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Articles

Fabrice Hadjadj

Fabrice Hadjadj est philosophe et dramaturge. Il dirige l’Institut Philanthropos, à Fribourg, en Suisse.

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    ASMR

    Rien ne me stresse autant que la musique relaxante. Je dois avoir un problème avec mon cerveau reptilien (qui serait plus dans le genre dragon de Komodo que petit lézard qui se dore au soleil) et une surdétermination de mon néocortex. C’est du moins ce que l’on m’a suggéré. Je réfléchis trop à l’intention avec laquelle les choses sont faites. Quand quelqu’un agit tout exprès pour me détendre, ça me tend. J’ai l’impression que ses trop bonnes intentions s’évertuent à me traiter aussi gentiment que si j’étais une machine ou quelque minet qu’une simple caresse à l’encolure suffit à faire

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    Swiftie

    — Moi aussi, je suis un Swiftie. C’est ce que j’affirmais à une jeune femme, étonné d’avoir avec elle cette passion en commun : « Elle cache bien son jeu, me dis-je alors, avec ses baskets roses et son top à paillettes. Mais je l’ai méjugée. Cela m’apprendra à évaluer mon prochain sur son apparence. Lorsque le prophète Samuel était chez Jessé, l’Éternel lui avait bien précisé, etc. » Je dois dire que la jeune femme, quoique je portasse d’épaisses lunettes, paraissait non moins étonnée que moi. Pour lui prouver ma swiftienne appartenance, j’évoquai Les voyages de Gulliver. Puis embrayai sur la Modeste proposition, qui

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    Cloud

    Nous n’avons même plus la tête dans les nuages. Nous avons un appareil dans le cloud. Même l’époque des gratte-ciels est révolue. Elle datait de la plus haute antiquité. Les skylines de Manhattan et de Chicago se croyaient novatrices. Elles portaient la nostalgie des ziggourats mésopotamiennes, c’est-à-dire de la tour de Babel. Les plus riches avaient l’azur pour eux, la majesté des cumulonimbus pareils à de blanches caravelles offrant à leurs projections le symbole de la conquête de nouveaux marchés; les pauvres circulaient à leur pied, dans l’ombre. Désormais, les gratte-ciels paraissent trop liés aux prestiges du jour. On leur

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    Chillax

    Quand Douve, mon adjointe, m’a pour la première fois intimé cet ordre, j’ai dû lutter pour ne pas lui opposer un visage tout chiffonné de perplexité. Que voulait-elle me dire? Bien entendu, le texte ici ne suffit pas, il faudrait restituer le contexte, le ton de sa voix à la fois impérative et enjouée, son sourire malicieux où perçait la conscience de me troubler par une dernière invention du langage familier (informal) américain, et surtout vous peindre ma propre attitude, le froncement de mes sourcils et cette carrure de ma mâchoire qui avaient provoqué la mystérieuse parole. Sur le moment,

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    Scroll

    Ce mot, scroll, je l’ai découvert quand j’avais neuf ans. Je jouais à Donjons et Dragons. Les règles n’existaient pas encore en français. Nous devions donc les suivre dans la langue de Tolkien. Mon elfe magicien, chaotique bon, rêvait de scrolls: des rouleaux magiques recélant de puissants sortilèges. Je négligeais alors les devoirs de l’école, j’avais trop à faire avec les orques et les nécromanciens. Déjà la fuite dans l’imaginaire, me direz-vous. Mais l’homme est-il au monde à la manière des autres animaux, sans avoir à faire de longs détours par son intelligence et son imagination? D’ailleurs, cet imaginaire était

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    L’anti-FOMO

    En êtes-vous bien sûr? N’avez-vous pas mieux à faire? Parce que lire ce texte, c’est ne pas en lire d’autres, peut-être plus intéressants, et surtout ne pas écouter les dernières infos, visionner les dernières vidéos, bien plus exciting, sinon inspiring. Je sens d’ailleurs votre œil qui prend déjà la tangente, coupe à travers les lignes pour suivre la diagonale jusqu’au bas du texte à droite. Allons bon, vous n’avez pas entendu? Vous n’avez pas senti? Cela vient de vibrer sur la table. Ça peut être important: un attentat, un ballon d’or, mamie qui vous appelle… Ouf! Une notification vous a

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    «No_reply»

    J’allais ajouter un couplet à ma tirade contre le dispositif technologique, quand j’ai été saisi d’un soudain scrupule. C’était à propos des messages que nous recevons et dont l’envoyeur se présente avec la mention no_reply. Il y a d’abord cet affreux «tiret bas», appelé aussi «underscore», ignoré de la bonne écriture française et qui ne souligne que le vide. Cela seul suffit à le disqualifier. Mais il ne se contente pas de cette insignifiance, il ajoute que le message n’appelle pas de questionnement ni de dialogue, et que personne, donc, n’en est responsable. L’administration dédouane ses ministres: «C’est comme ça

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