
Léon XIV vu par trois «jeunes» prêtres québécois
Quelques jours après l’élection de Léon XIV, Le Verbe a recueilli les premières impressions de trois «jeunes» prêtres sur le nouveau pape. Ils se confient sur l’espérance qui les habite pour l’avenir et sur ce qui les inspire des premiers jours de ce nouveau pontificat. Réponses surprenantes et vivifiantes à venir.
Cela dit, une petite précision s’impose.Quand on dit «jeune prêtre», ça peut vouloir dire deux choses: un vrai jeune, entre 18 et 30 ans – ce qui est plutôt rare aujourd’hui –, ou bien un «tout nouveau prêtre», peu importe son âge. Ceux que nous avons interrogés ont donc 46 ans, 47 ans et 50 ans!
L’humble envoyé
Simon Roy œuvre à la paroisse Père-Frédéric à Trois-Rivières. Ordonné le 4 mai 2025, il est assurément le plus jeune prêtre du Québec! Qui plus est, il a été ordonné entre deux papes. Cette période de vacance lorsque le siège de saint Pierre à Rome est inoccupé est appelée, en jargon catholique «sede vacantes». C’est plus rare encore qu’une ordination québécoise!
Né à Saint-Malo en Estrie, près de la frontière américaine, Simon est un homme de terrain. Il part en mission en Afrique du Sud à l’âge de 17 ans. C’est là qu’il a le désir de devenir prêtre. C’est peut-être pour cet esprit commun d’aventure qu’il est touché par le cardinal Robert Francis Prevost, lui-même missionnaire? Oui, mais pas tellement le missionnaire de terrain, précise-t-il, surtout le missionnaire de l’esprit.
«C'est un religieux augustinien. Donc, il est habité par un esprit que l'on pourrait résumer en citant saint Augustin : «Aime et dis-le par ta vie», ou encore «Notre cœur est sans repos, tant qu'il ne repose en toi, Seigneur». Un missionnaire, oui, mais dans le sens de quelqu'un qui se sait envoyé par Dieu, et non pas de quelqu'un qui se donne une mission à lui-même. Quand on se sait envoyé, c’est humblement que nous partons. On a vu ça dans ses premiers discours lorsqu'il parle de disparaitre soi-même pour laisser paraitre le Christ.»
Pour Simon Roy, le nom «Léon» en dit long sur les valeurs chères au pape. «Il annonce ses couleurs face à notre monde qui oublie facilement le petit. Mais bon, il faut lui laisser le temps de transposer ce nom, cette ferveur missionnaire qui l’anime, dans notre monde d'aujourd'hui. J’avoue que ça me réjouit qu’un augustinien soit élu le jour de la mémoire d'une Augustine, la bienheureuse Marie-Catherine de Saint-Augustin, qui a consacré sa vie à la Nouvelle-France. Il me semble que ça augure bien!» Disons que l’Esprit Saint, lui, est rarement distrait.
«Plus j'apprends à découvrir cet homme, conclut Simon Roy, plus je sens qu'il est celui dont l'Église a besoin. Mon espérance, c’est une Église qui va à la rencontre de l'autre, en particulier des blessés de la vie, pour leur faire découvrir à quel point ils sont aimés de Dieu.»
- Photo : Courtoisie de Simon Roy
- Photo : Courtoisie de Charbel Daw
Coeur de pasteur
Charbel Daw, vicaire à la cathédrale Marie-Reine-du-Monde de Montréal, a été ordonné il y a tout juste deux ans, en 2023. Ses origines aussi diversifiées que celles du nouveau pape. Né au Liban, il a grandi au Sénégal et est arrivé à Montréal en 2011 avec un diplôme de pharmacien de Dakar et une spécialisation en toxicologie de Paris. Quel parcours! C’est un soir de novembre 2014 que l’appel de la prêtrise se fait sentir. Les curieux peuvent entendre ses homélies quotidiennement à la télévision de Sel & Lumière. On dit même qu’il est un confesseur hors pair… Mais, revenons à Léon!
