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Laurence Godin-Tremblay
Laurence termine présentement un doctorat en philosophie. Elle enseigne également au Grand Séminaire de l’Archidiocèse de Montréal. Elle est aussi une épouse et une mère.
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J’étais soule à ma première messe de Noël
[Attention : les lignes qui suivent pourraient choquer certains cœurs purs. Nous préférons vous en avertir.] J’ai 17 ans, c’est Noël et je réveillonne dans la famille de mon chum. Est-ce par défi, par gêne ou par ennui que je suis soule? Je ne m’en souviens plus. C’est peut-être aussi tout simplement pour supporter la treizième partie de Loup-Garou à laquelle je participe, avec grand-papa-incapable-de-se-souvenir-des-règlements et mon’oncle-qui-fait-des-blagues-louches-quand-tout-le-monde-a-les-yeux-fermés. – (En regardant attentivement sa carte) Juste de même, ça fait quoi, déjà, la sorcière? – (Après un long soupir de tout le monde) Bon, on va brasser et redistribuer les cartes, comme grand-papa
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La folle traversée de Philippe Belley pour aimer et être aimé
Philippe Belley pèse plus de 200 livres et est loin d’être un sportif. Pourtant il décide, en 2019, de lancer un défi à Clara, sa fille de 14 ans : traverser à la nage le lac Saint-Jean, soit 34 kilomètres d’eau froide. Possédant lui-même une boite de production de documentaires, il décide de mettre en film son parcours. Il s’agit de son plus grand rêve, dit-il, du projet le plus important de sa vie. Le défi suscite en effet l’admiration. Durant deux ans, Philippe persévère : lui qui se fatiguait après 300 mètres de nage réussit finalement à nager des dix et quinze
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Les politiciens font-ils de la rhétorique?
Les politiciens nous mentent et nous trompent, se plaint-on. Les gens de gauche traitent Éric Duhaime de sophiste, alors que les gens de droite jugent pareillement Gabriel Nadeau-Dubois. Ces accusations manquent souvent d’objectivité, vous le comprendrez… Nos politiciens usent certainement, dans tous les cas, de rhétorique. Est-ce toujours mauvais? Pas du tout. D’ailleurs, tout le monde aime les bons orateurs, alors qu’un politicien ennuyant reçoit généralement un mauvais accueil. Il faut dénoncer la rhétorique seulement quand elle devient de la sophistique, quand les discours se veulent trompeurs. Mais pour identifier cette mauvaise rhétorique, il faut avant tout prendre un pas
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«What is a Woman?»: un problème de définition
Le 1er juin, début du mois des fiertés, est sorti sur la plateforme The Daily Wire un documentaire intitulé « What is a Woman? », réalisé par Matt Walsh. Le documentaire a reçu de nombreuses critiques positives, mais aussi négatives. Plusieurs parmi la communauté LGBTQ ont entre autres accusé Walsh de transphobie, ne serait-ce qu’en raison du ton du documentaire. Quoi qu’il en soit, force est d’admettre que Walsh vise juste en choisissant la question principale de son film. Selon la théorie du genre, quand un homme décide de transitionner pour devenir une femme, que devient-il? En quel sens une femme transgenre est-elle une femme? Bref : qu’est-ce
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Stranger Things : vaincre le monstre intérieur
Enfant, j’adorais l’horreur. Films, livres, décorations. Rien, ou presque, ne me faisait peur. Jamais de cauchemars, jamais d’insomnie, même après un film sanglant. Ma fascination pour l’horreur a débuté après la séparation de mes parents. J’ai laissé tomber les princesses. Finie, la chambre rose. Fini, le papier peint de chevaliers. Je désirais maintenant une chambre peinte toute en noir, avec des squelettes et des poupées pendues. Mon père s’y est opposé, évidemment… Je n’entretenais pas de pensées sombres. Je ne croyais pas non plus aux monstres. C’est même à se demander d’où venait ma fascination pour l’épouvante. Qu’est-ce que j’y
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Qui ne croit en rien croit en tout
Ce vendredi, j’ai une journée chargée. J’enseigne la logique au Grand séminaire de Montréal le matin et je donne une conférence à l’UQAM en après-midi, dans le cadre d’un colloque de philosophie. J’entre au séminaire à 8h00, un peu avant le cours. C’est calme, il n’y a presque personne. La déco me donne un peu l’impression d’être revenue en arrière dans le temps, surtout le tapis. J’aime bien en un sens. C’est confortable et chaleureux. Je commence mon cours de logique par une citation attribuée à G.K. Chesterton, question de faire discuter un peu les étudiants: «When men stop believing in
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Finalement, je n’aime toujours pas travailler
Dans un autre billet, j’ai confié qu’adolescente, je n’aimais pas travailler. Et malgré la conclusion de ce dernier texte, je crois encore qu’un adolescent ne devrait pas en un certain sens aimer travailler. Je m’explique: c’est qu’un jeune ne doit pas prioritairement apprendre le travail, mais plutôt le loisir. «Apprendre le loisir? Pas besoin! C’est facile! Tous les jeunes aiment le loisir!», me répondrez-vous. Pas du tout en fait. Mais il convient pour le voir de distinguer loisir et divertissement. Et même, avant cela encore, travail et loisir. Travail et loisir On appelle «travail» aujourd’hui tout ce pour quoi on
