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Illustration : Marie Laliberté/Le Verbe

Léon XIV: un lion pour la paix

Habemus papam… et c’est un lion ! Les 133 cardinaux électeurs ont surpris le monde entier en choisissant rapidement Robert Francis Prevost comme 267e évêque de Rome et premier américain de l’histoire. Le choix de son nom, Léon XIV, ainsi que ses tout premiers mots – « Que la paix soit avec vous tous ! » – semble indiquer un pontificat en continuité avec celui du pape François.

Malgré son nom de lion – « Leo » signifie « lion » en latin – le nouveau pape de 69 ans apparait à la loge des bénédictions de la basilique Saint-Pierre avec un visage souriant, empreint de douceur et d’humilité. Il semble même très ému devant la foule immense des fidèles rassemblés à toute vitesse sur la place Saint-Pierre pour le saluer et scander son nom en italien : « Papa Leone ! Papa Leone ! »

Un pape pour la paix

« La paix soit avec vous tous ! », lance-t-il d’abord en reprenant la salutation liturgique propre aux évêques. Mais il y ajoute le petit « tous » caractéristique du pape François, qui voulait une Église pour « tous, tous, tous ».

« Je voudrais moi aussi que ce salut de paix entre dans vos cœurs, qu'il parvienne à vos familles, à tous les hommes, où qu'ils soient, à tous les peuples, à toute la terre », poursuit-il en spécifiant que cette paix est celle « du Christ ressuscité, une paix désarmée et une paix désarmante, humble et persévérante. Elle vient de Dieu, de Dieu qui nous aime tous inconditionnellement. »

La paix sera sans doute le mot phare de son pontificat. Alors que la planète est déchirée par de nombreux conflits armés et que plus de 380 millions de chrétiens sont persécutés en raison de leur foi, ce thème semble à point. « Aidez-vous aussi les uns les autres, dit-il, à construire des ponts, par le dialogue, par la rencontre, tous unis pour être un seul peuple toujours dans la paix. »

Un pape pour l’unité

Un autre mot susceptible de revenir souvent chez Léon XIV : unité. Sa devise épiscopale « In illo uno unum » (dans l'unique Christ, nous sommes un), tirée d’un commentaire de saint Augustin sur le psaume 127, manifeste son grand désir « que tous soient un » selon les paroles mêmes de Jésus (Jn 17, 21).

Une unité dont l’Église a bien besoin pour demeurer « catholique », c’est-à-dire universelle. Surmonter les tentations de division à l’intérieur même des communautés de croyants et de l’institution ecclésiale sera certainement l’un de ses plus grands défis dans une culture où les médias accentuent souvent la polarisation.

Heureusement, le pape Léon XIV rassemble déjà en sa personne et son parcours une Église aux dimensions du monde. Né le 14 septembre 1955 à Chicago, d’un père franco-italien et d’une mère espagnole, Robert Francis Prevost parle couramment l’anglais, l’espagnol, le portugais et l’italien. Missionnaire et évêque au Pérou, étudiant et préfet de la curie à Rome; il peut à la fois comprendre et rejoindre les catholiques de l’hémisphère Nord comme de l’hémisphère Sud, des Amériques et de l’Europe.

Un pape pour la mission

Un troisième mot qui résonne fortement dans sa première allocution est « mission ». « Nous devons chercher ensemble comment être une Église missionnaire, rappelle-t-il, une Église qui construit des ponts, qui dialogue, toujours ouverte pour recevoir, comme cette place, à bras ouverts, tous, tous ceux qui ont besoin de notre charité, de notre présence, de notre dialogue et de notre amour. »

Lui-même missionnaire au Pérou pendant plusieurs années, il a déclaré en entrevue à Vatican News en 2023 : « Ma vocation, comme celle de tout chrétien, est d'être missionnaire, de proclamer l'Évangile partout où l'on se trouve ». La première chose à faire selon lui est de « communiquer la beauté de la foi, la beauté et la joie de connaitre Jésus ». Assurément, il sera un Saint-Père qui porte le souci de l’évangélisation et des terres de mission.

Sa première homélie, prononcée dans la chapelle Sixtine en présence des cardinaux qui l’ont élu, manifeste l’urgence qu’il accorde à cette mission « dans un contexte où la foi chrétienne est considérée comme absurde […], où on lui préfère d'autres certitudes, comme la technologie, l'argent, le succès, le pouvoir, le plaisir. » Il conclut ainsi : « La mission est urgente en ces lieux, car le manque de foi entraine souvent des drames tels que la perte du sens de la vie, l'oubli de la miséricorde, la violation de la dignité de la personne sous ses formes les plus dramatiques, la crise de la famille et tant d'autres blessures dont notre société souffre considérablement. »

Un fils de saint Augustin

Fils de saint Augustin, comme il s’appelle lui-même le soir de son élection, il cite l’évêque d’Hippone, affirmant : « Avec vous, je suis chrétien et pour vous, évêque ». En effet, le cardinal Prevost est un religieux de l’ordre de Saint-Augustin, ordre mendiant fondé au 13e siècle. Il a d’ailleurs été supérieur général de cette communauté de 2001 à 2013.

