
La souveraineté, le nouveau combat des jeunes
Le jour de la Saint-Jean-Baptiste, Urbania sortait un documentaire intitulé « Les nouveaux souverainistes ». Mounir Kaddouri, alias le Maire de Laval, y décortique le nouvel engouement des jeunes pour l’indépendance du Québec. Le phénomène témoigne, me semble-t-il, de la quête de sens des jeunes aujourd’hui. Décortiquons à notre tour.
Comment l’appui à la souveraineté des jeunes de 18 à 35 ans a-t-il pu passer de 28% à 48% en un an? La réponse, en grande partie, c’est un nom : Kinji00. La musique d’un rapeur de 17 ans, originaire de Gatineau, semble avoir propulsé ce mouvement.
Il n’attire pas les jeunes par des arguments, mais par une vibe. Sa musique rend le discours indépendantiste cool et attrayant. Plus profondément encore, elle réveille certains désirs chez les jeunes en quête de sens.
Une communion
Sous Kinji00, cette nouvelle ferveur pour la cause souverainiste manifeste un désir profond de communion.
Les jeunes cherchent une cause plus grande qu’eux, à laquelle dédier leur vie. Dans le cas de cette montée du souverainisme, c’est leur nation. Et cette cause les pousse hors de leur individualisme.
La musique de Kinji00 les rassemble. Elle harmonise les émotions de ses auditeurs : les jeunes ressentent la même indignation, mais aussi le même amour et espoir.
Kinji00 unifie également les jeunes grâce à un certain esthétisme, visuel et vestimentaire. La fleur de lis devient leur emblème, comme croix à porter autour du cou. Le bleu et le blanc s’érigent en couleurs officielles. À l’ère des réseaux sociaux, ce souci du visuel prend une importance encore plus grande.
Une opposition à l’ennemi
Le nouvel engouement pour l’indépendance du Québec révèle un autre aspect de la quête de sens des jeunes : le désir de combattre un ennemi commun. Il s’agit ici du fédéralisme.
Ainsi Kinji00 lance-t-il une malédiction sur le parlement d’Ottawa dans une vidéo. Il insulte régulièrement les fédéralistes, foule le drapeau canadien et rejette explicitement dans ses chansons les filles anglophones ou fédéralistes.
L’esthétisme même dont il use, en particulier sur la couverture de son premier album, comporte un aspect guerrier avec des épées plantées au sol.
Ce désir d’identifier et de combattre un ennemi n’est pas banal, la vie humaine est effectivement un combat. La distinction entre le bien et le mal existe. Identifier ce mal, et entrer en guerre avec lui est donc fondamental.
Évidemment, cela suppose d’identifier correctement l’ennemi principal. C’est ici que le bat blesse, car Kinji00 exagère sa haine du fédéralisme. En érigeant l’indépendance du Québec comme absolu, rien ne semble, au moins théoriquement, pouvoir freiner son ambition. « Des choses illégales, j’en ferais pour la fleur de lis », va-t-il jusqu’à écrire.
Un modèle reproductible
Les sondages ne le confirment pas encore au Québec, mais j’observe une autre montée chez les jeunes, celle du christianisme. Comme pour la nouvelle vague souverainiste, les réseaux sociaux expliquent en partie le phénomène. Urbania le remarquait d’ailleurs l’an dernier.
Les récits de conversion des jeunes de 17 à 25 ans ressemblent étrangement, sous plusieurs aspects, à ce que rapporte Mounir Kaddouri dans son documentaire au sujet du souverainisme. On parle d’internet, de YouTube, du besoin de se donner pour quelque chose de plus grand que soi.
Le même besoin de communion autour d’une cause ou d’un certain esthétisme les anime. Les jeunes chrétiens m’apparaissent aussi plus combattifs, prompts à s’opposer à ce qui contredit la foi. Et comme chez les jeunes souverainistes, une culture du « mème » s’instaure. Être chrétien, c’est maintenant aussi une vibe.
Mais au fond, rien d’étonnant dans ces similitudes. On a affaire à un modèle reproductible. La théorie du genre fait d’ailleurs des adeptes de la même façon et use des mêmes désirs profonds chez les jeunes, celui de communier et de combattre un ennemi commun.
Que restera-t-il de ces mouvements initiés sur les réseaux sociaux? Certes, l’ivraie et le bon grain poussent ensemble, mais un jour il faut bien les trier. Les jeunes sauront-ils creuser leurs désirs profonds, trouver la communion profonde qu’ils cherchent tant et combattre ensemble un véritable ennemi? Les prochaines années ne manqueront pas de le révéler.