
Catherine de Saint-Augustin : « Celle qui rend l'intérieur plus beau »
La bienheureuse Marie-Catherine de Saint-Augustin est l’une des plus grandes femmes de l’histoire du Canada. Sa vie dédiée au service des pauvres et des malades ainsi que sa prière pour les souffrants lui valurent de la part des autochtones le surnom de « Celle qui rend l'intérieur plus beau ». Portrait d’une héroïne de la charité et d’un trésor national de sainteté.
Née le 3 mai 1632 en Normandie où elle est élevée par ses grands-parents, Catherine Simon de Longpré côtoie très tôt les pauvres et les malades que sa grand-mère reçoit chez elle. Dès l’âge de 12 ans, elle entre au monastère des Augustines de Bayeux, fondé six mois plus tôt par sa tante. Deux ans plus tard, elle prend l’habit religieux et, en janvier 1648, sa communauté la désigne pour partir en mission au Canada « à cause de la longue persévérance qu’elle a témoignée depuis trois ans dans le désir d’y être envoyée. »
Le 27 mai 1648 à, l’âge de 16 ans, sœur Catherine de Saint-Augustin embarque à bord du navire le Cardinal à La Rochelle pour rejoindre la Nouvelle-France. Elle répond ainsi à la demande de renfort des religieuses hospitalières qui ont fondé en 1639 l’Hôtel-Dieu, soit le premier hôpital en Amérique au nord du Mexique.
Durant la longue traversée de l’Atlantique qui dure près de trois mois, elle attrape la peste en soignant les malades à bord du navire. Heureusement, elle en guérit grâce à une intervention miraculeuse qu’elle attribue à la Vierge Marie. Catherine raconte elle-même ce prodige lié à une vision surnaturelle :
« Étant sur mer pour venir en ce pays, je fus malade de la peste jusqu'à l'extrémité, et on n'attendait que le moment auquel je dusse expirer. […] Comme j'étais donc seule, pensant à Dieu avec paix et confiance, voilà qu'un gros dragon se met à côté de moi. Sa gueule grande et ouverte semblait me vouloir engloutir. Il tenait deux griffes levées en haut, comme pour me saisir sitôt que je serais jugée. […] Dans cette extrémité, je tournai mon cœur à Dieu et je crois que je lui dis ces paroles: « Mon bon Jésus, j'ai toujours espéré en vous, j'y espère et je mourrai avec paix, dans la confiance que j'ai qu'à toute éternité je ne me départirai point de vos saintes volontés. […] Comme j'achevais de lui parler, je la vis paraitre [la Vierge Marie] comme une Dame pleine de majesté et de douceur. […] Elle toucha du doigt ma peste, laquelle s'étant ouverte au même temps, mon cœur commença à se fortifier. Elle s'en alla me donnant sa sainte bénédiction et me laissant l'âme comblée de douceur et fortifiée pour tout souffrir, avec un entier abandon aux volontés de Dieu ».
- Photo : Simon Lessard
La femme accessible à tous
Arrivée le 19 aout à Kébec, elle se hâte d’apprendre les langues autochtones et de soigner les malades. Femme joyeuse, sereine et forte, elle se révèle une excellente infirmière aimée de tous. « Il n'était pas possible de la voir et de ne la pas aimer, écrit Mère Saint-Bonaventure, sa supérieure pendant 14 ans. Son naturel était des plus accomplis que l'on eût pu souhaiter. Elle était prudente avec simplicité, clairvoyante sans curiosité, douce et débonnaire sans flatterie, invincible dans sa patience, infatigable en sa charité, aimable à tout le monde, sans attache à qui que ce soit, humble sans aucune bassesse de cœur, courageuse sans qu'il y eût rien de fier en elle. » Dotée d’un sens pratique remarquable, elle se voit successivement confier les tâches d’économe, de directrice générale de l’hôpital et de maitresse des novices.
