Ces profs ont changé ma vie

Pénurie d’enseignants, enseignants sans qualification, écoles vétustes, intimidation: l’éducation, au Québec, est en crise. Pour nous redonner espoir, Normand Baillergeon a publié dernièrement Ces profs de ma vie. Le collectif regroupe 17 témoignages de personnalités connues qui racontent leurs plus beaux souvenirs d’école. La lecture de ce recueil m’a plongée dans mes souvenirs, et dans la reconnaissance.

Globalement, j’ai beaucoup aimé l’école. Évidemment, ça n’a pas toujours été rose (en fait, c’était plutôt beige et d’un turquoise douteux à ma polyvalente). Et je n’ai pas toujours connu de bons professeurs. L’université, entre autres, m’a déçue. C’est plus carriériste que je ne l’aurais cru et parfois plus tourné vers l’idéologie que la vérité. Ceci dit, j’y suis encore après 12 ans. Visiblement, j’y trouve encore du bon.

En fait, comme le disait Héraclite, pour moi, un homme bon en vaut dix-mille. Il suffit d’un bon professeur pour changer le cours d’une vie et faire aimer l’école. C’est aussi ce dont les différents intervenants témoignent dans le recueil de Baillargeon.

Et moi, de bons profs, j’en ai eu à la pelle!

Croire au potentiel

Il faut le dire: je n’ai pas toujours été l’élève la plus disciplinée, surtout au secondaire. J’ai passé pas mal de temps dans le corridor ou dans les buissons pas loin de ma polyvalente. Devant des élèves turbulents comme moi, il existe deux attitudes: croire tout de même au potentiel et espérer contre toute espérance, diraient les chrétiens, ou abandonner. J’ai connu les deux types de prof.

À quelques semaines d’obtenir mon doctorat en philosophie, je salue d’ailleurs mon prof de math de secondaire 4, que je ne nommerai pas. Il m’a dit que, selon lui, je ne passerais pas mon cégep, étant donné mon manque de discipline.

Heureusement, d’autres ont cru en moi. Je me souviens particulièrement de mon prof d’histoire de secondaire 3, Jocelyn Trottier. Il m’a dit en fin d’année que j’étais la preuve vivante qu’il ne fallait jamais se fier aux fausses rumeurs et tout élève méritait d’être connu et découvert. J’en parle et j’ai encore des frissons. L’ado que j’étais avait besoin de ce genre de paroles.

Je salue aussi Denis Bourret, mon prof de physique de secondaire 5, avec qui j’allais discuter clandestinement quand je m’emmerdais trop dans mes cours de français. Un jour, je lui ai dit que j’aimerais étudier en physique, comme lui. Prophète, il m’a répondu: «toi, c’est la métaphysique que tu recherches».

Je dois également rendre hommage à Emmanuel Vachon, mon premier prof de philo au cégep, qui montait sur les bureaux ou faisait la poule quand personne n’écoutait. Plus sérieusement, il a été le premier à me faire aimer l’activité de la raison humaine et à me parler de la quête de sens. Son enseignement m’a littéralement sortie de l’absurde dans lequel je me trouvais. J’ai même arrêté le pot après avoir suivi son cours, car j’avais trouvé un buzz encore plus puissant: la philosophie!

Je salue mon second prof de philo au cégep, Louis Ouellet, qui a été assez patient pour discuter avec moi du rapport entre foi et raison. Et assez patient, de surcroit, pour m’apprendre à conduire. Il faut dire que ma mère manquait faire une syncope à chaque fois qu’elle embarquait en auto avec moi.

Je dois mentionner aussi Yvan Pelletier, ancien professeur de la faculté de philosophie de l’Université Laval. Pendant 10 ans, durant deux heures chaque semaine, il m’a fait gouter au meilleur de la tradition aristotélicienne et thomiste. Il m’a également accompagnée dans mon apprentissage de l’italien, du latin et du grec. Sa femme et lui nous ont même préparés, mon mari et moi, au mariage! C’est vous dire le rôle que peut avoir un prof dans une vie!

Une reconnaissance infinie

Charles De Koninck, grand philosophe du Québec des années 1950, écrivait que nous devons une reconnaissance infinie à nos parents. Jamais nous ne pourrons les remercier à la hauteur du don qu’ils nous ont fait: la vie et tout ce qu’elle demande.

De même en va-t-il, ajoute De Koninck, pour les bons profs. La reconnaissance à leur égard doit elle aussi être infinie, car ils nous ont offert la vie de l’esprit. Une vie, en un sens, plus grande encore que celle purement corporelle.

Jamais je ne pourrai rendre à mes parents tout le bien qu’ils m’ont fait. Jamais, non plus, à mes professeurs.

Il ne reste donc qu’une façon de remercier, poursuit De Koninck: engendrer à son tour, comme parent ou comme éducateur.

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Laurence Godin-Tremblay
Laurence Godin-Tremblay

Laurence termine présentement un doctorat en philosophie. Elle enseigne également au Grand Séminaire de l’Archidiocèse de Montréal. Elle est aussi une épouse et une mère.