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Michaël Fortier
Michaël Fortier détient une maitrise en littérature française. Son mémoire porte sur les écrivains catholiques français. Il poursuit des études en droit.
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La Vierge de La Salette: fontaine de contradiction
À mi-chemin entre Grenoble et Gap, en Provence, se tient, dos aux Alpes et face au Drac, un humble village du nom de Corps. Non loin de là, dans la montagne, on rencontre un hameau où ne vivent pas cent personnes. Ce hameau, c’est La Salette. C’est là que la Vierge, en 1846, a choisi d’apparaitre; à 1800 mètres d’altitude très précisément. Le site respire la majesté, avec ses sommets qui s’étendent à perte de vue au-dessus des nuages; on y sent le frisson des ombres sacrées. Il existe aujourd’hui un sanctuaire à cet endroit. On y accède par un chemin
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L’heureuse réunion des brulots
L’événement le plus considérable de cette rentrée littéraire est sans conteste la publication des Essais et pamphlets de Léon Bloy (1846-1917) dans l’excellente collection « Bouquins » des éditions Robert Laffont. Cette parution vient souligner de belle manière le centenaire de la mort du Mendiant ingrat, en plus de combler une importante lacune éditoriale. En effet, les œuvres de Bloy s’avéraient jusqu’ici difficiles à trouver ; plusieurs volumes certes avaient déjà été publiés ici et là, mais souvent chez de petits éditeurs français, dans de faibles tirages et dans des éditions de qualité très inégale auxquelles le public québécois avait rarement accès.
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Petit éloge de l’autodafé
Le texte qui suit appartient au genre désuet de l’apologue. C’est une introduction à une réflexion sur la parole que j’ai l’intention de mener dans une série d’articles à paraitre prochainement. Le problème du collectionneur de livres, ce n’est pas le temps ; c’est l’espace. Le collectionneur ne s’inquiète pas d’accumuler des livres qu’il ne lira probablement jamais : des œuvres de deuxième ou de troisième ordre, par exemple, ou encore des ouvrages correspondant à des gouts passagers. Que ces livres l’attendent un mois, un an, dix ans, voire toute une vie sur les étagères de sa bibliothèque, cela lui est égal.
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Les innocentes
De loin c’est quelque chose, et de près ce n’est rien. – La Fontaine Pologne, 1945. Des soldats de l’armée soviétique ont envahi un couvent de bénédictines et violé les religieuses à répétition pendant trois jours. Elles auraient dû être fusillées ; elles ont survécu. Plusieurs sont devenues enceintes. Dans neuf mois viendront les accouchements, et avec eux le déshonneur du couvent où le vœu de chasteté a été rompu. Telle est la trame de fond du dernier film d’Anne Fontaine, qui est sorti la semaine dernière au Québec. L’idée est originale ; on pense à une sorte de pendant féminin à
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Portovenere
Eugenio Montale (Gênes, 1896 – Milan, 1981) est l’un des plus grands poètes italiens du XXe siècle. Il a reçu le prix Nobel de littérature en 1975. Avec Salvatore Quasimodo, autre récipiendaire du Nobel (1959), et Giuseppe Ungaretti il fait partie de ce qu’on a appelé « l’école hermétique italienne ». Le poème de Montale présenté ici est tiré du recueil qui l’a rendu célèbre, Ossi di seppia (Os de seiche, 1925). Portovenere (E. Montale) Là surgit le Triton de l’onde qui lèche le seuil d’un temple chrétien, et chaque heure à venir est ancienne. Chaque doute te conduit par la main ainsi qu’une jeune amie.
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Journal d’un vieil homme de Bernard Émond
Ceux qui fréquentent les salles de cinéma ont vu, au cours des quinze dernières années, la figure de Bernard Émond se détacher nettement de l’horizon du film québécois. Horizon plus ou moins dominé par les familles éclatées, les crises de la quarantaine, les jeunes artistes à l’identité sexuelle ambivalente, les road trips dans l’Ouest canadien et les personnages quelconques désireux d’échapper à leur routine pour s’épanouir librement dans leur quelconquitude. Il faut dire que, dans ce contexte, passer pour un cinéaste de grand fonds n’avait rien d’une tâche colossale. Il suffisait de dire quelque chose qui n’équivalût pas exactement au
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Le destin de l’Église dans le monde moderne
On entend souvent dire que l’Église est inadaptée au monde moderne. À moins de sous-entendre par là que l’Église a un quelconque «retard à rattraper» sur le monde moderne – idée aussi banale qu’insignifiante –, c’est exact. Le monde moderne a tenu son pari de se construire contre elle. N’est-il pas l’aboutissement d’une philosophie – celle des Lumières – qui s’est édifiée contre l’Église (contre signifie à la fois en opposition à et en prenant appui sur) tout en retenant une bonne partie de son enseignement, de sa morale, de ses valeurs ? En ce sens, il n’est pas exagéré de
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Des aveugles juchés sur des épaules de géants
25 remarques désobligeantes sur le temps qu’il fait 1. L’amour transforme la contingence d’un être en une nécessité. 2. Seule vaut l’esthétique qui vise un au-delà de l’esthétique. 3. Sans Dieu, il n’y a ni blasphème, ni péché, ni transgression. Dussent-ils s’en aviser, la plupart des artistes et littérateurs contemporains se retrouveraient aussitôt sans emploi. 4. Mieux qu’aucune autre, la musique jazz possède la faculté d’embourgeoiser n’importe quelle atmosphère. 5. Aujourd’hui, est qualifié d’« érudit » quiconque possède un viatique intellectuel d’une douzaine de livres. 6. Le démocrate est « un homme comme tout le monde ». C’est pourquoi il a le droit de
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À la défense de Christian Grey
On n’arrive pas à Dieu à toutes les époques par le même chemin. – Nicolás Gómez Dávila Je voudrais ici me faire l’avocat de ces 50 nuances de Grey dont je n’ai, à mon grand désarroi, jamais lu une page. Question de gout: le genre « Marquis de Sade pour petites princesses » n’a jamais été ma tasse de thé. Il est de bon ton aujourd’hui d’affirmer qu’on ne peut parler d’une œuvre sans l’avoir lue. Pourquoi accorder autant d’importance à l’activité de lecture? En fait, on peut parler d’une œuvre qu’on n’a pas lue pour la même raison qu’on