Ses bonnes relations avec les peuples des Premières Nations lui valent le surnom de « Iakonikonriiostha » qui signifie « celle qui rend l'intérieur plus beau » ou « le cœur plus chaud ». « Ce nom, je le comprends au-delà des mots », confie sœur Carmelle Bisson, qui reçoit les visiteurs et pèlerins au Centre Catherine-de-Saint-Augustin dans le Vieux-Québec. « Quand elle était en présence des gens, elle percevait ce qui se passait dans leur cœur, leur anxiété et leurs troubles. Elle les accueillait tels qu’ils étaient et d’une certaine façon, elle prenait leur mal en elle. Puis quand les gens repartaient, ils se sentaient libérés et joyeux, et disaient c’est "celle qui rend l’intérieur plus beau". Ce nom, c’est l’effet de la rencontre avec Catherine! »
« C’est la femme qui était accessible à tous. Même les sœurs de la communauté ne savaient pas ce qu’elle vivait [ses expériences mystiques et diaboliques] et elles voulaient toutes travailler avec elle. On la suivait pour voir ses gestes de bonté et entendre ce qu’elle disait aux malades tellement cela les touchait profondément. C’était une charité incarnée ! » Comme l’a bien résumé un jour une enfant à sœur Carmel : « Catherine voulait que toutes les personnes soient heureuses éternellement! »
Même écho du côté de la plus jeune augustine du Canada, sœur Sarah McDonald : « Par ses gestes d’amour, les gens reconnaissaient en Catherine cette qualité d’être avec l’autre, de marcher avec l’autre, de porter les souffrances de l’autre, mais aussi de porter l’espérance de la vie malgré les souffrances. » De plus, celle qui pratique aujourd’hui comme Catherine le métier d’infirmière auprès des malades atteints de troubles cognitifs constate que « sa lutte spirituelle contre le Mal rejoint toutes les luttes intérieures que nous vivons. Parfois, elle pouvait se sentir comme nous indigne fasse à la grandeur de Dieu et à ses responsabilités. Mais alors elle découvrait que le Seigneur qui appelle à une mission est aussi celui qui nous en rend dignes et capables de l’accomplir. »
- Photo : Simon Lessard
Héroïne de la charité
Catherine est décédée des suites d’une maladie aux poumons le 8 mai 1668, à l’âge de 36 ans, après avoir offert sa vie pour le salut de la Nouvelle-France. À ce sujet, le chanoine Lionel Groulx écrira : « Certes, toutes les grandes âmes de son temps dans la colonie, tous les fondateurs de l'Église en Nouvelle-France ont donné leur vie pour leur pays d'adoption. Mais je n'en sais pas, qui, autant que l'hospitalière de Québec, ait porté dans son esprit, la pensée obsédante du Canada, lui ait offert plus amoureusement ses prières et ses labeurs, s'y soit attachée, rivée par des liens plus solennels. »
Peu de temps après avoir rendu l’âme, ses sœurs ont été obligées, contre les habitudes de l’époque, d’exposer son corps près de la grille du cloitre, car les habitants de la colonie étaient trop nombreux à venir lui rendre un dernier adieu. On peut encore aujourd’hui se recueillir devant la châsse de ses reliques dans l'église du monastère des Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec et lui confier ses prières.
Dans une lettre où il lui rend hommage, l’évêque de Québec, saint François de Laval, qui l’avait bien connue jusque dans sa vie mystique, témoignera : « Sa charité pour le prochain était capable de tout embrasser pour difficile qu'il fût. Je n'ai pas besoin des choses extraordinaires qui se sont passées en elle pour être convaincu de sa sainteté; ses véritables vertus me la font parfaitement connaitre. Dieu a fait une faveur bien particulière à nos hospitalières de Québec et même à tout le Canada, lorsqu'il y a envoyé cette âme qui lui était si chère. » Et ailleurs, il parlera d’elle comme de « l’ange du diocèse » et d’un « chef-d’œuvre de l'Esprit-Saint » !
Le saint pape Jean-Paul II l’a proclamée bienheureuse en 1989 et a fixé sa fête liturgique au 8 mai, en plus de la nommer cofondatrice de l’Église canadienne. Encore aujourd’hui, elle semble avoir le pouvoir de « rendre l’intérieur plus beau » de tous ceux et celles qui se confient à sa prière.