Le Verbe : Comment cette œuvre est-elle née?

Suzanne Frigault: Je me disais: «Ben coudonc’, on ne se parle même pas après la messe!». Il y avait même quelques personnes qui provenaient de mon propre milieu de travail!

J’avais un désir de connaitre ces personnes. Comment vivre notre foi au quotidien? Comment on parle des enjeux personnels? Des enjeux sociaux? On se voyait tous à l’église, mais je voulais qu’on se rapproche. Je voulais créer un réseau de gens d’affaires. Ça me travaillait depuis longtemps.

Aussi, j'étais rendu à une étape de ma vie où je réalisais à quel point j’étais choyée d’avoir tout ce que j’avais. Je me demandais de quelle manière j’allais pouvoir redonner au suivant. Comment créer de la valeur avec ce que j’ai? Ça ne pouvait pas rester comme ça, juste pour moi.

Quel était ton objectif en fondant ce réseau?

Tout a commencé en 2012. J’étais croyante et je pensais être la seule au Québec! Avec des amis, on a démarré Périfmédia pour sortir des paroisses et aller chercher dans «les périphéries», comme l’avait si bien dit le pape François, des initiatives communautaires de foi qui donne de l’espérance pour notre société.

En me promenant de paroisse en paroisse, j’ai constaté qu’il y avait plein de belles initiatives qui émergeaient, mais qu’elles n’étaient pas soutenues, soit parce qu’on n’avait pas le temps, soit par un manque de savoir-faire ou de financement. Plusieurs sont tombées à cause de ça.

Le contexte religieux du Québec a changé. Les communautés religieuses ne peuvent plus soutenir les projets comme avant. Il faut regarder ailleurs. Mais où? C’est quoi, l’avenir? J’ai eu l’idée de créer un réseau de gens d’affaires dans le but de soutenir des projets porteurs de sens - qu’ils soient spirituels ou motivés par une quête profonde - qui peuvent toucher et transformer nos contemporains. Mais je ne voulais pas d’un réseau juste pour faire du réseautage, j’avais la vision d’une communauté, d’une mission.

En en parlant autour de moi, j’ai constaté que ça intéressait beaucoup de personnes dans le milieu des affaires. Les gens avaient soif d’un réseautage bienveillant. Une collègue avec qui je prenais le bus chaque matin me partageait à quel point elle rêvait de ça depuis longtemps; ce genre de réseau l’aiderait à vivre son quotidien pas toujours facile dans un grand cabinet d’avocats. Elle s’est impliquée avec nous. Elle est si heureuse de pouvoir rencontrer tant de bonnes personnes, pleines de talents et de potentiel qui ne veulent qu’une chose: aider leur prochain!

J'ai donc rassemblé tous ces gens d'affaires et au même moment, j'ai assisté à des pitchs de projets chez OSV Institute for Catholic Innovation aux États-Unis. Les projets étaient époustouflants, très communautaires, et vraiment de tous acabits. OSV donnait 100 000$ aux 4 finissants pour les aider à démarrer leur projet. J’ai découvert aussi La Nuit pour la Mission en France. C’est le même principe, avec sept ou huit initiatives catholiques et protestantes.

Tout de suite, je me suis dit qu’il fallait adapter ce concept au Québec. C’est ainsi que Réseau croissance a donné naissance au Forum émergence où 11 projets ont été présentés à l’automne 2024. Évidemment, nous n’avons pas autant de ressources financières. C’est un démarrage. Nous avons des idées pour élargir. On a vu, avec la qualité de ces 11 pitchs, que Forum émergence était solide. On a du matériel sérieux, et on pourra capitaliser là-dessus et ouvrir plus largement.