvre est-elle née?

Talitha Cere: Je ne m’étais pas imaginée mère célibataire. J’étais jeune et immature, et ces 14 années avaient été très éprouvantes pour moi. J’ai énormément souffert.

Mes parents ont fondé un camp familial, le Dominus Vobiscum Retreat Center, près de Montréal. Un centre anglophone, mais très fréquenté par les francophones. J’y allais chaque été, mais je ne me sentais pas à l’aise avec les activités familiales, car tout était fait en fonction des couples. Je me sentais marginalisée, ou isolée. Avec le temps, ce sentiment a pris toute la place et s’est transformé en profonde amertume.

Alors que je priais et que j’offrais cette émotion à Dieu, une question a surgi: «Qu’est-ce que tu vas faire avec cette émotion? Vas-tu juste demeurer fâchée ou plutôt prendre cette émotion – parfaitement légitime – et faire quelque chose avec?» Wow! J’ai vu ma propre responsabilité dans tout ça. J’avais le pouvoir de faire quelque chose, au lieu d’être une victime.

J’ai demandé à mes parents s’ils étaient d’accord pour faire une place dans leur centre pour les mères célibataires, et ils ont dit oui. C’est comme ça que j’ai organisé la première retraite en 2016.

Comment faites-vous pour soutenir les femmes dans la guérison de leurs blessures?

Dès la première retraite, toutes les femmes étaient en pleurs. Quelque chose de très important était en train de se passer. Ce qu’on entendait souvent et qu’on entend encore de la part de ces femmes, ce sont leurs blessures par rapport à l’Église. Elles se demandent, et elles nous demandent, si elles en font toujours partie. Elles sont blessées et se sentent honteuses, très souvent.

Momentum est un ministère de guérison pour les mères et les enfants. Tout est centré sur la foi. Nous ne sommes pas là pour conseiller, ou donner des avis. À chaque rencontre, nous prions pour les pères. Nous tenons à ce que nos rencontres soient toujours tournées vers Dieu. On ne célèbre pas la monoparentalité, on soigne la souffrance.

Maintenant, je suis mariée, j'ai deux enfants avec mon mari, et mon mari a adopté mon fils officiellement. Une fois mariée, j’ai vu le contraste: avoir quelqu'un que j'aime, qui m'aime, qui me supporte physiquement, émotionnellement, spirituellement… ça fait toute la différence! Nous étions invités à des évènements où je n’aurais jamais pu aller en tant que mère célibataire. Ça m’a donné un choc.

À cause de cela, j’ai eu envie de m’impliquer davantage auprès des mères célibataires. Je ne crois pas que les gens, en église ou ailleurs, font des choses avec une mauvaise intention. C’est qu’on ne s’en rend pas compte. Quand on a vécu une souffrance, on est plus sensible à celle des autres. Quand je vois une femme, je peux le sentir, si elle est monoparentale. Il y a une tristesse cachée. Une lourdeur de l’âme qu’elle n’ose pas montrer.

Momentum a grandi. Nous avons des groupes dans plusieurs paroisses, des retraites, des webinaires, des rencontres Zoom. Plusieurs prêtres nous soutiennent et les mamans sont impliquées et très dévouées. Même mon fils, qui a maintenant 23 ans, vient nous donner un coup de main!