
Le prochain pape sera-t-il italien, philippin ou canadien ?
L’Église catholique se prépare à entrer dans l’une des élections papales les plus imprévisibles de son histoire récente. Avec un collège électoral profondément renouvelé et plus diversifié que jamais, nul ne peut en prédire l’issue. Qui parmi les 135 cardinaux électeurs recevra les deux tiers des voix pour succéder à François? Portrait d’un conclave où la surprise pourrait bien être la seule certitude.
Au lendemain du décès du Saint-Père, le Collège cardinalice était composé de 252 prélats, dont 135 électeurs de moins de 80 ans. Aujourd’hui, une grande majorité de ces cardinaux ont été nommés par François lui-même, soit environ 80% de ceux qui voteront pour son successeur.
Des cardinaux imprévisibles
L’actuel collège électoral est plus diversifié que jamais. Il est constitué d’hommes âgés de 45 à 79 ans qui proviennent de 88 pays différents sur tous les continents. Le pape François a fait fi, ces dernières années, des traditionnels sièges cardinalices – les importants diocèses, comme Paris ou Venise, où l’évêque est habituellement nommé d’office prince de l’Église. Il a plutôt appelé de nombreux évêques moins connus et souvent issus de petits pays comme la Mongolie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, l’Albanie ou le Rwanda. Il les a surtout choisis pour leur réputation d’hommes vertueux et de prière, leur style pastoral plus novateur et leur proximité avec les plus marginalisés.
Ainsi, par rapport au dernier conclave, le nombre de cardinaux asiatiques a plus que doublé (de 9 à 23), il y a 63% plus d’Africains (de 11 à 18) et, pour la première fois, les Européens ne sont pas majoritaires (de 52% à 40%).
Ce conclave sera donc le moins prévisible des dernières décennies.
Qui a le plus de chances d’être élu ?
Personne ne peut prétendre savoir qui sera le futur pape. Pour preuve, presque aucun spécialiste ne plaçait Bergoglio dans sa liste des papabiles en 2013.
On peut toutefois identifier certains candidats bien positionnés pour recevoir les deux tiers des votes nécessaires pour devenir le prochain souverain pontife. N’oublions pas qu’il ne s’agit pas d’une élection à la manière des démocraties modernes avec des chefs, des partis et des campagnes bien visibles. Un nouveau pape se décide plutôt sur un temps à la fois long – quelques années avant la mort du Saint-Père – et bref – quelques jours avant le conclave – dans le silence de la prière et la discrétion des rencontres personnelles.
Pour être élu pape, un cardinal doit traditionnellement :
1. Être âgé idéalement de 65 à 75 ans;
2. Parler plusieurs langues, dont l’italien;
3. Posséder des aptitudes à gouverner et à s’exprimer devant les médias;
4. Être connu et apprécié des autres cardinaux et du grand public;
5. Adopter une vision pastorale qui correspond aux signes du temps;
6. Faire l’unité entre diverses sensibilités spirituelles;
7. Avoir une expérience de terrain et une bonne connaissance de l’Église.
À partir de ceux-ci et des observations des vaticanistes, il est possible d’identifier (avec beaucoup de circonspection!) quelques-uns des principaux favoris.
Plusieurs autres cardinaux pourraient récolter des votes au prochain conclave. Parmi ceux-ci, notons Jean-Marc Aveline de Marseille, Malcolm Ranjith du Sri Lanka, Fridolin Ambongo Besungu du Congo, Anders Arborelius de Stockholm. Le jeune patriarche de Jérusalem, Pierbatista Pizzaballa, a aussi des chances puisqu’il se trouve souvent dans les médias en raison des conflits au Moyen-Orient. Il avait entre autres fait les manchettes en 2023 en se portant « volontaire pour être otage si cela permet la libération d’enfants détenus par le Hamas ».
Un pape canadien ?
Le Canada compte cinq cardinaux, dont quatre électeurs au conclave.
Le cardinal Thomas Collins (77 ans), archevêque émérite de Toronto, ne semble plus jouir d’un rayonnement suffisant à l’international pour être choisi par ses confrères comme successeur de François. Sa grande expertise de pasteur et son expérience du dernier conclave pourraient néanmoins faire de lui une voix importante dans les discussions sur le profil recherché du prochain pape entre les cardinaux électeurs.
Le cardinal Michael Czerny (77 ans), actuel préfet du Dicastère pour le service du développement humain intégral, pourrait être un candidat privilégié par les partisans de la continuité. Né en Tchécoslovaquie, il appartient à la Compagnie de Jésus, comme le pape François, et s’intéresse aussi beaucoup aux enjeux sociopolitiques d’écologie, de justice et de paix. En revanche, il serait étonnant que les cardinaux électeurs portent si tôt leur choix sur un deuxième pape jésuite.
Quant au cardinal Marc Ouellet, archevêque émérite de Québec et préfet émérite du Dicastère pour les évêques, même s’il était parmi les favoris lors des deux derniers conclaves, il a aujourd’hui dépassé l’âge limite de 80 ans pour participer au vote. Ce n’est pas impossible qu’il soit élu, mais cela fait des siècles qu’un conclave a choisi un pape qui ne participait pas à l’élection.
À l’inverse, à 53 ans, le nouveau cardinal archevêque de Toronto, Frank Leo, est probablement encore trop jeune, même si certains papes modernes ont été élus à 58 et 59 ans, comme Jean-Paul II et Benoît XV. Plusieurs voient néanmoins en lui un potentiel papabile à plus long terme.
Enfin, c’est sans doute l’actuel archevêque de Québec, le cardinal Gérald Cyprien Lacroix (67 ans), qui figure parmi les Canadiens les mieux placés, selon plusieurs spécialistes. Cependant, son nom a disparu des listes de favoris l’an passé, après avoir été mentionné dans le cadre d’un recours collectif portant sur des gestes à caractère sexuel. Après l’enquête menée par le juge québécois André Denis, mandaté par le Vatican, qui n’a révélé aucun fait répréhensible, il ne semble toutefois plus y avoir d’obstacle majeur à ce qu’il puisse recevoir des votes.
Le cardinal originaire de la Beauce a vécu aux États-Unis pendant plusieurs années et a été missionnaire en Colombie, deux expériences qui le rendent capable de rejoindre les sensibilités du Nord comme du Sud. Proche du pape François, membre de nombreuses commissions romaines et du C9, il bénéficie aussi de l’avantage d’être un bon communicateur axé sur la nouvelle évangélisation.
Surprise, surprise !
Enfin, si l’on en croit le proverbe romain selon lequel « celui qui entre pape au conclave en ressort cardinal », les principaux papabiles ne sont peut-être pas si bien placés pour remporter l’élection. Une surprise demeure sans doute l’issue la moins surprenante à ce conclave.