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Photo : Arié Elmaleh

La quête spirituelle de Gad Elmaleh

Humoriste, acteur et réalisateur français d’origine marocaine, Gad Elmaleh prenait le monde entier par surprise en 2022 avec son film Reste un peu, une comédie à saveur spirituelle où l’on suit l’intéressé dans un parcours de foi déroutant. Entre ses origines juives et sa dévotion mariale, son désir de conversion et son attachement à ses racines, qu’advient-il de Gad? Le Verbe est allé à sa rencontre.

Le Verbe: C’est important, pour vous, la vie spirituelle?

Gad Elmaleh: J’en ai toujours parlé dans mes spectacles, mais depuis quelques années, c’est vrai que ça prend beaucoup plus de place, et l’on me pose bien des questions à ce sujet depuis la sortie du film. C’est intéressant, surtout au Québec. J’ai été interviewé récemment par Stéphane Leclair de Radio-Canada. Il me demandait si j’étais au courant de la fracture entre la religion et l’État, ici. Bien entendu que je suis au courant!

Ce qui me saute aux yeux, moi, c’est cette espèce de cliché dans les médias au Québec qu’on répète sans cesse: il y a eu 1960, il y a eu la Révolution tranquille, et hop! Dehors l’Église! Voilà, c’est réglé! Il n’y a plus de religion. Plus de questionnements spirituels. Mais non. Il faudrait qu’ils se mettent au courant de ce qui se passe pour vrai au Québec.

Moi, je suis en contact avec plein de Québécois qui sont en recherche de sens, qui sont dans une forme de prise de conscience, de désir de spirituel, de foi, de rencontre, et encore bien plus maintenant en 2025 que lorsque j’habitais Montréal dans les années 1990. Je le vois partout. Les gens cherchent. Il y a comme un regain de foi chrétienne, spécialement.

Ma vie spirituelle me passionne et me bouleverse. Je lis la philosophe juive Simone Weil, qui s’est convertie «à l’amour du Christ», comme elle le dit. Je lis Henri Bergson, juif aussi, grand philosophe, et puis le cardinal Jean-Marie Lustiger [archevêque de Paris de 1981 à 2005], juif converti aussi. Ça me bouleverse profondément. Je ne peux pas faire comme si ce n’était pas vrai, pas important.

Ces histoires de juifs convertis vous inspirent. Y aura-t-il alors une suite à Reste un peu? Dans ce film, vous n’allez pas jusqu’au bout de votre démarche.

[Rires] J’aimerais bien! Il faut dire que scénaristiquement, c’était plus intéressant d’avoir une forme de suspense à la fin. Dans le film, c'est davantage le poids de la tradition, de l'amour, de l'identité qui pèse sur moi. C’était trop. Une personne m’a dit qu’elle avait vu, dans ce renoncement, un geste d’amour envers ma mère. C’est que ma mère et moi, nous nous posons tous les deux un acte d’amour très fort. Elle, elle accepte, malgré sa douleur, d’entrer dans cette église et d’assister à la cérémonie de mon baptême, tandis que moi, finalement, je renonce, à cause de cet amour.

C’est donc par amour pour vos parents, pour la judaïté, que vous avez renoncé au baptême ce jour-là?

Beaucoup de juifs m’en ont voulu. Je croyais qu’ils seraient soulagés à la fin de voir que je n’allais pas recevoir le baptême, mais non, pas du tout. La démarche en elle-même a secoué la communauté juive en France. J'ai été malmené, mais pas par tout le monde. Certains courants sont plus tolérants, plus libéraux.

C’est un film sur ma vie spirituelle, sur ma dévotion à la Vierge Marie, mais c’est surtout une déclaration d'amour à mes parents, dans toute la complexité d'amour qu'on peut porter à ses parents. Je leur montre ce qu’ils m’ont donné, qui je suis, où je m’en vais.

Dans la vie, je ne suis pas baptisé non plus, mais je «chemine», comme disent les cathos. C'est une expression marrante, ça, cheminer. Ça exprime bien ce que je vis. Le vrai Gad, il est dans le questionnement. J’ai toujours mon conseiller spirituel, le père Barthélémy, celui qu’on voit dans le film. J’étudie la théologie au Collège des Bernardins à Paris.

Peut-on être juif et chrétien à la fois?

Eh bien, le cardinal Lustiger n’a jamais renoncé à son identité juive! Dernièrement, j’ai entendu le témoignage d'Élisabeth Smadja. Elle, elle se dit juive orthodoxe et catholique.

«Il y a cette peur de se rencontrer, entre juifs et chrétiens. Ça me fait mal. Il y a tant de points communs, tant de choses à se dire.»

