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Photo : Agathe Chiasson-Leblanc

Pierre Lussier : à la source du Beau

Le mot célèbre de sainte Thérèse de Lisieux, « tout est grâce », pourrait être sa devise. Car c’est dans la contemplation de la nature et de la vie, dans l’émerveillement devant la grandeur de l’univers, que l’artiste Pierre Lussier a laissé entrer le sacré dans son œuvre et dans son cœur. Dans ce qu’il peint, dans ce qu’il écrit, dans ce qu’il dit, il apparait clairement que cet homme est en communication constante avec le divin. Dans notre monde hyperconnecté, il s’est plutôt branché à la source de la beauté et de l’amour.

Pour le grand public, le contact avec la peinture de Lussier se fait, entre autres, à la basilique Sainte-Anne de Beaupré, dans la chapelle de l’Immaculée Conception, où il a réalisé des portraits de saintes du Canada tels Marguerite Bourgeoys et Marguerite D’Youville. Il a travaillé sur ce projet avec son grand ami Marius Dubois, auquel il est souvent associé comme principal représentant de ce que certains ont appelé « l’École de Québec ». À des années-lumière des tendances abstraites ou conceptuelles privilégiées dans les cercles artistiques québécois depuis le Refus Global, ces deux artistes figuratifs ont choisi la continuité avec les grands maitres de la peinture occidentale. Ayant tous deux connu l’époque des collèges classiques et la richesse de leur enseignement, l’art religieux était loin de les repousser. « L’art sacré était naturel pour nous », dit Lussier, qui s’exerçait à copier des Michel-Ange dès sa jeunesse. « Marius et moi, nous étions comme deux frères; nous nous sommes connus à l’âge de quatorze ans et nous avons passé presque tout le reste de notre vie ensemble! » se remémore-t-il.

Du Pop Art à Jésus Christ

Si aujourd’hui Pierre Lussier se consacre presque uniquement à l’art sacré, il n’en a pas toujours été ainsi. Les errances de sa jeunesse l’ont d’abord éloigné de la foi et de son univers pictural. Après des études en cinéma aux États-Unis, il est revenu aux arts visuels, mais a exploré diverses avenues, dont le Pop Art et le dessin de mode. Mais ses aptitudes remarquables pour le dessin aux traits fins, son intérêt pour l’histoire de l’art et ses recherches personnelles l’ont heureusement poussé beaucoup plus loin. Un séjour de quelques années à Florence a notamment été l’occasion d’une étude approfondie des techniques de l’art ancien. Au cours de sa vie, Lussier a d’ailleurs profité de nombreux et longs séjours à l’étranger pour parfaire son apprentissage.

C’est toutefois au Québec, alors qu’il contemplait un paysage bouleversant de beauté, qu’il a vécu une sorte d’Épiphanie, ou un début de conversion : il a compris que toutes ces grâces de la nature communiaient au même Amour, le Créateur. Il s’est mis à peindre des paysages et des personnages en harmonie avec cette nature – à tel point qu’on l’a même déjà qualifié de « peintre écologiste ».

Il aurait pu en rester là, dans l’admiration d’une nature reconnue comme sacrée ou divine, déifiée en elle-même, mais sa quête n’était pas encore achevée. Il a lentement évolué vers une spiritualité en accord avec le catholicisme de ses origines, jusqu’à renouer avec la pratique des sacrements. « Il a fallu du temps et bien des étapes », admet-il. Depuis quelques années, le Christ, la Vierge Marie et divers passages marquants de l’Évangile font partie de ses sujets de prédilection. Un parcours plutôt hors du commun dans le milieu de l’art contemporain, c’est le moins que l’on puisse dire ! Et aussi un choix courageux : ce ne sont pas tous les galeristes et collectionneurs qui l’ont suivi dans cette direction.

Un peintre amoureux

Il est évident que Pierre Lussier est amoureux – amoureux de ses proches, de la vie, de l’art… et de Dieu. De ses tableaux se dégage une grande tendresse : une douceur dans les poses, les gestes et les regards des personnages, des paysages d’une émouvante pureté, une palette de couleurs lumineuse, des sujets inspirés par une riche vie intérieure, mais aussi par une vie familiale comblée. Son épouse et ses quatre filles apparaissent souvent dans son œuvre; on reconnait les visages aimés et aimants.

Lussier a toujours vécu exclusivement de son art, sans jamais manquer de rien, tout en étant père de famille. Il a fait le choix d’un mode de vie économe, qui lui a permis de concentrer ses ressources dans des projets significatifs comme de longs voyages de formation en Europe – toujours accompagné de sa famille. Il est immensément productif et crée tous les jours. Les moindres recoins de sa demeure sont remplis de dessins, d’aquarelles, de peintures; la discipline et la persévérance dans le travail font partie de son quotidien. Aujourd’hui, rares sont les artistes, semble-t-il, qui jouissent d’une telle stabilité matérielle et d’une vie ainsi ordonnée. Comme quoi le cliché de l’artiste tourmenté et rebelle ne tient pas la route, et n’est surtout pas garant de succès!

Parcours bien étoffé

Car du succès, Lussier en a eu – et en a encore –, même s’il demeure une figure relativement peu connue du public. Outre les œuvres de Sainte-Anne-de-Beaupré, on lui a confié des commandes importantes, dont le magnifique tableau d’autel de l’église de La-Purification-de-la-Bienheureuse-Vierge-Marie à Repentigny (La présentation de Jésus au temple, 1992) et la fresque Desjardins de Lévis (2005-2006, en collaboration avec d’autres artistes). Il a exposé dans des galeries au Québec et en Europe; on retrouve ses œuvres dans de grandes collections privées et dans des musées.

Que pouvait-il bien ajouter à ce curriculum bien garni ? Le peintre a accepté de se joindre à un groupe d’artistes chrétiens fondé en 2016, le RACEF (Réseau d’art chrétien et d’éducation de la foi). « Le fait que l’on se regroupe en tant qu’artistes chrétiens et que ça se passe au Québec, je ne pouvais pas résister à cette donnée de départ! » dit-il en riant. Comme les autres membres de ce groupe de créateurs, Pierre reconnait le potentiel catéchétique de l’art et sa puissance d’évocation, qui peut interpeler bien des personnes en quête de sens, de vérité et de beauté.

L’Esprit Saint n’a pas dit son dernier mot

D’ailleurs, Pierre Lussier est confiant que son œuvre, et celle de son ami Marius, continueront à toucher des âmes sensibles. « Un jour, ça sera connu. Ça serait bien que les Québécois sachent qu’il y a des artistes au Québec, des artistes sérieux, qui ont emprunté ce chemin qui rejoint, au fond, les grands idéaux des débuts de la colonie », affirme-t-il en se référant à leurs œuvres d’art sacré.

Quand je lui témoigne que notre riche patrimoine artistique éveille la curiosité des jeunes (lorsqu’ils y ont accès), il répond : « Oui, l’Esprit Saint est à l’œuvre. Et il n’a pas dit son dernier mot! »

Toiles : Avec l’aimable collaboration de Pierre Lussier

Agathe Chiasson-Leblanc
Agathe Chiasson-Leblanc

Formée en histoire de l’art, Agathe réalise une multitude de travaux sur le patrimoine culturel du Québec. Elle trouve sa joie dans tout ce qui élève l’âme : les arts, les livres, les grandes amitiés, la connaissance de la vie des saints. Mariée, elle est mère de quatre enfants.