Photo : Marie Laliberté/Le verbe

Chasser la sorcière intérieure

Cristaux, astrologie, yoga, ésotérisme, ayahuasca, sorcellerie: Josée-Anne Sarazin-Côté a touché à tout. Mais aucune de ces pratiques ne répond à la crise existentielle qui éclate lorsqu’elle se découvre atteinte, à 33 ans, de la sclérose en plaques progressive primaire. Les astres demeurent bien silencieux. Un jour, pourtant, un dénommé Jésus lui répond durant sa séance de méditation. Témoignage d’une sorcière devenue chrétienne.

Si ses cheveux lilas l’ont laissé tomber et qu’un fauteuil roulant a pris la place de son Westfalia, Josée-Anne Sarazin-Côté arbore toujours son sourire. Que ce soit dans ses vidéos ou en personne, elle dégage une joie de vivre contagieuse, d’autant plus saisissante lorsqu’on sait ce qu’elle traverse.

En 2021, alors qu’elle mène une douce vie de hippie sous le soleil du Costa Rica avec son conjoint et sa fille, l’influenceuse aux milliers d’abonnés reçoit un diagnostic qui ébranle son existence: elle a la sclérose en plaques progressive primaire. En d’autres mots, les cellules qui devraient la défendre des virus attaquent lentement les nerfs de son cerveau et de sa moelle épinière.

«L’espèce de chemin qui était tracé devant moi s’est tout d’un coup effacé et ça m’a plongée dans une dépression», confie la femme de 36 ans. «Soudainement, il n’y a plus rien de garanti et tu ne sais pas combien de temps il te reste. J’ai ressenti beaucoup de colère et un grand sentiment d’injustice.»

Tous les moyens auxquels Josée-Anne a habituellement recours sont soudainement vides de sens et n’ont plus aucune utilité. «Savoir que Mercure est en rétrograde, mais je m’en fichais! Me faire dire que c’est chaotique en ce moment dans le ciel et que ce que je vis est normal… J’étais comme: “Excuse-moi, mais on est à un autre niveau!”», s’exclame Josée-Anne qui, ne trouvant plus de réconfort dans les astres, quitte cet univers.

Un jour, alors qu’elle médite dans la forêt – la dernière pratique à laquelle elle demeure attachée –⁠, Josée-Anne commence à formuler une prière sans savoir à qui elle s’adresse. Puis, elle entend une voix lui dire: «Prie Jésus.» «J’ai trouvé ça tellement bizarre», partage la trentenaire en riant. «Mais je n’avais rien à perdre, alors j’ai essayé. Ma première prière était ridicule, j’ai dit un truc comme: “Allo, Jésus, c’est Josée-Anne.” Mais j’ai tout de suite ressenti une paix intérieure, comme jamais auparavant.» Elle décide à cet instant de remettre sa vie à Dieu.

Une religion gratuite

C’est par les cristaux que s’ouvre l’épopée spirituelle de Josée-Anne Sarazin-Côté. Elle s’est ensuite intéressée à la Lune, qui l’a tout droit menée à l’astrologie puis à l’ésotérisme et à la sorcellerie.

Régie par les astres, la vie de Josée-Anne était autrefois ponctuée de rituels, de méditation et de danses aux déesses. «Oupelaye!» lâche-t-elle avec un sourire embarrassé quand elle en parle aujourd’hui. «Je guidais des méditations et je canalisais des messages de l’au-delà…»

L’entrepreneure en elle voit à l’époque une occasion d’affaires et démarre une compagnie qui devient vite lucrative: cours en ligne, jeux de tarot, livres sur l’astrologie, retraites spirituelles sont au menu. «Beaucoup de gens m’idéalisaient, mais en fait, j’étais malheureuse et stressée à cause de mon travail. J’étais beaucoup dans les apparences et la superficialité», témoigne l’influenceuse, qui prônait le ralentisme, mais courait dans tous les sens.

«Les industries du bienêtre et de l’astrologie veulent nous faire croire qu’on peut facilement régler notre problème sans l’examiner, c’est problématique», explique Josée-Anne. Elle déplore un «milieu prédateur» exploitant la vulnérabilité de personnes en quête de sens pour faire de l’argent.

«Je ne juge pas les influenceurs qui prônent et vendent ces spiritualités à la mode sur les réseaux sociaux. J’ai fait partie de ceux-là. Mais je prie pour eux, pour qu’ils trouvent un vrai sens à leur vie», précise-t-elle.

