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Illustration : Marie-Pier LaRose/Le Verbe

Vincent, médecin au chevet des enfants malades

Oncologue-pédiatre, Vincent évolue au quotidien dans une relation de proximité avec la souffrance d’enfants et d’adolescents. Devant cette forme spécialement choquante de misère et d’apparente injustice, plusieurs – on le comprend – perdent leurs repères. Portrait d’un médecin qui, devant la mort et la maladie, sert Dieu en donnant du sens à la jeune et fragile vie de ses patients.

Cela fait neuf ans que Vincent (nom fictif) est oncologue-pédiatre, c’est-à-dire médecin spécialisé dans le diagnostic et le traitement de cancer chez les enfants de 0 à 18 ans. Si certains se demandent pourquoi il a choisi un tel métier, pour le quarantenaire, la raison est claire : servir Dieu.

La vocation médicale lui vient dès l’âge de 16 ans, alors qu’il soutient sa grand-mère dans un hôpital et s’attache à un jeune garçon de 7 ans qui décèdera d’un cancer. Vincent vit difficilement cette perte et décide alors de donner sa vie aux enfants dans la douleur.

« J’ai toujours détesté les injustices, et, selon moi, il n’y a pas d’injustice plus grande que la mort d’enfants innocents. C’était donc clair que j’allais devenir oncologue-pédiatre », déclare-t-il, aussi sûr de son choix qu’à l’époque.

Cette vocation, Vincent croit que c’est Dieu qui l’a mise dans son cœur. Il soutient qu’il serait incapable de faire ce métier sans sa foi. Le quotidien d’un médecin qui diagnostique et traite des cancers chez les enfants est, cela va sans dire, souvent lourd et chargé d’émotions.

« Humainement, je ne vois pas comment c’est possible de continuer là-dedans sans devenir horrible et insensible, ou psychologiquement affecté. Il faut croire en quelque chose de plus grand et en la vie éternelle pour trouver du sens dans ça », affirme Vincent.

« Ça m’arrive de devoir dire aux enfants que je soigne qu’ils ne survivront pas. Quand tu annonces une telle chose et tu vois l’enfant pleurer devant toi, tu n’as pas de mots, c’est contre nature », ajoute-t-il, un trémolo dans la voix.

« J’ai su qu’il y avait la vie éternelle, et depuis, je n’ai plus peur de la mort. C’est ça qui m’aide au quotidien dans mon travail. »

Or, pour Vincent, là se trouve sa mission : consoler les affligés en les accompagnant dans toutes les étapes. « Je ne peux peut-être pas éliminer la souffrance de ces enfants, mais je peux lui donner un sens en leur donnant de l’amour, de la joie et du soutien », m’explique celui qui consacre une grande part de sa prière à ses patients et à leurs parents.

« Quand j’ai souffert dans ma vie, le seul qui s’est penché vers moi, c’est Dieu. Il a eu pitié de moi alors que je ne le méritais pas et que je blasphémais, confie Vincent. Quand tu es dans la souffrance, tu peux soit maudire le Seigneur à jamais et tomber dans le piège, comme je l’ai fait pendant longtemps, soit t’ouvrir à la grâce de Dieu pour traverser cette souffrance et lui demander son aide. »

En entendant ces paroles, on imagine difficilement qu’il était autrefois un activiste anticlérical.

La mort dans le cœur

À l’âge de 14 ans, Vincent vit un évènement qui le traumatise et change radicalement sa vision du monde. « J’ai vécu quelque chose que personne ne devrait vivre », dit-il l’air grave. Mon regard me trahit. « C’est ce que tu imagines, oui, m’explique-t-il. Dieu merci, ce n’était pas un membre du clergé. »

Ce jour-là, l’adolescent rencontre le mal et comprend ce qu’est la souffrance. Celui qui a grandi dans une famille catholique très pratiquante et a toujours cru en Dieu remet en question son existence, pour la première fois. Assoiffé de sens, Vincent interroge ses parents et son entourage sur l’origine du mal et prie Dieu de lui envoyer une réponse. Mais il ne reçoit rien. À 17 ans, désespéré, il abandonne sa quête et renonce entièrement à la foi. Pour lui, « si Dieu n’existait pas, rien n’avait de sens ».

