
Tout vient à point…
Patio. De l’espagnol patio, cour.
Endroit où je rêve de me retrouver bientôt pour siroter une bonne bière estivale. En attendant, je dois tolérer encore quelques bordées de neige, des semaines de gadoue printanière et le gazon boueux qui se dévoilera sous les banquises.
Incapable de souffrir maintenant, de supporter l’attente en vue d’une gratification supérieure plus tard, je suis impatient.
Patience. Du latin pati, supporter.
Tout vient à point à qui sait attendre, dit la maxime. Patienter, c’est l’art d’endurer les délais.
Dans l’éducation, cet art est une vertu qui aide à supporter – dans tous les sens du terme – les enfants dans l’attente du jour où, devenus autonomes, ils feront enfin pipi dans le pot, rangeront leur chambre de leur propre initiative, videront enfin le lave-vaisselle sans se plaindre.
Patienter, c’est peut-être aussi l’art d’attendre le moment où je cesserai de me plaindre que les enfants se plaignent en vidant le lave-vaisselle. Ironiquement, ce moment risque d’arriver seulement le jour où ils quitteront le foyer. Alors, je regretterai les complaintes de cette main-d’œuvre bon marché…
Tandis qu’elle sévit comme l’un des maux les plus prégnants de notre siècle, l’impatience progresse, sournoisement, dans les cœurs et les esprits de tout le monde, sans qu’on sache bien identifier la cause de notre tourment.
D’ailleurs, suis-je le seul à avoir développé, ces dernières années, une sorte de schizophrénie? J’aimerais tant que ça ralentisse, mais je n’en peux plus d’attendre. Pire: je supplie le ciel que ça ralentisse… au plus vite!
L’homme et la femme modernes auraient-ils, en fermant le Ciel, créé les conditions parfaites d’une angoisse perpétuelle, d’une peur terrassante, soit celle de manquer de temps pour vivre le paradis ici-bas avant de disparaitre dans le néant? Aurions-nous ainsi perdu cette faculté qui, dans d’autres langues latines, se confond avec la capacité d’attendre? Aurions-nous perdu la faculté d’espérer?
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Passion. Du latin passio, souffrance.
Tout le monde a une passion. Pour cette actrice connue, c’est sa Passion poussière qu’elle étale dans une émission de rénovations. Pour d’autres, c’est plutôt la passion des mots croisés ou du magasinage en ligne.
Nous sommes tous prêts à tolérer bien des inconvénients pour gouter à l’extase qu’offrent ces divertissements. Il arrive même que nous soyons prêts à faire souffrir nos proches pour pouvoir vivre nos passions et à sacrifier des sommes importantes pour satisfaire ces petits dieux modernes.
À plus forte raison, la Passion, c’est également l’évènement que des centaines de millions de chrétiens célèbreront lors de la fin de semaine de Pâques.
Il n’est pas nécessaire d’être croyant pour se laisser toucher, tant par l’évènement que par sa charge symbolique. Un homme, le Christ, endure le supplice du châtiment injuste et violent de la croix. Il emporte avec lui au tombeau toutes nos petites et grandes impatiences, entre autres choses, puis triomphe de la mort dans un matin qui rouvre le Ciel, encore aujourd’hui, à toute l’humanité.
Dans un matin qui permet toutes les espérances.