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Une loi qui rate sa cible

Les réactions abondent suite à l’adoption de la loi sur la laïcité. Sur cet enjeu comme sur plusieurs autres, je ne me reconnais dans aucun des deux camps qui s’affrontent. J’expose ici mes critiques de part et d’autre.

Pourquoi appuie-t-on cette loi? Deux grandes raisons : la crainte de l’islam et l’affirmation nationale. Dans les deux cas, la laïcité est instrumentale. Sans islam radical ou multiculturalisme fédéral auxquels s’opposer, personne ne se soucierait des signes religieux.

Dans les deux cas, cette loi me semble mal ciblée.

Un rempart contre l’islam radical?

Si on veut lutter contre l’islam radical, réduire l’accès des musulmanes au marché du travail ne peut qu’être contreproductif. Ces femmes exclues élèveront leurs enfants dans un esprit de rejet social, et les imams radicaux bénéficieront d’une illustration additionnelle d’affront commis par l’Occident à l’encontre des musulmans.

On rapporte déjà des insultes croissantes à l’endroit des musulmanes dans les rues de Montréal ; des musulmans modérés et bienveillants envers leur société d’accueil peuvent ainsi être poussés dans les bras des radicaux.

L’islam radical ne sera aucunement affaibli ou écarté par une telle mesure.

Promouvoir l’affirmation nationale?

Si on veut promouvoir l’affirmation nationale face au multiculturalisme fédéral, il me semble que l’exclusion d’une minorité est un moyen peu rassembleur.

Je dois admettre que c’est rassembleur d’un point de vue politique, au sens où les mouvances populistes actuelles alimentent un grand appui pour de telles mesures, mais ce n’est certes pas rassembleur en termes de véritable unité nationale.

Le nationalisme québécois a historiquement été « pour » la défense de la langue et de la culture de la majorité du Québec ; il est navrant qu’il devienne « contre » l’expression d’appartenances minoritaires.

Le nationalisme n’est pas (nécessairement) intolérant

Pourquoi s’oppose-t-on à cette loi? Deux grandes raisons ici encore : la lutte contre l’intolérance raciste et la défense des droits fondamentaux. Ces deux créneaux me semblent excessifs pour dénoncer une telle loi.

Tous les racistes sont favorables à cette loi, mais tous les supporteurs de cette loi ne sont pas racistes.

Tous les racistes sont favorables à cette loi, mais tous les supporteurs de cette loi ne sont pas racistes. Au vu de l’actualité internationale, la crainte de l’islam radical n’est pas sans fondement, et ce en dehors de toute sensibilité xénophobe.

L’affirmation nationale sous-jacente à cette loi, si elle est mal ciblée, n’est pas intolérante ou raciste pour autant. Il y a des motifs légitimes pour appuyer cette loi et il est injuste d’accuser l’ensemble de ses supporteurs de tares aussi graves que le racisme ou l’intolérance.

C’est comme d’accuser tous les socialistes d’être des révolutionnaires sanglants au motif que tous les révolutionnaires sanglants seraient socialistes : c’est une généralisation abusive.

La question des droits fondamentaux

D’un point de vue strictement juridique fondé sur la jurisprudence canadienne, cette loi est surement une violation des droits fondamentaux.

Cependant, la Cour suprême du Canada n’est pas la référence absolue des droits fondamentaux. La Cour de justice de l’Union européenne est arrivée à des conclusions différentes ; les juges de l’Allemagne nazie ont approuvé de terribles exactions à l’encontre des Juifs.

Ultimement, la position des tribunaux est aussi circonstancielle et critiquable que celle de la majorité populaire. Les chartes elles-mêmes ont été adoptées de façon politique, par une approbation des élus. S’il suffisait de citer la jurisprudence pour mettre fin à un débat politique, nous serions bel et bien sous le joug d’un gouvernement des juges.

En bref, je reconnais que cette loi repose sur des fondements légitimes, mais elle me semble mal ciblée, inutile et exclusive. Je reconnais qu’il y a des motifs légitimes pour s’opposer à cette loi, mais on ne peut pas la réduire à un racisme oppressif ou à une violation des droits fondamentaux. Je reconnais donc un certain bienfondé à chacun des deux camps, mais, en même temps, la posture de chacun me semble peu défendable.


Sylvain Aubé
Sylvain Aubé

Sylvain Aubé est fasciné par l’histoire humaine. Il aspire à éclairer notre regard en explorant les questions politiques et philosophiques. Avocat pratiquant le droit de la famille, son travail l’amène à côtoyer et à comprendre les épreuves qui affligent les familles d’aujourd’hui.