Illustration : Judith Renauld/Le Verbe

Vrais et faux échecs de la techno

Dans son dernier numéro spécial sur la technique, Le Verbe présente une surprenante sélection de succès imprévus et d'échecs inattendus. La crypto et le vélo, vrais ou faux échecs?

Faux échecs

AVION

Nombreux sont les inventeurs qui ont appliqué leur génie à démystifier le vol; citons Léonard de Vinci et les frères Montgolfier parmi les plus connus. Il faut attendre les frères Wright au début du XXe siècle pour que le rêve et la réalité s’entrecroisent enfin. L’avion a plusieurs détracteurs à ses débuts. En 1911 notamment, Ferdinand Foch, général français durant la Première Guerre mondiale, déclare: «Les avions sont des jouets intéressants, mais n'ont aucune utilité militaire.» Un peu plus de vingt plus tard, après le vol de passagers inaugural (10 places!), un ingénieur aurait affirmé qu'il était impossible de construire un avion plus grand. Quiconque s’est déjà retrouvé coincé sur le banc du centre pendant six heures aimerait bien que l’histoire lui ait donné raison!

AMPOULE ÉLECTRIQUE

Qui n’a pas appris au primaire le nom de l’inventeur de l’ampoule électrique? On connait surtout Thomas Edison pour cette invention, les 1 092 autres brevets délivrés à son nom n’ayant pas obtenu le même succès. Les ampoules sont si répandues aujourd’hui qu’il est facile de s’imaginer que l’électrification des maisons s’est produite de manière quasi instantanée, mais ses premiers pas ont été laborieux. Henry Morton, un scientifique, lui prédit un «échec cuisant». Une commission parlementaire britannique conclut même que l’ampoule est «bonne pour nos amis d'outre-Atlantique […], mais indigne de l'attention des hommes pratiques ou des scientifiques». Elle a fait du chemin, la petite!

TÉLÉVISION

Inventée par un Écossais du nom de John Logie Baird et présentée au public à Londres en 1926, la télévision reçoit alors un accueil plutôt froid. Lee de Forest, pionnier de la radio américaine, considère la télévision comme un gouffre commercial et financier et «un développement dont nous devrions éviter de perdre du temps à rêver inutilement». Deux décennies plus tard, l’industrie de cinéma renchérit en raillant son apparition dans les foyers. Darryl Zanuck, producteur de films, y va alors de sa propre prédiction: «Le public se lassera vite de regarder passivement un meuble en bois tous les soirs.» Qu’aurait-il dit du téléphone intelligent?

VÉLO

Depuis sa création, le vélo jouit d’une popularité en dents de scie. D’abord peu confortable et sécuritaire, il semble se réduire à une mode passagère. En 1890, une nouvelle mouture de la bicyclette favorise un nouvel engouement. En 1899, The Literary Digest prédit que la voiture ne sera jamais aussi populaire que le vélo, même si son prix devenait plus abordable. La courbe s’inverse pourtant au début du XXe siècle, alors que la bicyclette est de nouveau reléguée à la catégorie des modes passées. Il semble qu’en matière de perception comme dans la pratique, ce moyen de transport ait du mal à conserver son élan! Cette fois pourrait être la bonne, car il jouit maintenant d’un bon coup de pédale des écolos.

Vrais échecs

CRYPTOMONAIE

Les cryptomonnaies: quel dossier complexe! Pour la plupart, nous les connaissons surtout grâce au bitcoin, qui a connu une montée rapide en 2013. Le concept existe cependant depuis bien plus longtemps. Ce qui l’a réellement rendu possible, c’est la création des chaines de blocs (blockchain) en 2009. Depuis, plusieurs vagues d’intérêt se succèdent, alimentées par la perspective d’un enrichissement rapide. La bulle des cryptomonnaies éclatait encore une fois récemment. La chute la plus retentissante est celle de la plateforme FTX, au moyen de laquelle le fondateur a escroqué clients et investisseurs. Certains analystes pensent toutefois que cette technologie est encore prometteuse et qu’il faut la laisser évoluer. Un échec qui pourrait n’être que temporaire.

5G

Pour beaucoup, 5G rime avec Covid. Nous en entendons parler pour la première fois durant la pandémie, mais son déploiement commence un peu avant, en 2019. Il s’agit d’un échec en raison de la disproportion entre le battage médiatique et les résultats réels. Les fournisseurs de services ont présenté la 5G comme LA solution pour assurer partout un haut débit avec tous les avantages que cela implique. Pensez à tout ce que vous voulez, la 5G le fera! Bref, il semble que ce soit essentiellement un coup de marketing pour vendre davantage de téléphones. La 5G n’est d’ailleurs pas encore accessible partout et on nous parle déjà de la 6G!

CASQUE DE RÉALITÉ VIRTUELLE

La réalité augmentée tente de percer le marché depuis longtemps par le biais de belles promesses: les lunettes 3D, les Google Glass, les Spectacles de Snapchat ou les casques de réalité virtuelle. Certes, plusieurs ont de ces bidules à la maison, mais on est loin du succès escompté. Le problème? Citons l’inconfort, le manque d’autonomie ou encore le mal des transports que beaucoup d’utilisateurs ressentent après une dizaine de minutes d’utilisation. Des améliorations sont en cours et la boule de cristal techno prédit que le casque virtuel fera sa grande percée bientôt, mais pour l’instant, c’est un pétard mouillé qui tente de se faire passer pour un feu d’artifice.

TERO

Celui-ci est particulièrement douloureux et touche plus directement le Québec. Tero, c’est un joli composteur compact qui promet de transformer rapidement les déchets de table en fertilisant. Les copropriétaires lancent en 2019 une campagne de sociofinancement qui dépasse le million de dollars en seulement 24 heures. Les premiers clients paient même entre 600 et 800$ afin de soutenir la jeune entreprise. Malheureusement, les couts de production sont plus élevés que prévu. D’autres défis rencontrés en cours de route ont raison de l’aventure. Plusieurs appareils sont livrés, mais beaucoup de clients et d’investisseurs perdent leur argent. C’est le risque du sociofinancement. Certains projets ne fonctionnent pas: il faut être prêt à en assumer le risque.

Jessye Blouin
Jessye Blouin

Diplômée en linguistique et en rédaction, Jessye a un parcours professionnel éclectique qui l’amène à faire un détour dans l’évènementiel avant d’atterrir chez nous. Elle occupe le poste de chef de pupitre pour nos contenus Web. Depuis, elle réalise son rêve de petite fille : éditer et écrire sans mourir de faim.