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Illustration: Marie Laliberté/Le Verbe

Comme la misère sur le pauvre monde

On croyait — presque — s’en être débarrassé. Mais, année après année, depuis la pandémie, une masse considérable de gens s’appauvrissent au Québec et au Canada. Les inégalités économiques se creusent partout dans le monde. Le constat est navrant, inquiétant. A-t-on des raisons de désespérer?

Actuellement, une personne sur cinq est en situation d’insécurité alimentaire dans notre coin de fédération. Selon le Bilan-Faim Québec 2025 du réseau des Banques alimentaires du Québec, environ 600 000 personnes font plus de trois millions de demandes cumulées d’aide alimentaire chaque mois. Sans compter toutes ces familles — pas besoin de statistiques, on le voit sur le terrain — qui peinent à joindre les deux bouts, qui vivent dans des logements trop petits, mal chauffés ou insalubres.

Décidément, Jésus avait raison: «Les pauvres, vous les aurez toujours avec vous.» (Jn 12:8) Qui aurait cru qu’on en serait là, au Québec, en 2025?

En 2000, l’ONU vote pour faire de l’élimination de l’extrême pauvreté et de la faim le premier grand objectif du Millénaire. Malgré des progrès généraux dans le monde, on prévoit déjà un rendez-vous pour l’an 3000… 

La beauté de la chose, c’est que beaucoup s’activent face au problème: philanthropie, charité personnelle, campagnes, programmes sociaux, banques alimentaires ou collectes.

Or, la compassion, ça fatigue. Nous voudrions tant atteindre la terre promise de la social-démocratie et du capitalisme avancé: un paradis d’égalité et de prospérité. Malheureusement, la présence des pauvres brouille encore plus le mirage. Est-ce que nous ne tournons pas plutôt en rond dans le désert? On se découragerait pour moins que ça.

Et v’lan! Voilà le pape, chef de 1,4 milliard de pauvres et de moins pauvres, qui signe cet automne un texte — une exhortation apostolique, plus précisément — sur l’amour des pauvres. Le Christ, nous rappelle-t-il tout simplement, a aimé les pauvres.

Dilexit te («Je t’ai aimé») est une initiative inachevée du défunt pape François. Léon XIV n’hésite pas à reprendre le flambeau. Encore plus, il embrasse complètement la cause. On le sent gonflé à bloc, confiant: c’est le millénaire des pauvres! Comme l’était le deuxième. Et même le premier!

Quelle bonne nouvelle! Dieu est passionné par les pauvres, et nous devrions l’être aussi, peu importe notre situation. La pauvreté n’est pas un boulet aux pieds de nos communautés, mais des ailes à notre cœur. «Le cœur de l’Église, de par sa nature même, est solidaire avec ceux qui sont pauvres, exclus et marginalisés», écrit le pape. Ce n’est pas nouveau, bien sûr. Mais l’amour des pauvres, c’est comme le rendez-vous annuel chez le dentiste: on sait que c’est important, mais on l’oublie ou le repousse toujours quand même.

Ces considérations suscitent un paradoxe bien connu: pourquoi vouloir l’abolition de la pauvreté si l’on doit aimer les pauvres? La charité ne suffit-elle pas pour soulager quelque peu l’existence des indigents, qui seront toujours avec nous de toute façon?  

Dans les milieux communautaires, cette position est dénoncée. «C’est pas avec la charité qu’on va régler la pauvreté», peut-on lire couramment sur les pancartes des militants. Selon eux, on doit s’attaquer aux causes structurelles de la pauvreté par des mesures politiques. Vraiment, c’est l’inverse. C’est bien avec la charité qu’on va réduire la pauvreté. Car la charité ne se réduit pas à l’aumône. Elle est inventive et cherche à aider de toutes les façons possibles, que celles-ci soient individuelle, communautaire ou politique.

Comme le souligne le pape Léon, l’analyse froide de la pauvreté comme phénomène social peut susciter la tentation d’enfouir notre responsabilité personnelle sous un amas de causes scientifiques et de solutions techniques. Pour éviter cet écueil, le pape nous exhorte avant tout à redécouvrir notre appel personnel à prendre soin des plus petits, des malchanceux et des miséreux, des paumés et des drogués.

En suivant cette intuition, nous aurons des raisons d’espérer, pour ce millénaire et pour le suivant.

Maxime Huot-Couture
Maxime Huot-Couture

Maxime œuvre en développement communautaire dans la région de Québec. Il a complété des études supérieures en science politique et en philosophie, en plus de stages à l'Assemblée nationale et à l'Institut Cardus (Ontario).