S’amorcent alors cinq années de débauche, de rébellion et d’activisme contre l’Église. « J’ai fait tout et n’importe quoi, car pour moi, rien n’avait de valeur, donc je n’avais aucune règle », avance Vincent. « Je considérais que Dieu était responsable de la souffrance dans le monde et je ne voulais pas suivre un dieu indifférent comme ça. »

Derrière sa colère, Vincent cache une profonde angoisse. Il a peur de la mort. Il voit bien que, si Dieu n’existe pas, il n’y a pas de vie après la mort. À quoi bon vivre ? La question taraude le jeune homme qui, « la mort dans le cœur », tente tant bien que mal d’étouffer son angoisse existentielle en remplissant ses journées : études en médecine, chorale, piano, sport, politique, Vincent fait tout. Il a tout, mais il n’a rien.

Des fleuves d’eau vive

Jusqu’à la mi-vingtaine, Vincent se tient loin de la religion. C’est lors d’un pèlerinage à Međugorje, fortement conseillé par sa mère, qu’il rencontre à nouveau Dieu.

« Pour moi, c’est ça mon témoignage silencieux : rester là,
malgré la souffrance. Je vais accompagner ces enfants
et ces parents jusqu’au bout et souffrir avec eux. »

« Là-bas, je me retrouve avec quatre catholiques fanatiques qui vont à la messe tous les jours. Je me demande vraiment ce que je fais là, mais je continue de les suivre », relate l’oncologue-pédiatre en rigolant.

« Un soir, nous assistons à un cours sur les blessures d’enfance. C’est alors que nous lisons la Parole : “Celui qui croit en moi! Comme dit l’Écriture : De son cœur couleront des fleuves d’eau vive” (Jean 7,38). Ça me perturbe énormément », dit Vincent, avant de prendre une pause.

« Puis, je me dis intérieurement: “OK, j’y vais, j’y crois.” À ce moment-là, j’entends comme un son d’eau qui ruissèle. Pendant cinq secondes, j’entends de l’eau qui coule », assure mon interlocuteur, frappé, étonné. « Nous étions trois dans la pièce, et tous les trois, nous avons entendu ce son. Nous étions tous perturbés », précise-t-il.

Instantanément, une joie immense remplit Vincent. Sans savoir comment, il ressent au plus profond de lui-même que Dieu l’aime et veut son bien. Comme si l’intelligence divine l’éclairait tout d’un coup, il comprend que « Dieu n’est pas la cause de la souffrance dans le monde; le démon l’est ».

« Dieu a répondu à mes prières », partage Vincent en souriant, « j’ai su qu’il y avait la vie éternelle, et depuis, je n’ai plus peur de la mort. C’est ça qui m’aide au quotidien dans mon travail. »

Témoin silencieux

S’il fait ce métier « pour réparer toutes les conneries [qu’il a] faites par le passé », Vincent croit aussi qu’il n’est « pas là par hasard ».

« Je souhaite être une présence de Dieu auprès des gens qui, comme moi jadis, souffrent et n’ont pas la foi », confie celui qui aspire à être un exemple de foi pour ses patients et ses collègues.

« Les gens diront: “Comment cet homme qui voit des horreurs tous les jours peut-il croire en Dieu et ne pas se révolter ?” Pour moi, c’est ça mon témoignage silencieux : rester là, malgré la souffrance. Je vais accompagner ces enfants et ces parents jusqu’au bout et souffrir avec eux », explique Vincent.

Là se trouve le sens de son travail. Par son témoignage, l’oncologue-pédiatre souhaite montrer à ces gens que, malgré leur souffrance, « Dieu nous aime, il veut notre bien et il nous attend dans sa lumière ».

Et c’est là que s’en vont « ses enfants », comme les appelle Vincent : « dans la lumière du Christ pour l’éternité ».

Frédérique Bérubé
Frédérique Bérubé

Diplômée au baccalauréat en communication publique et à la maîtrise en journalisme international, Frédérique est passionnée de voyages, de rencontres humaines et, bien sûr, d’écriture. À travers ses reportages, elle souhaite partager des histoires inspirantes et transformantes!