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Quand foi et sport se rencontrent
On connait tous, ou presque, quelqu’un pour qui le sport est une religion. Mais peut-il être aussi une façon de transmettre sa foi ? De la pratiquer ? Incursion dans l’univers méconnu des sportifs, aumôniers et accompagnateurs qui cherchent la gloire de Dieu avant la leur.
Tous les joueurs sont en place sur le terrain, bien alignés, immobiles. Puis, le ballon lève de terre. Au même moment, la masse d’hommes aux larges épaulières et aux casques grillagés se disperse dans tous les sens. Parmi eux, le numéro 39 se faufile avec agilité vers la gauche pour se jeter sur un joueur du camp adverse. Il s’agit de David Dallaire, centre-arrière pour les Alouettes de Montréal.
« J’ai toujours joué au football. Ça vient de mon père, qui a longtemps joué avant de devenir entraineur. Il a inculqué sa passion à ses sept enfants, sans jamais l’imposer », se souvient David, qui joue au football depuis l’école primaire.
Âgé de 24 ans, le jeune homme de Saint-Georges à la chevelure blonde et à la carrure imposante entreprend sa deuxième saison avec les Alouettes, un rêve qu’il ne croyait pas voir devenir réalité aussi rapidement. « Ma dernière saison avec le Rouge et Or de l’Université Laval s’est très bien passée, ce qui a fait que j’ai été recruté », raconte-t-il, une étincelle dans les yeux.
Mais en plus de cette passion pour le football, David a hérité autre chose de ses parents : la foi.
« La religion est très importante pour moi, notamment dans ma carrière, que je dois à Dieu. Je ne serais pas arrivé jusqu’ici sans lui », affirme le Beauceron, qui a grandi dans une famille catholique pratiquante. Pour lui, Dieu est « un confident, sur qui [il peut] se fier dans les périodes plus difficiles de [sa] vie ».
« Quand je suis sur le terrain et que j’ai le ballon dans les mains, je demande à Dieu de m’aider à faire cette verge. Au lieu de juste m’en remettre à moi-même, je m’en remets à lui », m’explique David, dont la foi n’a pas toujours été aussi présente sur le terrain.
Le foot, unique raison de vivre
À l’université, l’étudiant-athlète prend ses distances par rapport à la foi. « Sans renier Dieu, j’ai arrêté d’aller à la messe, pour plutôt passer mes soirées dans les bars avec mes amis du foot », confie David. Il souhaite alors « vivre sa vie de jeune ». À l’époque, il n’a qu’un but : jouer un match avec son grand frère Christian, lui aussi joueur pour le Rouge et Or de l’Université Laval. Son rêve se réalise enfin en 2019. Mais du jour au lendemain, un vide s’installe dans la vie de David.
« Enlève le foot de la vie d’un footballeur, il lui reste quoi ? Moi, il allait me rester Dieu. » – David Dallaire
« Une fois ce match passé, j’ai réalisé que je n’avais pas d’autre but dans la vie. J’étais complètement perdu », dit-il, troublé. À cette première prise de conscience s’ajoute la peur de ne plus pouvoir jouer au football après une grave blessure à l’épaule pour laquelle David doit être opéré dans les mois qui suivent.
« L’opération me stressait, car rien ne garantissait que j’allais pouvoir rejouer au foot après. Sans ça, à quoi je servais ? Enlève le foot de la vie d’un footballeur, il lui reste quoi? » lance-t-il, avant de prendre une pause. « J’ai compris à ce moment-là que, moi, il allait me rester Dieu, qu’il était la chose la plus solide dans ma vie et que je voulais le servir », ajoute l’athlète. Dès lors, il retourne à la messe et commence à étudier la Bible avec son frère Charles.
Après une opération réussie, David renfile ses crampons. En 2022, l’équipe remporte la coupe Vanier – récompense ultime du football universitaire canadien –, notamment grâce à un touché qu’il accomplit pendant le match. Après une séquence d’exploits sportifs, David est recruté par les Alouettes de Montréal et intègre le club en 2023. Il a l’heureuse surprise d’y trouver d’autres joueurs croyants, un aumônier et même un groupe d’études bibliques !
