C’est le temps des vacances

Il fait quatre soleils aux glissades d’eau. Je baigne dans la pataugeoire comme une crevette dans son cocktail. Il y a trois ou quatre jours depuis le début des vacances. Grâce à Dieu, j’évite les coups de soleil et les piqures avec presque autant d’adresse que le Canadien esquivant la coupe Stanley.

Je suis bien apprêté. Je marine dans la crème solaire. Je passe la nuit au frigo, enduit de chasse-moustique. Trempé de sueur, je cuis dans mon propre jus – pas de doute là-dessus. Du barbecue estival au banquet céleste, le dindon de la farce, vous l’aurez deviné, c’est moi.

Dans la barboteuse, pourtant, je suis dans mon élément. La baignade rafraichit ma chair comme nos prières soulagent les âmes du purgatoire.

*

Je n’ai jamais aimé l’été. Pour moi, l’arrivée des beaux jours ne vient jamais sans «des pleurs et des grincements de dents» (Lc 13,28). Trente-cinq degrés à l’ombre? Non, merci. Plein jour à 21 h? Pas pour moi. Les pieds qui crament sur le dallage? Je ne crois pas. D’une année à l’autre depuis l’enfance, je fuis les misères de la saison estivale avec l’énergie du désespoir.

On m’a bien fait comprendre, pourtant, qu’on ne se fait pas des amis comme ça. À quoi bon faire la moue quand tout le monde se la coule douce imbibé de rhum ambré? S’exalte sur le terrain de volley? S’enfile des hotdogs à la relish dorée? (Ça, je sais faire.)

Sith, mangemort, nazgûl: que de calomnies pour les amoureux du sous-sol, les aficionados de la clim, les passionnés du gradateur! Force est de constater que les ténèbres, c’est cancel. Qui ne veut pas jouer dans l’équipe gagnante? Après tout, ceux de mon espèce vivent au Québec sous l’opprobre d’un commandement inquisitorial: «De l’été, tu ne te plaindras pas.» Bonne éducatrice, la loi a eu raison de ma rébellion juvénile. En attendant le vibe shift, me voilà converti, calant sur ma tête une casquette, feignant la bonne foi. «Fake it till you make it.»

*

Jusqu’ici, tout va bien. L’écran solaire minéral – de l’écoblanchiment, me dit le beau-frère –⁠, il faut en mettre souvent; ma nuque est plus vulnérable que la poitrine de dinde au four un 24 décembre. Mon chicharrón est protégé avec le zèle d’un jésuite espagnol. Mes jarrets passent tout droit, mais ce n’est pas trop grave, ça pardonne. C’est alors, sans crier gare, qu’arrivent les boutons de chaleur, «dans ma chair une écharde» (2 Co 12,7).

Fraichement élu par le conclave-éclair de ce printemps, le pape Léon XIV entamait son pontificat en proclamant que «Dieu vous aime tous». Autre manière de dire que le Soleil se lève «sur les méchants et sur les bons» (Mt 5,45). Lumière pour ceux qui veulent bien le recevoir, il ne manque pas de faire roussir les autres. Pour tout dire, même les plus indécrottables troglodytes gagnent à l’embrasser.

Décidément, il va me falloir un teeshirt de plage.

Benjamin Boivin
Benjamin Boivin

Diplômé en science politique, en relations internationales et en droit international, Benjamin Boivin se passionne pour les enjeux de société au carrefour de la politique et de la religion. Toujours prêt à débattre des grandes questions de notre époque, il assume le rôle de chef de pupitre pour les magazines imprimés au Verbe médias.