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Illustration : Marie-Pier LaRose/Le Verbe

Deux questions pour trois chrétiens qui ne s’entendent pas

Un entretien avec une orthodoxe, une catholique et un protestant. Quoi de mieux pour dresser la table de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, qui est observée chaque année au cours du mois de janvier ?

Christine Ebrahim, Copte de l’Église égyptienne orthodoxe, est divorcée. Son mariage dans une église copte catholique avait causé beaucoup de friction au sein de sa famille. La division entre chrétiens, elle connait !

Dominique Tétreault, catholique romaine, et François Pinard, protestant évangélique, forment un couple. Le jour de leur mariage, ils se sont dit qu’ensemble, ils travailleraient intimement à l’unité des chrétiens et qu’ils ne tenteraient jamais de convertir l’autre.

La question facile :  qu’est-ce que vous aimez des deux autres confessions ? 

Dominique et Christine s’entendent pour dire que la louange est le point fort des protestants. « J’aime que le corps au complet embarque, pas juste de façon très révérencielle, comme nous, les orthos ! », lance Christine.  

Dominique a fait sa liste : « L’appel à la conversion personnelle, la rencontre avec Jésus, la place accordée aux émotions, le dynamisme des communautés et leur créativité. Il y a aussi beaucoup de jeunes et la Bible occupe une place centrale, ça manque aux catholiques, selon elle, qui termine avec l’accent mis sur l’accueil. Quand tu arrives dans une église évangélique, les gens te connaissent par ton nom, te donnent des informations. On veut que tu aies ta place ! »

Christine envie la place faite aux femmes dans l’Église catholique : « Surtout au Québec, dans le service de la messe, dans l’enseignement. Tu ne verrais jamais ça chez les orthodoxes ! Mon expérience en Égypte avec les catholiques est très positive. J’ai retrouvé ça ici. »

— Et toi, François ?

« La compréhension du Salut dans l’Église catholique est plus complète que chez nous. Souvent, dans l’église évangélique, ça se limite à “sauver son âme” ! Chez les catholiques, on sauve toute la personne. C’est incarné. C’est pourquoi ils ont construit tant d’hôpitaux et d’écoles. Nous, on est drillés que c’est “la foi seule” et “l’écriture seule”, qu’on en oublie la personne ! Cette mentalité est en train de changer, mais trop d’églises ont encore ce discours. J’aime l’ouverture sur le monde des catholiques. À la messe, il y a toujours les prières universelles, on prie pour les autorités, les gens qui souffrent. Nous, on a un regard assez nombriliste.

« J’aime aussi l’aspect majestueux des églises catholiques et orthodoxes. Ça rappelle la grandeur et la majesté de Dieu. Nous, nos églises ressemblent à des théâtres : une scène, un micro, des musiciens. Ça fait spectacle ! »

« Il y a aussi les communautés catholiques : les recluses, les franciscains, les jésuites, etc. Ces personnes ont décidé de suivre une certaine forme de spiritualité tout en demeurant dans la grande famille catholique. Nous, quand ça fait pas notre affaire, on part une autre église ! »

Chez les orthodoxes, Dominique aime le sens du sacré. « La beauté est centrale. La liturgie, les icônes, il n’y a rien de trop beau pour Dieu. Ils prennent le temps de célébrer la messe. Ils disent que la liturgie, c’est le ciel sur la terre. Ça nous entraine vers le haut, à considérer l’éternité de Dieu, l’infini, au-delà de ce qu’on vit dans le monde. Le symbolisme est plus important que chez nous, les catholiques.

« L’appel à la sainteté est important. Ils disent que Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu. Ils parlent souvent d’illumination, de transfiguration. Tout est lumineux. Je connais moins les orthodoxes, mais il y a chez eux cette conviction profonde que le cœur humain aspire à l’union à Dieu, que c’est inscrit dans son cœur. »

François poursuit : « Moi, ce qui me fascine des orthodoxes, c’est qu’ils font leur propre pain. Les prêtres arrivent deux ou trois heures avant la messe et ils pétrissent la pâte pendant deux heures en répétant : Seigneur Jésus, prends pitié de moi, pécheur”. Disons que ça m’inspire davantage qu’un petit pain sec ! »

La question difficile : qu’est-ce qui fait obstacle à l’unité ?

Pour Christine, les institutions sont les plus grands obstacles. « Tout le monde dit qu’il a raison. Comment être uni quand on pense qu’on détient la vérité ? Je l’ai entendu dans toutes les églises. Ce n’est pas le message d’amour du Christ ! Saint Paul dit qu’on peut avoir la foi pour bouger les montagnes, mais que si on n’a pas l’amour, ça ne vaut rien ! » (1 Cor 13:2)

— Tu travailles quand même à une soirée de prière pour l’unité des chrétiens avec plusieurs paroisses, non ?

