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Illustration : Marie Laliberté/Le Verbe

Le pape François, cet emmerdeur

Comme on vit, on meurt. Le pape François a été élu et a gouverné de la même manière qu’il est décédé en ce lundi de Pâques d’une année jubilaire : en surprenant tout le monde.

J’ai vécu les années les plus importantes de ma vie de catholique sous sa paternité spirituelle – il a été élu tout juste deux ans après ma conversion. Drôle de coïncidence, le 13 mars 2013, jour de son élection et veille de mon 23e anniversaire, je vis une retraite selon les exercices spirituels de saint Ignace. Pour la petite histoire, Jorge Bergoglio est le premier pape jésuite et saint Ignace est le fondateur de cet ordre religieux.

Au beau milieu de la retraite, donc, on se réunit autour du premier téléviseur disponible pour voir le nouveau pape sortir sur le balcon et l’écouter. Je vois un homme, vêtu simplement, faire un petit signe de la main presque malaisé en guise de salutation. Avant de donner sa bénédiction, le nouveau pape demande au peuple de prier pour lui. Il s’incline vers la foule dans un grand instant de silence. Je sens alors que son pontificat sortira des cadres habituels et que, pour cette raison, il sera mon pape.

Ses choix confirment rapidement mon intuition : il vit à la résidence Sainte-Marthe, il ne porte pas plusieurs des apparats officiels et se déplace dans une petite voiture. Mais tous ses petits choix symboliques, somme toute superficiels, ne sont rien en comparaison des paroles et gestes spontanés qui ont touché, frappé, dérangé ou remis en question.

Parce qu’on l’a compris assez tôt : Jorge Bergoglio est un emmerdeur. Un empêcheur de tourner en rond. On pourrait même dire que c’est le cœur de son pontificat. Il dénonce vertement « la logique du "on a toujours fait comme ça" » et il agit de manière à la contrecarrer. Il invite d’ailleurs à plusieurs reprises les jeunes à se lever de leur sofa et à mettre la pagaille dans l’Église.

Pas question ici d’être dans un esprit de contradiction ou de réformer par plaisir. Il s’agit plutôt de retourner à la source. Le cœur du message chrétien, c’est la rencontre personnelle avec l’amour infini, Jésus-Christ.

En bon jésuite, le pape François se lève chaque matin pour prier et méditer les Évangiles. Il a sans aucun doute été frappé par cette attitude de Jésus qui se montre très doux et compatissant avec ceux qui sont loin du temple, mais dur et exigeant avec les « bons juifs ». Lui non plus ne s’est jamais gêné pour critiquer ses confrères évêques et beaucoup de groupes dans l’Église. « Qui aime bien châtie bien », dit l’adage.

Il ne cherche en réalité que la conversion des chrétiens. Le pape les exhorte à sortir toujours plus de leur confort et de leur indifférence envers les plus pauvres, les plus miséreux ou les exclus. Les chrétiens sont invités à montrer le visage d’une Église ouverte et à accueillir « todos, todos, todos » (tous), comme il l’a dit aux dernières Journées mondiales de la jeunesse.

Les réformes structurelles, ou en apparence politiques, qu’il entreprend tout au long de son pontificat, ont comme origine ce seul désir : que l’Église soit catholique, universelle. Elle doit parler à tout le monde, surtout aux plus lointains, avec un langage accessible et attrayant.

Le pape François est pour moi un modèle de liberté et d’audace.

Alors qu’il nous invite à aller vers les périphéries existentielles, je suis providentiellement amené à joindre les rangs du Verbe médias. Au même moment, le magazine rompt avec son abonnement payant et fait le choix d’une diffusion gratuite dans les lieux publics. Le tout, en plein dans le Jubilé de la Miséricorde qu’il a inauguré quelques mois plus tôt !

Des années plus tard, quand le pape débarque sur les plaines en 2022, je n’ai qu’une idée en tête : lui remettre l’édition spéciale du magazine que nous avions spécialement conçu pour sa visite. Mon collègue Benjamin et moi courrons après le Saint-Père avec une détermination surprenante, un peu comme lui tout au long de son pontificat pour annoncer l’amour de Dieu. Et comme Dieu court après chacun de nous pour que nous soyons en relation avec lui.

Le pape François est pour moi un modèle de liberté et d’audace. Comme un père, il m’a montré l’image d’un Dieu qui souffre de la souffrance de ses enfants et qui cherche à se révéler dans toutes les misères. Il m’a surtout montré l’image d’un Dieu imprévisible qui est toujours là où l’on ne l’attend pas, à déranger nos plans, nos certitudes, nos sécurités, pour nous faire grandir.

Un père toujours prêt à corriger, mais surtout, à pardonner. Par amour.

  • Yan Doublet
James Langlois
James Langlois

James Langlois est diplômé en sciences de l’éducation et a aussi étudié la philosophie et la théologie. Curieux et autodidacte, chroniqueur infatigable pour les balados du Verbe médias depuis son arrivée en 2016, il se consacre aussi de plus en plus aux grands reportages pour les pages de nos magazines.