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Illustration : Judith Renauld/Le Verbe

Super/Man ou l’évangile selon Christopher Reeve

Tout le monde connait Superman, mais très peu ont pu connaitre Christopher Reeve, l’homme qui a incarné pour la toute première fois dans un film au cinéma LE superhéros des superhéros.

Le documentaire Super/Man : l’histoire de Chrisopher Reeve raconte la vie fascinante de ce jeune acteur de théâtre new-yorkais totalement inconnu qui devient, du jour au lendemain, une mégavedette de cinéma grâce à son interprétation incomparable de Clark Kent/Superman en 1978.

En 1995, lors d’une compétition équestre, Reeve fait une mauvaise chute. Sa moelle épinière est sectionnée au niveau de la nuque, la tétraplégie est complète. Il n’a aucune sensibilité ni motricité en dessous de la lésion. Un respirateur le tient en vie. Neuf ans plus tard, il meurt entouré de sa famille, à l’âge de 52 ans.

Histoire de famille

Des centaines d’archives personnelles, des extraits de films de DC, des lectures de journaux intimes et des entrevues percutantes, voire bouleversantes, entrainent le spectateur tantôt dans la vie du superhéros charismatique, beau, grand, musclé et sportif; tantôt dans celle de l’homme paralysé, handicapé, fragile et dépendant, cloué à son lit ou sa chaise. Ce contraste est poignant.  

Christopher Reeve a eu trois enfants. Les deux premiers, Matthew Exton Reeve (1979) et Alexandra Exton Reeve (1983), avec Gae Exton et le cadet, William Elliot Reeve (1992) avec son épouse Dana Morosini. Ils se livrent à cœur ouvert sur leur relation avec leur père en n’épargnant pas le côté sombre de l’acteur.

Matthew raconte qu’au lendemain de sa naissance, son père est parti faire du ski avec ses amis dans les Alpes. Plus tard, on apprend qu’il a quitté Gae et leurs deux enfants en bas âge pour se consacrer à sa carrière à Hollywood. Il y rencontre Dana. Celui qui avait déclaré dans un talkshow américain que le mariage n’était qu’un bout de papier épouse Miss Morosini cinq ans plus tard.

Bref, on ne fait pas dans la flatterie. Le superhéros de l’écran est dans la réalité un pauvre pécheur, blessé par le rejet de son propre père. Même une reconnaissance planétaire ne lui gagnera pas celle que son père lui a toujours refusée.

La voix brisée, tant par l’émotion que par sa trachéotomie, Christopher Reeve se confie en vérité: « Il aura fallu cet accident pour me faire arrêter, pour me faire comprendre que ce qui avait le plus de valeur dans la vie, c’était la relation avec les autres et l’amour. » Peu avant son décès, sa perception de sa vie change. Au lieu de la voir scindée en deux,  « l’avant » et « l’après » accident, il la voit enfin comme une ligne continue. Il trouve la paix. Gae témoigne en ces termes de ce pardon et de cette réconciliation: « C’est l’accident qui nous a rapprochés. Sans l’ombre d’un doute! »

Histoire d’amour

Quand Reeve reprend conscience plusieurs jours après sa chute, tout ce qu’il ne pourra plus faire l’accable. Il ne passait pas une journée sans monter à cheval, faire de la voile, jouer au baseball, voler dans son planeur ou s’entrainer. Il pense à en finir. Dana lui laisse le choix, mais elle lui dit cette parole qui fera en sorte qu’il choisira la vie: « Tu es toujours toi! Et je t’aime! ». Reeve l’admet, une seule hésitation de sa part et il aurait demandé qu’on le débranche.

L’amour de ce couple a quelque chose de surhumain, d’héroïque. À ses funérailles, Dana témoigne de la radicalité du mariage: « J’ai prononcé un vœu envers Chris quand nous nous sommes mariés. J’ai dit que j’allais l’aimer et que j’allais demeurer auprès de lui, dans la maladie, comme dans la santé. Et j’ai fait tout cela très bien. Mais il y a un autre vœu que j’ai prononcé et que je dois aujourd’hui reformuler. J’ai promis de l’aimer, de l’honorer et de le chérir jusqu’à ce que la mort nous sépare. Je ne peux pas faire ça. Parce que je vais l’aimer, l’honorer et le chérir pour toujours ».