«En fait, je dois dire que c’est le premier pape dont j’ai vraiment bien suivi l'élection, car, en 2013 pour le pape François, je n'étais pas encore très au fait des évènements d'Église. Ses thèmes phares sont ceux-là mêmes que je porte indéfectiblement dans mon cœur de pasteur. Ses tout premiers discours me font penser qu’il sera un pape des Béatitudes» (Mt 5, 1-48).
Les premiers mots du nouveau pape sur le balcon, «Que la Paix soit avec vous!» (Jn 20,21), semblent avoir marqué tous les esprits. «C’est revenu comme un leitmotiv, comme le jaillissement d’un désir qui l'habite profondément. Cependant, il n’y a pas de paix sociale sans justice sociale. Un des principes majeurs de la doctrine sociale de l'Église, l’option préférentielle pour les pauvres, semble être pour le pape un aspect fondamental d’un pontificat imprégné de miséricorde.
Amour et Vérité
«J’espère qu’en parlant de paix, il ne pense pas seulement aux conflits mondiaux qui secouent le monde, mais aussi aux divisions qui secouent notre Église: divisions théologiques, liturgiques, doctrinales, gouvernementales… Quel visage déplorable de l’Église nous montrons à la face du monde quand nous sommes divisés ! Et quand l’Église appelle les peuples à l’unité, alors même qu’elle vit dans la division, l’écho de cet appel nous revient brutalement et nous assomme d’incohérence, douloureusement!»
Qu’espérez-vous pour l’avenir? «Je souhaite que le pape travaille concrètement à l’unité de l’Église: d’abord dans l'Église catholique et bien sûr avec les autres Églises. Il n’y a pas d’Église forte et authentique dans la division. Il n’y a pas d’Église convaincante dans l’incohérence.
«Aussi, dans son message aux journalistes, il a insisté sur deux points incontournables dans la vie en général et dans la vie de l'Église en particulier: la vérité et l’amour. Le message de l’Église ne sera audible et crédible que s’il dit la vérité de l’évangile et s’il la dit avec amour. J’espère qu’elles seront ses deux piliers.»
Libéré de la polarité
Arrivé tout droit de Rome l’automne dernier, l’abbé Frank Scalia d'origine italo-anglaise (il aime bien dire qu’il parle italien ET sicilien!) est né à Montréal et a grandi à Toronto. Il revient à Montréal et est ordonné en 2016. C’est un confrère de Charbel à la cathédrale Marie-Reine-du-Monde de Montréal.
Son regard sur l’élection de Léon XIV est plus politique. «Le choix des cardinaux a été une énorme surprise! Tout d'abord à cause de la rapidité du consensus. Ça aurait dû prendre plus de temps puisque les cardinaux se connaissaient peu, surtout depuis le dernier conclave. Un choix en moins de 24 heures est extraordinaire!
«Puis, le choix du cardinal Prevost, un américain de Chicago, rend la décision d’autant plus étonnante. Encore une fois, l’état actuel des choses nous faisait croire qu'il serait invraisemblable qu'un nouveau pape soit des États-Unis. L’influence géopolitique de ce pays est déjà immense, surtout depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
«Pour moi, c’est l’indication que l'Esprit Saint est à l'œuvre, et que ce choix fait partie du plan de Dieu qui accompagne toujours l'Église et le monde entier. Le Seigneur veut nous démontrer quelque chose d'important pour notre époque, quelque chose dont le monde d'aujourd'hui a besoin.»
Parce qu’il a parlé de paix? «Il a parlé de l'importance à retrouver la paix, mais pas une simple paix mondaine pour le monde. Une paix qui trouve sa genèse dans le cœur humain touché par la grâce de Dieu, par l'écoute de sa Parole, toujours actuelle et prophétique. Il met l'accent sur la paix qui vient d'un cœur libéré de la polarisation idéologique de notre époque, une paix qui vient d’un cœur renouvelé par la rencontre avec Jésus, le Christ, le Ressuscité.»
- Photo : Courtoisie de Frank Scalia