

Valérie Laflamme-Caron
Valérie Laflamme-Caron est formée en anthropologie et en théologie. Elle anime présentement la pastorale dans une école secondaire de la région de Québec. Elle aime traiter des enjeux qui traversent le Québec contemporain avec un langage qui mobilise l’apport des sciences sociales à sa posture croyante.
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Une nuit en prison
Au réfectoire, j’aperçois une photo d’époque. Tous les prisonniers sont assis dans ce qui semble être une chapelle. Un prêtre ensoutané les regarde de haut, l’air autoritaire. J’en profite pour questionner André* à ce sujet. Il nous apprend qu’au moment où il était lui-même incarcéré, la messe était obligatoire chaque matin. Celui qui s’en absentait n’avait pas droit au petit déjeuner. « J’dis pas que Dieu existe pas, lance André. Mais j’peux te garantir que je l’ai jamais vu ici. » Mes élèves mangent leurs céréales en silence. Ils ont passé une soirée mouvementée. Les gardiens, qui sont en fait des comédiens,
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Personne n’est à l’abri
Nous sommes très enthousiastes quand nous arrivons sur le site de la quinzième « Nuit des sans-abri » de Québec. Nous nous sommes engagés à rester ici jusqu’à minuit et demi, en solidarité avec les plus démunis. Il tombe des cordes et ça continuera jusqu’à dimanche. Même si la météo ne nous est pas favorable, nous sommes décidés à tirer le meilleur de notre court séjour dans le monde de l’itinérance. Tout près d’un kiosque sur les maisons de chambres, nous croisons Régis Labeaume. Avec son tact habituel, il déclare : C’est bien d’amener les p’tits bourgeois voir le monde. Régis Labeaume Les
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… et pour le pire
Le mal est fait : chaque personne que je croise jette sur moi un regard compatissant, convaincue que notre voyage de noces a été un désastre. Rassurez-vous : ce n’est pas le cas. Nous avons vu des paysages magnifiques, redécouvert l’histoire de l’Amérique et adopté un rythme de vie plus reposant qu’il n’y parait. En vous partageant les épreuves rencontrées sur la route, je souhaitais aller au-delà des clichés de voyage qu’on brandit de manière triomphante. L’inconfort, la frustration, le ras-le-bol : ça fait partie de la vie, même de celle des nouveaux mariés. La même partition Vivre dans la promiscuité d’un minivan
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La purée de pois(se)
Suite du texte Mon maudit voyage de noces. On trouve très peu de campings dans les environs de Monument Valley, situé sur le territoire Navajo, en Utah. Tout, ici, semble fait pour les VR. C’est pourquoi ce terrain de la ville de Mexican Hat me semblait être une bonne option. Sur Google map, il était délimité par une zone de couleur verte. J’imaginais une oasis au milieu du désert. Arrivés à destination, nous sommes déçus de constater qu’il s’agit d’un piètre endroit où passer la nuit. Le terrain de camping est en fait un stationnement. La vue donne sur une
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Mon maudit voyage de noces
Nous avions prévu ce voyage bien avant qu’il fasse sa demande, parce qu’il nous semblait bon d’avoir un projet commun. Nous souhaitions découvrir le sud-ouest des États-Unis, plus particulièrement le Colorado et le Nouveau-Mexique. Il y a un an, nous n’avions pas de voiture. J’étais convaincue de mon incapacité à conduire. Un jour, il m’a surprise avec un minivan trouvé sur kijiji, payé cinq-cents dollars et convertible, avec un peu d’imagination, en campeur. Quelques semaines plus tard, nous nous sommes fiancés. Je me suis inscrite à des cours de conduite. Notre grand road trip se ferait voyage de noces. Ça
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Nitassinan / conquis par le territoire
Quelles sont nos relations avec les peuples autochtones? Entre un multiculturalisme qui cloisonne et exacerbe les différences et un interculturalisme qui sème la confusion dans un relativisme désolant, y a-t-il un espace pour une rencontre sincère et constructive? Un groupe d’étudiants d’un collège de la région de Québec, accompagnés de leur animatrice de pasto ont tenté l’expérience ce printemps. Un récit de Valérie Laflamme. J’ai déjà gouté à l’air pétillant du golfe et à l’odeur apaisante des sapins. Cette fois-là, nous étions allés jusqu’au bout de la route, en passant près de villages aux noms exotiques : Pessamit, Uashat, Maliotenam. Nous avions
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Un métier comme un autre?
Vendredi soir, à l’émission juridique L’Arbitre. Une femme poursuit son ex-mari pour avoir publié des photos d’elle nue sur Facebook. Au cours des procédures, on apprend que ce dernier l’a prostituée à travers des réseaux échangistes. La femme est naïve. Elle ne se savait pas victime d’agressions sexuelles. On éprouve de la compassion à son égard. Nos bons sentiments nous réconfortent. Rien de tel dans Le Commerce du sexe, le dernier film d’Ève Lamont qui est froid, brutal, à l’image de la réalité qu’il raconte. Dans cet univers qui s’alimente à même la misère humaine, c’est le rationalisme économique qui
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Les revues qu’on lit à l’urgence psy
Le chemin entre mon appartement et l’hôpital l’Enfant-Jésus m’est familier. Je l’ai parcouru maintes fois les mains chargées de fleurs ou de biscuits, tout dépendant. Cette fois-ci, j’ai préféré apporter à ma mère le dernier exemplaire du magazine Le Verbe, et une ancienne édition de La Vie est belle!. Samedi après-midi, l’air est chargé à l’urgence psychiatrique. Une dame vient de déféquer sur le sol, un préposé s’affaire à nettoyer. Un homme fait des aller-retour dans la salle étroite où l’on retrouve huit lits alignés les uns à côté des autres. Il tourne vivement la tête vers moi et me