Son sujet de doctorat portait justement sur le rôle du supérieur dans son ordre. Dans la règle de saint Augustin, on peut lire : « Quant à celui qui est à votre tête, qu'il ne s'estime pas heureux de dominer au nom de son autorité, mais de servir par amour. Que l'honneur, devant vous, lui revienne de la première place; que la crainte, devant Dieu, le maintienne à vos pieds. Qu'il s'offre à tous comme un modèle de bonnes œuvres. Qu'il reprenne les turbulents, encourage les pusillanimes, soutienne les faibles; qu'il soit patient à l'égard de tous. […] Qu'il recherche auprès de vous l'affection plutôt que la crainte, se rappelant sans cesse que c'est à Dieu qu'il aura à rendre compte de vous. » Tout un programme pour le nouveau chef de l’Église catholique !

Un pasteur à tout faire

Ordonné prêtre à 26 ans en 1982, puis évêque à 59 ans en 2014, et enfin créé cardinal par François 9 ans plus tard en 2023, il cumule une multitude d’expériences de terrain et de gouvernement qui l’outilleront pour affronter les divers enjeux auxquels l’Église catholique doit faire face.

Il a été respectivement chancelier, responsable des vocations, directeur des missions, recteur de séminaire, professeur de droit canonique, préfet des études, curé de paroisse, responsable diocésain, directeur de la formation, vicaire judiciaire, prieur provincial et général de sa communauté, administrateur apostolique et, depuis deux ans, préfet du Dicastère pour les évêques. Curriculum impressionnant pour un seul homme !

Dans la ligne de François

Alors que le pape François envisage de le nommer à ce poste crucial de la curie où se prépare la nomination de la plupart des évêques du monde, Prevost lui dit [traduction libre] : « Vous savez que je suis très heureux au Pérou. Que vous décidiez de me nommer ou de me laisser là où je suis, je serai heureux; mais si vous me demandez d’assumer un nouveau rôle dans l’Église, j’accepterai. »

Il n’y a pas de doute que François avait une grande confiance en lui et que les deux hommes partagent une vision commune de l’Église, malgré les 19 ans qui les séparent. Léon XIV lui fait d’ailleurs un vibrant hommage dans son premier discours, invoquant plusieurs thèmes chers au pape argentin : « Merci au pape François ! […] nous voulons être une Église synodale, une Église qui marche, une Église qui cherche toujours la paix, qui cherche toujours la charité, qui cherche toujours à être proche surtout de ceux qui souffrent. »

On peut donc s’attendre à un pontificat dans la continuité de celui de François, mais avec un style vraisemblablement différent, peut-être plus classique, discret ou contemplatif.

Un lion pour les plus petits

Le choix du nom de « Léon » est aussi riche de sens. En effet, le dernier évêque de Rome ayant porté ce nom, Léon XIII (1810-1903), a vécu en un temps de crises et de grands changements qui n’est pas sans rappeler notre époque. Il a ouvert l’Église au dialogue avec la modernité, encouragé le renouveau des études thomistes, exhorté les fidèles à la prière du rosaire et, surtout, posé les bases de la doctrine sociale de l’Église avec son encyclique Rerum Novarum, où il s’est opposé à la fois aux excès du capitalisme et du socialisme.

On peut penser que Léon XIV s’inscrira à son tour dans cette tradition de défense des plus petits et qu’il propagera lui aussi un grand amour de la Vierge Marie. Il a d’ailleurs évoqué et prié Notre-Dame avec les fidèles sur la place Saint-Pierre le soir de son élection : « Notre mère Marie veut toujours marcher avec nous, être proche, nous aider par son intercession et son amour. »

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Le choix des cardinaux s’est porté sur un homme de grande expérience pour gouverner une Église mondiale et missionnaire qui rassemble 1,4 milliard de fidèles. Un lion dont le doux rugissement pourrait bien faire contrepoids aux puissants de la terre et redonner courage à un monde anxieux. Un lion avec un cœur de père, qui en bénissant toute l’humanité lui a rappelé que : « Dieu nous aime, Dieu vous aime tous, et le mal ne prévaudra pas ! »

Simon Lessard
Simon Lessard

Simon ne rate jamais une occasion de dialoguer avec les chercheurs de sens. Animateur des Verbomoteurs, son activité journalistique creuse tout particulièrement la vie ecclésiale canadienne et internationale à travers reportages et entrevues avec des figures marquantes. Son style caractéristique consiste à puiser dans les trésors de notre héritage culturel, combinant neuf et ancien pour interpréter les signes des temps. Il est responsable des partenariats et journaliste au Verbe médias.