
Alex O’Connor: le meilleur et le pire des athées
Texte écrit par Pierre-Luc Simard
Le nouvel athéisme, avec comme représentants les plus connus Richard Dawkins et Christopher Hitchens, déçoit de plus en plus. Ce mouvement caricature les arguments en faveur de l’existence de Dieu sans offrir pour autant une théorie plus prometteuse sur l’existence humaine, notamment pour fonder la morale. De nouveaux athées prennent toutefois la parole, et l’un d’eux se démarque par sa popularité croissante sur YouTube: Alex O’Connor. Son érudition et sa quête de vérité en font à la fois le meilleur défenseur de l’athéisme et… le pire. Voyons pourquoi.
Quand on compare Alex O’Connor au biologiste et zoologiste Richard Dawkins ou au journaliste formé en philosophie Christopher Hitchens, la différence est frappante. Alors que ces derniers se moquent des arguments de leurs adversaires, lui s’inscrit dans une authentique recherche de vérité. Ses études en philosophie et en théologie à Oxford lui confèrent d’ailleurs une plus grande maitrise des arguments en faveur de l’existence de Dieu et de la Bible elle-même que Dawkins ou Hitchens.
Le jeune youtubeur l’affirme souvent: ce qui l’intéresse, c’est la vérité, quel qu’en soit le prix. Bien entendu, d’autres motivations — plus ou moins conscientes ou avouées — peuvent se cacher derrière sa prétention. Quoi qu’il en soit, dans l’ensemble, il se montre beaucoup plus ouvert et respectueux des arguments religieux que d’autres. Et il sait en parler avec calme.
Il ne craint pas d’avouer publiquement avoir déjà prié Dieu pour lui demander des signes de sa présence. Il encourage même les croyants à prier pour lui. Si Dieu se révélait plus directement à lui, il deviendrait, dit-il, un nouveau saint Paul!
Alex O’Connor est un youtubeur britannique. Il anime le balado Within Reason, qui compte plus d’un million d’abonnés. Il y diffuse des discussions sur des sujets principalement philosophiques ou religieux, et ce, avec de grandes personnalités publiques. Jordan Peterson, Richard Dawkins, l’évêque américain Robert Barron, Neil deGrasse Tyson et, le mathématicien John Lennox, y sont passés. Il leur tient tête comme un égal alors qu’il n’a que 26 ans.
Reconnaitre la force des arguments opposés
Alex O’Connor se démarque également par sa capacité à reconnaitre la force du discours théiste ou religieux de ses adversaires. S’il discute avec un athée encore plus convaincu que lui, il n’hésite pas d’ailleurs à le tester, quitte à défendre l’existence de Dieu pour mener l’argument jusqu’à son terme.
Son ouverture détonne dans le paysage médiatique actuel. Elle contraste avec l’attitude de Richard Dawkins, qui affirme, par exemple, qu’il n’y a pas de différence entre le fait de croire en Dieu et de présumer l’existence des licornes et des fées. Pour lui, les arguments sont vides et dénués de sens des deux côtés. Pourtant, une simple lecture des critiques de Dawkins à l’encontre des preuves de l’existence de Dieu révèle qu’il n’a fait aucun effort pour les comprendre. On ne peut pas dire la même chose d’Alex O’Connor.
Plus encore, il s’avoue profondément embêté par certains arguments dont celui développé par le philosophe Alvin Plantinga. Il va comme suit: si tout en l’homme, y compris sa rationalité, n’est qu’un produit hasardeux de l’évolution simplement utile à la survie et à la propagation de l’espèce, comment se fier à la raison pour établir la moindre vérité, même scientifique ou mathématique? Car bien des erreurs peuvent être utiles à la survie. Il suffit de penser à notre instinct, qui nous fait considérer les autres espèces animales comme une menace, même celles qui sont inoffensives. La vigilance qui en résulte, quoique parfois non fondée, s’avère au final nécessaire.
Ainsi, peut-être est-il plus utile à notre survie de penser que la gravité existe ou que les lois mathématiques décrivent le réel. Même dire «la vérité est utile à la survie» est peut-être une simple erreur, une croyance fausse, mais utile.
Si la vision athée et matérialiste est vraie, alors rechercher librement la vérité elle-même, plutôt que la survie, s’avère impossible. C’est le genre de conséquence absurde de l’athéisme qui énerve et fait douter O’Connor.
Mais alors, sa lucidité est-elle en train de le conduire à Dieu? Pas pour l’instant, semble-t-il.
Le meilleur et le pire?
Le diplômé d’Oxford s’élève peut-être au-dessus de la mêlée comme le meilleur des athées, mais cette même excellence cause sa perte. Car son honnêteté intellectuelle et son souci de cohérence le poussent à défendre jusqu’au bout les implications logiques de sa vision matérialiste et athée. Il en est même venu à affirmer, par exemple, qu’il n’y a aucune vérité morale objective, une autre facette de son athéisme.
Il pense en effet que les émotions dictent complètement ce qui est bon ou mauvais. L’un aime aider les pauvres, l’autre veut leur nuire? Une simple question de préférences! D’un strict point de vue objectif, l’un n’est pas meilleur ou pire que l’autre. Même si cela contredit le bon sens, O’Connor préfère, en dernière analyse, l’accepter plutôt que de réviser sa vision des choses.
Si Dawkins et Hitchens manquent de cohérence en ne poussant pas leurs arguments jusqu’au bout, Alex O’Connor, à l’inverse, en révèlent les absurdités. Les premiers contribuent à répandre l’illusion que la vision matérialiste et athée est compatible avec le bon sens, mais la démarche du dernier présente le risque d’y adhérer lucidement et de rejeter totalement le bon sens.
Alors que l’intégrité d’Alex O’Connor semble lui jouer de mauvais tours, espérons que son exemple éveille les esprits et les extirpent de l’incohérence et de la tiédeur qui les privent d’une authentique recherche de vérité.