Dieu n’est pas nommé, mais son amour est à l’œuvre. Reeve le constate : « Partout où j’allais, les gens me disaient : ‘’Nous prions pour toi, Superman!’’. » Assurément, cette prière, venue des quatre coins du monde, a permis au couple et à la famille de vivre cette épreuve comme un renouvèlement, non comme un anéantissement. Source d’une transformation intérieure profonde, elle a apporté quelque chose de nouveau au monde.  

On pourrait presque entendre les paroles du prophète: « Ne faites plus mémoire des évènements passés, ne songez plus aux choses d’autrefois. Voici que je fais une chose nouvelle : elle germe déjà, ne la voyez-vous pas? Oui, je vais faire passer un chemin dans le désert, des fleuves dans les lieux arides. » (Isaïe 43, 18-19)

Faire du bon, du beau et du nouveau à partir d’une tragédie en apparence insurmontable, voilà le propre de Dieu.

« Vous pouvez dire que l’univers est totalement aléatoire. Qu’il ne s’agit que de molécules qui s’entrechoquent tout le temps. Le chaos. Et que notre travail est de donner du sens au chaos. Ou bien, vous pouvez dire que, quelquefois, les choses arrivent pour une raison. Et que notre travail est de découvrir cette raison », déclare Matthew, admiratif devant le cheminement humain et spirituel de son père.

Histoire d’espoir

Le renouvèlement des relations dans la famille Reeve apporte un souffle nouveau. « Mon père, ma mère, la façon dont ils étaient ensemble, leurs valeurs, les modèles qu’ils ont été pour nous, à travers leurs paroles et leurs actions, leur amour inébranlable, tout cela a donné un sens à notre vie », conclut William.

Christopher Reeve s’investit totalement pour la cause des personnes handicapées, et ce, jusqu’à son dernier souffle. Certains groupes lui reprochent de donner de faux espoirs aux personnes handicapées et à leur famille. « Non! Je donne de l’espoir. Il n’y a pas de faux espoirs », rétorque-t-il. Dana nuance: « Il faut avoir tous les espoirs, mais aucune attente ».

Comment ne pas faire le lien avec le fameux « S » sur la combinaison du superhéros? Le symbole kryptonien de la Maison d’El, l’écusson familial est porté par le père biologique de Kal El (Clark Kent/Superman) et signifie « Espoir ».

L’histoire de Christopher Reeve est celle d’un superhéros qui devient un vrai héros. Il le comprend lui-même à travers sa transformation : « Quand le premier film de Superman est sorti, la question la plus fréquente que les gens me posaient était : “Qu’est-ce qu’un héros?’’. Ma réponse était : “Un héros est quelqu’un qui fait des actes courageux sans penser aux conséquences’’. Maintenant, ma définition est complètement différente. Je crois qu’un héros est un individu ordinaire qui trouve la force de persévérer et d’endurer les épreuves, malgré les obstacles qui se dressent sur son chemin ».

Le documentaire Super/Man : l’histoire de Christopher Reeve, sorti en octobre 2024, a remporté six prix aux Critics Choice Documentary Awards du 10 novembre dernier, dont celui du meilleur documentaire de l’année, ex aequo avec Will & Harper.

(Texte modifié le 11 novembre 2024.)

Brigitte Bédard
Brigitte Bédard

D’abord journaliste indépendante au tournant du siècle, Brigitte met maintenant son amour de l’écriture et des rencontres au service de la mission du Verbe médias. Après J’étais incapable d’aimer. Le Christ m’a libérée (2019, Artège), elle a fait paraitre Je me suis laissé aimer. Et l’Esprit saint m’a emportée (Artège) en 2022.