C'est marrant parce que, depuis ce film, je suis tombé en amour avec le Talmud. Je suis revenu à l’étude de la Torah. J’étudie avec un rabbin. Grâce à tous mes cours de théologie catholique, j’ai compris un tas de choses. Il y a toute une cohérence entre les commentaires du Talmud et les Évangiles, entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Pour moi, c’est évident que le Nouveau est la suite de l’histoire! La Part Two! L'un ne va pas sans l'autre. Quelle merveille! Quel cadeau! J'ai retrouvé le sens des textes. Petit, j'ai fait l'école yechiva. Je ne comprenais rien. C’était du par cœur. Mais maintenant, je comprends. C'est comme si le grand détour que j'ai fait avait donné vie à ces textes. C'est incroyable ce que je vis. Ça a ranimé une mémoire qui était enfouie.

J'ai envie de dire à tous les juifs de lire la suite de l’histoire, et de dire à tous les cathos de lire davantage la saison un! C'est important. Il faut qu'on fasse quelque chose ensemble. C'est fou de ne pas se parler. Mais il y a cette peur de se rencontrer, entre juifs et chrétiens. Ça me fait mal. Il y a tant de points communs, tant de choses à se dire.

[Nous sommes interrompus par un texto.] Tiens! On parle de tout ça, de l’Ancien et du Nouveau, et voilà que c’est mon ami Fabrice Hadjadj, juif et chrétien, qui m’envoie un document sur Noé. C’est fou!

Le film raconte votre dévotion pour la Vierge Marie. Mais Jésus, lui, dans tout ça?

Devant Jésus, je ne suis pas réfractaire, je suis perplexe. Jésus, il est too much! C’est une personne incroyable. J’ai lu de très beaux livres à son sujet. Celui de Jean-Christian Petitfils, Jésus (2011), est très factuel. Ça m’a aidé.

Je pense que Jésus, sa personne, ça fait trop à assumer. C'est dur à intégrer tout ça: la Trinité, la Résurrection… Ce n’est pas facile d’aborder la chose si l’on n'a pas eu un contact irrationnel avec ça.

La rencontre ne s'est pas encore faite, mais je reste fasciné. Je ne demande qu'à approfondir, à comprendre et à rencontrer. C’est comme si Marie avait tout balayé sur son passage. Bien sûr, les cathos vont me dire qu’il ne peut y avoir Marie sans Jésus. Je le sais, mais pour l’instant, c’est ce que je vis.

  • Photo : Arié Elmaleh

Quel a été l’élément déclencheur de cet élan vers le catholicisme?

Il y a eu Lourdes, où je suis allé souvent et où je me suis senti bien. Je crois que le déclic s’est fait là.

J’ai souvent parlé de ma rencontre spirituelle avec la Vierge quand j’étais gamin au Maroc, mais je n'ai jamais parlé d’un détail que je réalise maintenant en discutant. C’est la notion de l’interdit. Quand on est gamin et qu’on fait quelque chose de mal, on se fait gronder pour notre faute et on comprend pourquoi il y avait une faute.

Je crois que, dans ma vie, la seule transgression pour laquelle on ne m'a pas prouvé qu’il y avait faute, c’est entrer dans une église. Bien que ce soit une transgression dans le judaïsme, je n’ai jamais été convaincu – malgré tout le respect que j'ai pour mon identité, même quand des rabbins me l’ont expliqué enfant – que ce que j’avais fait était mal. Je n’ai jamais cru que c'était mauvais pour moi.

Vous n’avez pas craint pour votre boulot en faisant cette affirmation de foi?

Si l’on fait quelque chose de profondément ressenti, je ne crois pas que ça puisse nous couter cher. Je comprends qu'on puisse trouver que c’était courageux de faire ce film, mais pour moi, c'était un vertige, je ne pouvais pas ne pas y plonger.

[Gad jette un œil à sa montre.] Ma vie spirituelle prend une telle importance que, alors que nous devions nous parler 20 minutes, eh bien, ça fait plus d’une heure que ça dure. Je devrais être couché, moi! Ça veut dire une chose: c’est qu'il y a cette passion, ce feu en moi qui fait que je ne vois pas le temps passer quand on parle de cette partie si intime de ma vie, de tout mon être. Tout le reste peut attendre.

Brigitte Bédard
Brigitte Bédard

D’abord journaliste indépendante au tournant du siècle, Brigitte met maintenant son amour de l’écriture et des rencontres au service de la mission du Verbe médias. Après J’étais incapable d’aimer. Le Christ m’a libérée (2019, Artège), elle a fait paraitre Je me suis laissé aimer. Et l’Esprit saint m’a emportée (Artège) en 2022.