Ozzy est mort: Seigneur, sauve le prince des ténèbres!

C’est la prière qui se trouve dans le cœur de bien des chrétiens qui ont appris la mort d’Ozzy Osbourne ou, comme il se faisait appeler, «le prince des ténèbres». Si certains prient pour le repos de son âme, d’autres l’envoient directement en enfer avec le vrai Père du mensonge. Parce que, soyons honnêtes, Ozzy est tout sauf l’incarnation du diable… même si on ne lui donnerait pas l’absolution sans confession. Malgré une vie rock’n’roll et une esthétique lugubre et mortifère, le grand-père du heavy metal s’est toujours fait témoin d’une vie triomphante dans ce combat contre les ténèbres.

S’il est prince de quelque chose, c’est plutôt du hard rock et du heavy metal comme tête charismatique du groupe Black Sabbath, pionnier du genre. Le groupe émerge de familles ouvrières d’une Angleterre chrétienne en plein déclin industriel et dans laquelle les auteurs occultes commencent à exercer une fascination chez les jeunes biberonnés au puritanisme.

De leur local de pratique, les musiciens ont été témoin de l’attrait que suscitait un film d’horreur italien I Tre volti della paura (Les trois visages de la peur nommé en anglais Black Sabbath). Si les gens sont prêts à payer pour être effrayés au cinéma, ils le seront aussi pour la musique: voilà la logique derrière l’esthétique sombre du groupe qui décide de récupérer le nom du film.

Vaincre le feu par le feu

Leur premier album éponyme en 1970 s’ouvre sur un riff de guitare tritonien (intervalle du diable) doublé par le tintement d’une cloche et le chant troublé d’un Ozzy qui narre l’effroi montant d’une rencontre avec Satan: «Satan’s sitting there, he’s smiling, watch as those flames get higher and higher. Oh, no, no! Please, God help me!/ Satan est assis là, il rit et regarde alors que ces flammes deviennent de plus en plus hautes. Oh non! Je t’en prie, Dieu aide-moi!»

Des paroles qui évoquent une expérience vécue par le bassiste du groupe, Geezer Butler, alors qu’un livre occulte était entré chez lui. L’une des manifestations surnaturelles démoniaques qu’il a vécues en s’approchant du monde occulte et qui l’ont convaincu de s’en éloigner. Très tôt dans leur carrière, les membres du groupe ont d’ailleurs commencé à porter de très grosses croix au cou pour repousser une malédiction qui leur a été lancée par un groupe occulte pour lequel ils avaient refusé de performer.

L’œuvre de Black Sabbath et d’Ozzy Osbourne (et d’une bonne partie de la musique heavy metal) est en fait traversée par cette mécanique carnavalesque cathartique: prendre à bras le corps les ténèbres pour mieux les rejeter. Leurs textes sont dans la plupart des cas des immersions dans les rouages du mal et du démon pour en montrer les dangers et les travers.

Heaven métal?

C’est dans la foulée de ces choix esthétiques qu’Ozzy est baptisé malgré lui le «prince des ténèbres», personnage qu’il a assumé jusqu’au bout dans une mise en scène qu’il tournait malgré tout au ridicule en raison de son tempérament comique et moqueur.

Sur leur deuxième album Master of reality (1971), immédiatement après avoir vanté les vertus de la marijuana sur Sweet Leaf, on retrouve After Forever. Assurément l’une des rares pièces de hard rock chrétien dans l’histoire de la musique populaire:

“When you think about death do you lose your breath or do you keep your cool?

Would you like to see the Pope on the end of a rope do you think he's a fool?

Well I have seen the truth, yes I've seen the light and I've changed my ways

And I'll be prepared when you're lonely and scared at the end of our days”

«Quand tu penses à la mort, pers-tu ton souffle ou gardes-tu ton calme?

Voudrais-tu voir le pape pendu à une corde ou penses-tu que c’est un fou ?

Eh bien j’ai vu la vérité, oui j’ai vu la lumière et j’ai changé mes habitudes.

Et je vais être préparé quand tu seras seul et apeuré à la fin de tes jours.»


“Could it be you're afraid of what your friends might say

If they knew you believe in God above?

They should realize before they criticize

That God is the only way to love”

«Serais-tu effrayé par ce que tes amis pourraient dire?

S’ils savaient que tu crois en Dieu au-delà.

Ils devraient réaliser avant de critiquer.

Que Dieu est le seul chemin pour aimer.»


Ozzy, quand il chantait ces lignes (écrites par Geezer Butler), avait-il choisi de vivre pour Dieu? Toute la drogue et l’alcool qu’il a consommé par la suite et qui a justifié son renvoi de Black Sabbath peut certainement nous faire penser que non. Un mode de vie autodestructeur, devenu une dépendance, qu’il attribue notamment à des pensées négatives sur lui-même qu’il voulait fuir.

Choisir la vie

Il s’est malgré tout marié à Sharon Arden, devenue Osbourne, avec qui il a eu quatre enfants (dont un orphelin adopté) et avec laquelle il est resté jusqu’à la fin de sa vie. C’est notamment grâce à son aide et son amour inconditionnel qu’il réussit à devenir sobre. Elle l’a notamment soutenu et accompagné à travers la maladie de Parkinson, qui a fait «des cinq dernières années un enfer».

Même s’il affirme n’être pas pratiquant, et que sa vision de Dieu ou de la vie éternelle peut sembler confuse, il s’est déjà ouvertement identifié comme chrétien, membre de l’Église d’Angleterre, qui prie et s’agenouille avant chaque concert en se signant de la croix. Son concert d’adieu, il y a quelques semaines, a d’ailleurs été l’événement musical caritatif le plus rentable de tous les temps.

Ozzy Osbourne, comme peu de rock stars, est témoin d’une vie traversée par le combat et la souffrance, mais qui culmine dans une relation conjugale et familiale authentique. Une expérience qui, forcément, ne peut faire de lui un être endurci dans le mal. Comme il le chante dans son grand succès Crazy Train:

“Crazy, but that's how it goes

Maybe it's not too late

To learn how to love and forget how to hate”

«Fou, mais c’est ainsi

Peut-être qu’il n’est pas trop tard

Pour apprendre comment aimer et oublier comment haïr»


Un seul concert d’Ozzy ou de Black Sabbath suffit pour voir qu’il n’est pas le «prince des ténèbres» au sens de chef des forces du mal. Si la musique en arrière-plan est parfois lourde, abordant des thèmes comme la dépression, la folie, la mort, on voit un homme tout sourire, qui se balade sur scène comme un enfant, tirant des chaudières d’eau à l’assistance en lançant des God bless you all! à tout vent.

Il était le prince des ténèbres au sens où il dominait sur elles. Ozzy était une lumière dans ces ténèbres, une voix qui refuse de se taire, une joie qui n'entend pas s'éteindre. Comme pionnier du heavy metal et du hard rock, on peut comprendre son rôle ainsi que celui de Black Sabbath et de tous ceux qui les ont suivis: être un exutoire et un cri d'espoir dans un monde rempli d'horreurs.

(Je remercie Francis Daoust de la SOCABI de m’avoir permis de reprendre certains éléments de sa récente publication Facebook).

James Langlois
James Langlois

James Langlois est diplômé en sciences de l’éducation et a aussi étudié la philosophie et la théologie. Curieux et autodidacte, chroniqueur infatigable pour les balados du Verbe médias depuis son arrivée en 2016, il se consacre aussi de plus en plus aux grands reportages pour les pages de nos magazines.