« C’est parce que je crois que l’unité se fait par les fidèles qui osent passer la barrière du religieux et regarder la personne humaine. Les institutions suivront peut-être. »

François devient émotif : « L’incapacité à différencier ce qui est essentiel de ce qui est secondaire empêche l’unité. Pour moi, la Cène, c’est très difficile. Lorsque Dominique vient à mon église, elle ne prend pas les éléments (le pain et le vin), et moi, je ne peux pas communier à son église non plus. Ce qui devrait être un symbole de communion, à cause de la doctrine catholique, devient division. Je trouve que les catholiques mettent trop d’importance sur l’obligation de croire en la transsubstantiation. Pour moi, c’est secondaire. Pour eux, primordial ! »

— Tu fais quoi pendant que Dominique va communier ?

« Je reste assis et je récite la prière pour l’unité des chrétiens. Je pourrais m’avancer, les bras en croix, afin de recevoir la bénédiction de Dieu. Je refuse ! Ça ne vaut rien ! Je me sens comme un citoyen de seconde classe ! Plein de monde communie sans être digne, mais moi, parce que le curé connait ma foi, je ne peux pas. »

Dominique relève ce qui bloque avec les protestants : « Le manque de silence ! Souvent, le pasteur prêche en criant. C’est un gros frein à me sentir bien dans certaines églises. Il y a aussi la notion de “l’écriture seule” et de “la foi seule”. Pour moi, c’est d’essayer de faire rentrer la Bible de force dans ma réalité ! Pourtant, avant d’écrire, les humains ont vécu les choses. L’Écriture était là après, pas avant ! Je trouve que c’est un absolutisme. Dieu est plus grand que ça !

« Aussi, la tradition, les grands courants spirituels, la richesse de l’histoire, la vie des saints, etc. Il y a eu 15 siècles avant le protestantisme, mais, avec eux, on dirait que ces 15 siècles-là n’ont pas existé ! Ça manque de perspective. L’unité, pour moi, ne voudra jamais dire abandonner tout ça, alors que pour eux, c’est hors de question !

« L’interprétation de l’Écriture par l’Église est nécessaire, pour moi. L’interprétation évangélique est trop axée sur le péché, et pas suffisamment sur la bonté originelle de la personne à la Création. Cela se reflète dans la façon de considérer les non-chrétiens. Pour les protestants, les non-chrétiens ne sont pas sauvés ! Nous, on croit que Dieu est plus grand que ça, et que c’est pas parce que tu n’as pas eu l’occasion de professer ta foi en Jésus de ton vivant, que ça veut dire que tu iras en enfer ! »

François opine du bonnet. « Je suis d’accord avec ça, sauf qu’il arrive trop souvent que les catholiques, eux, envoient tout le monde au Paradis ! »

Dominique rit. « Pour finir, dans le protestantisme, il y a tellement d’entités qu’on se demande avec qui on va entrer en dialogue pour travailler à l’unité. Il y a déjà eu des professions de foi communes sur certains points entre le pape et les luthériens, par exemple. Au Québec, c’est le Réseau Évangélique du Québec (REQ), mais, là encore, il s’agit d’évangéliques, et seulement ceux qui sont regroupés. Seul à seul, ça va, mais, plus largement, on fait comment pour construire ? Il faudrait dialoguer avec toutes les branches et sous-branches protestantes ? Il y en a des centaines ! C’est impossible ! »

— Et avec les orthodoxes ?

« Eh bien, le mot “orthodoxe” signifie “voie droite”, répond Dominique. Ils disent être les seuls à avoir conservé la voie apostolique intacte. C’est un discours qu’on martèle. Donc, catholiques et protestants sont dans l’champ! Avant, je croyais que les catholiques pouvaient communier chez les orthodoxes, mais non. On a les mêmes sacrements, la Vierge Marie, les saints et la succession apostolique, mais si tu n’es pas baptisé orthodoxe, tu ne peux pas ! D’un autre côté, les prêtres orthodoxes sont soit mariés, soit moines. Quel prêtre orthodoxe voudrait le célibat catholique ? »

« Tu sais, demande Christine, que nous, les Coptes orthodoxes, nous avons le plus grand nombre de jeûnes par année ? Qui voudrait de ça ? Je pense avoir fait une overdose de rituels… Mais pas de Dieu ! J’aimerais revenir à l’essentiel : aider mon prochain, la veuve et l’orphelin, les rejetés, les marginaux, les malades. Est-ce trop demander ? »

Voilà. La table est mise.

*

Une soirée de prière pour l’unité des chrétiens aura lieu le 26 janvier 2025, à 16 h à la Communauté catholique de St-Luc dans l’Ouest de l’ile de Montréal. Plusieurs activités sont également organisées à Québec, le programme est disponible ici.

Brigitte Bédard
Brigitte Bédard

D’abord journaliste indépendante au tournant du siècle, Brigitte met maintenant son amour de l’écriture et des rencontres au service de la mission du Verbe médias. Après J’étais incapable d’aimer. Le Christ m’a libérée (2019, Artège), elle a fait paraitre Je me suis laissé aimer. Et l’Esprit saint m’a emportée (Artège) en 2022.