Rencontrer Dieu à travers le sport
« Pour les non-croyants, je suis un coach culturel qui assure la cohésion de groupe et le bienêtre des gars au sein de la culture de l’équipe », explique Jacob Hawthorne, aumônier pour les Alouettes. « Je ne suis pas là pour pousser ces joueurs vers Dieu, je me rends simplement disponible s’ils ont besoin de moi pour discuter. Éventuellement, Dieu viendra œuvrer en eux. »
« La deuxième casquette que je porte est celle d’aumônier pour les joueurs qui se disent croyants et qui veulent parler de leur foi », continue l’homme de 32 ans tout en regardant, depuis les estrades, la séance d’entrainement des Alouettes se dérouler devant nous. « Il y a donc, pour ceux qui le veulent, une étude biblique une fois par semaine, au cours de laquelle nous lisons et partageons sur un passage de la Bible, et une prière avant et après les matchs. » Originaire de l’Arkansas aux États-Unis et ancien joueur de soccer professionnel, Jacob Hawthorne commence son ministère chez Athlètes en Action en 2015. Cette organisation américaine encourage depuis 50 ans, dans 72 pays dont le Canada, les athlètes à s’engager dans leur foi chrétienne en partageant leur témoignage dans les écoles, les universités et, de plus en plus, dans les médias.
Pour lui, le sport occupe une place importante au Québec, ce qui fait de la province un terreau fertile pour l’éducation de la foi à travers le sport. Une idée que partage Joseph Macchiagodena, coordonnateur au Centre de leadeurship jeunesse Don Bosco (DBYLC), basé dans la métropole.
« Nous accueillons 1 500 jeunes par année et environ 650 pendant le camp d’été. Nous sommes le plus grand camp à Montréal », soutient-il.
S’inspirant du modèle pédagogique de saint Jean Bosco, qui prône l’éducation par la douceur, le centre communautaire anglophone DBYLC est fondé en 1997. Il a pour mission « d’introduire progressivement à la foi des jeunes qui ne croient pas en Dieu, en utilisant le sport pour les approcher », explique celui qui y travaille depuis l’âge de 16 ans.
Le sport, un langage universel
« Tout le monde parle la langue du sport. La preuve : lance un ballon sur un terrain et il rassemblera des gens, peu importe la langue qu’ils parlent », affirme l’aumônier. « Chez Athlètes en Action, nous croyons que Dieu transforme les vies. C’est pourquoi nous joignons les deux – la foi et le sport – pour transformer l’univers sportif en partageant Jésus à des athlètes et par des athlètes », explique Jacob Hawthorne, qui insiste sur l’importance de respecter en tout temps les limites des joueurs et de ne rien leur imposer.
« L’aumônerie est un ministère de berger, c’est-à-dire de service », poursuit-il. « Il ne s’agit pas juste d’étudier la Bible ou de parler de Dieu avec les joueurs, mais aussi d’être présent pour eux quand ils ont simplement besoin d’avoir une discussion sur leur couple ou leurs finances », souligne le père de famille.
Au Centre Don Bosco, un même esprit anime les intervenants auprès des jeunes. Hockey cosom, danse, pingpong, soccer, basketball : les programmes sportifs offerts tout au long de l’année scolaire sont nombreux. « Ce qu’on veut créer entre les jeunes, c’est l’amitié, la fraternité et la charité. Le sport permet ça, car il tisse des liens forts entre les gens au point de faire d’eux une famille », affirme Joseph Macchiagodena.
Sont intégrés à ces programmes une prière avant les activités sportives, la messe le vendredi, deux retraites annuelles et le faith space mensuel, un enseignement suivi d’un temps d’échange sur un enjeu de société.
« On y va progressivement, et graduellement, avec le temps, les jeunes s’ouvrent un peu plus à la discussion », raconte le coordonnateur qui, comme Jacob Hawthorne auprès des joueurs des Alouettes, souhaite d’abord créer un lien de confiance avec les jeunes et un climat dans lequel ils se sentent en sécurité et à l’aise de parler. « S’ils le désirent, ils viendront nous poser des questions sur la foi », ajoute celui qui reste parfois à discuter jusqu’au petit matin avec un jeune ou l’autre.
« Plusieurs viennent me dire que le centre a joué un rôle décisif dans leur vie et les a menés à Dieu. C’est merveilleux », finit par dire Joseph Macchiagodena, tout sourire.
De leur côté, comme s’ils ne pouvaient garder pour eux ce qui donne un sens à leur vie, « David et son frère Charles ont commencé à témoigner pour Athlètes en Action en mars dernier », raconte avec enthousiasme l’aumônier du club de football montréalais, juste avant de me quitter pour un partage biblique avec ses joueurs.
Photos : Marie Laliberté/Le verbe