«Tu n’as besoin de rien dans le christianisme. Je ne te vends pas un programme, un cristal ou un produit miracle pour être heureux. C’est totalement gratuit; je n’ai rien à gagner là-dedans. Je t’invite juste à ouvrir ton cœur au Seigneur», répond Josée-Anne Sarazin-Côté aux gens qui lui demandent quelle est la différence entre ses pratiques précédentes et le christianisme.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la communauté virtuelle de Josée-Anne ne s’est pas amoindrie depuis sa conversion, même si elle en parle beaucoup sur les réseaux sociaux. Elle est même en croissance.

  • Photo : Marie Laliberté/Le verbe

La foi, un métal précieux

«Je ne comprends pas encore le sens de ce qui m’arrive, mais je crois que je vais le découvrir un jour. Pour l’instant, je pense que je suis un rappel pour les gens. En général, on n’a tellement pas de raisons de se plaindre. Mais quand même, on se plaint, on chiale, on trouve ça dur», témoigne Josée-Anne, qui voit bien des gens s’étonner devant son calme et sa résilience.

«La maladie est vraiment dure, mais c’est ce qui m’a permis de sortir de l’ésotérisme, de fermer ma business qui était en train de me tuer à petit feu et d’être vraiment plus présente dans ma vie, dans ma maternité. Oui, c’est difficile, mais ça a changé ma vie positivement», raconte-t-elle.

«On travaille les métaux précieux dans le feu. C’est pareil pour notre foi. Notre foi est forgée dans la souffrance, elle est purifiée à travers nos épreuves. C’est plate, mais c’est quand même ça. Quand tu es complètement à terre, mais que tu loues Dieu malgré tout, c’est puissant», ajoute Josée-Anne, les yeux pleins d’eau.

«Oui, ma croix est lourde. Oui, j’ai perdu tout ce que j’avais. Mais le Seigneur me couvre de bénédictions.»

Un cadeau du ciel

Au moment où Josée-Anne me parle, elle est en rémission d’une greffe de cellules souches qui, espère-t-elle, la guérira définitivement.

«Des amis m’ont dit qu’ils souhaitaient m’aider. Ils ont créé un GoFundMe pour amasser des sous. Au début, je pensais que ça allait être pour m’acheter un fauteuil roulant qui a de l’allure ou un logiciel de dictée qui fonctionne bien. Mais c’est parti en flèche et en une semaine on avait récolté 65 000 $!», relate Josée-Anne, le regard pétillant.

«J’ai prié pour savoir ce que je devais faire avec cet argent. Le lendemain, une de mes amies m’a dit qu’un gars qu’elle connaissait, qui avait la sclérose en plaques, est parti au Mexique pour recevoir une greffe et est complètement guéri aujourd’hui», poursuit-elle. Elle fait une demande et, en quelques jours, obtient une réponse positive. Elle subira l’opération.

«Normalement, il y a une liste d’attente de six ou sept mois. Là, on m’a dit qu’il y avait de la place pour moi dans deux semaines», rigole Josée-Anne, persuadée que cette opération est un cadeau du ciel.

«Comment ne pas croire en lui quand je vis tout ça? Le Seigneur me couvre de bénédictions. Oui, ma croix est lourde. Oui, j’ai perdu tout ce que j’avais. Mais il me couvre de bénédictions. Plus je lui donne le contrôle, plus je suis heureuse», souffle la jeune femme au pull rose assise dans son fauteuil roulant.

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«Honnêtement, l’opération est dégueulasse. C’est extrêmement difficile physiquement. C’est de la chimio super agressive et plein de médicaments. Il faut que tu surproduises des cellules souches pour qu’ils les récoltent et les retransplantent ensuite, donc tu as mal partout et tu feel tout croche», se remémore Josée-Anne en grimaçant. «Mais je me répétais que c’était Dieu qui m’envoyait là et que je lui faisais confiance.»

Le résultat de l’opération est flagrant: diminution de ses tremblements, ton énergique, teint vivifié. Elle recommence également à marcher avec du soutien et dit même parfois sentir ses jambes comme avant.

«Je sais que Dieu va me guérir. J’ai vraiment beaucoup d’espoir», affirme-t-elle, le visage rayonnant.

L’heure est au rétablissement. Lorsqu’elle ne s’occupe pas de sa fille, à qui elle transmet sa foi, n’écrit pas sur son blogue ou ne filme pas des vidéos pour parler de sa santé ou de Dieu, Josée-Anne fait des siestes, regarde les oiseaux dehors, prend soin d’elle.

«Le jour où je vais être guérie, ça va être fabuleux parce qu’il n’y aura rien de spécial, mais j’aurai appris que “le rien de spécial”, c’est ce qu’il y a de plus spécial.»

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Frédérique Bérubé
Frédérique Bérubé

Diplômée au baccalauréat en communication publique et à la maîtrise en journalisme international, Frédérique est passionnée de voyages, de rencontres humaines et, bien sûr, d’écriture. À travers ses reportages, elle souhaite partager des histoires inspirantes et transformantes!