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Je n’aimais pas travailler
À 14 ans, mon père m’a dit qu’il était temps pour moi de trouver un « petit travail », question de devenir plus responsable et d’apprendre « la valeur de l’argent ». J’ai été engagée au McDonald… et renvoyée après 3 mois. Il parait que je manquais de dynamisme et que je ne souriais pas assez aux clients. L’été d’après, j’ai obtenu un travail dans un magasin de vêtements pour jeunes filles. Je peux me vanter d’avoir été la seule employée de toute l’histoire de ce Garage à n’avoir jamais travaillé sur le plancher. Parait que c’était mieux de me garder à l’arrière, à défaire des
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J’aurais voulu être humoriste
J’ai un rêve dont j’ai honte : celui de devenir humoriste. Le rêve est né par accident, quand j’étais encore au Cégep. Durant le dernier cours de littérature, le professeur nous a demandé de présenter un numéro de standup devant le reste de la classe. Je ne voyais pas trop le rapport avec le but du cours (communiquer des idées en lien avec le programme « science nature »), mais je me suis lancée, non sans un certain enthousiasme. J’ai tiré l’essentiel de mon inspiration pour mon standup de la réflexion d’un collègue, qui m’a dit un jour : « J’aime me faire chier toute
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À l’école de la maladie
Décembre 2021 : je me sens heureuse plus que jamais. Tout va bien. J’ai du temps pour prier, mon fils de 15 mois se développe bien, mon mari et moi vivons un mariage épanoui, ma thèse avance et, comble de joie, je viens de découvrir que je suis de nouveau enceinte. Je me sens féconde et pleine d’espoir pour le futur. Deux semaines plus tard, je commence à vomir. Je me retrouve malade, comme à ma première grossesse d’ailleurs : hyperémèse gravidique encore. Tout s’arrête de nouveau. Je peine à m’occuper de moi-même, encore plus de mon fils. Impossible d’avancer ma thèse sans vomir.
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Guide pour mieux discuter au réveillon
En ce temps de l’année, les familles se rassemblent. Et la famille, ce sont les personnes qu’on n’a pas choisies. Les gens dont on ne partage pas nécessairement les intérêts ni les opinions. Le plus souvent se présente donc le dilemme suivant : ou se contenter du small talk (nourritures, voyages, blagues, anecdotes, etc.) ou se disputer (politique, religion, vaccin, mesures sanitaires, etc.). Qu’on me comprenne : je n’ai rien contre le small talk. C’est comme les chips : simple et vite satisfaisant. Mais une soirée complète de chips, c’est un peu indigeste… Prenons donc un risque cette année : osons aborder, durant les réunions familiales, un
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Ne lisez pas cet article si vous êtes en fin de session !
Noël approche. C’est la folie dans les magasins. Mais pour une partie de la société, ce ne sont pas les cadeaux qui pressent. C’est la fin de session. Pour la population étudiante, décembre rime en effet avec examens, oraux, travaux et… café. J’en sais quelque chose. J’entame cette année ma dixième année à l’université… Et par conséquent, ça fait aussi dix ans que je donne à Noël des cartes à ma famille dans lesquelles il est écrit : « Voici le cadeau que tu auras éventuellement, quand j’aurai le temps d’aller dans les magasins… » Une vertu spéciale Je ne ferai pas pleurer
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Chasser les chasseurs de sorcières
Salem 1692, dans une colonie protestante, deux jeunes filles, Betty Paris 9 ans et Abigail Williams 11 ans, s’adonnent naïvement à l’art de la divination, avec Tituba, servante originaire de la Barbade. S’étant effrayées elles-mêmes, et comme prises à leur propre jeu, les jeunes filles adoptent soudain un comportement étrange et suspicieux. Les autorités du village, ayant remarqué ces changements, les placent devant un dilemme : ou bien elles se sont livrées volontairement à des activités sataniques (auquel cas elles recevront un sévère châtiment) ou bien elles ont été envoutées par d’autres (auquel cas elles doivent révéler leur identité). Pour sauver leur vie,
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Je suis incapable d’être une mère
Il y a un an, j’ai donné naissance pour la première fois. Le moins qu’on puisse dire, c’est que je ne me doutais pas du tout de ce qui m’attendait. Je n’avais aucune idée des difficultés devant moi. J’étais juste contente d’acheter des livres pour enfants en italien… Un peu naïvement, je me disais : la majorité des gens font des bébés et s’en sortent. Pourquoi serait-ce différent pour moi ? Pleine d’orgueil, je pensais même : « En plus, moi, je suis quand même vertueuse. Je n’ai pas besoin d’alcool, de télévision, de divertissements et j’aime la sagesse. Je suis meilleure que la
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Grand-maman, pourquoi es-tu partie si vite ?
Chère grand-maman, Plusieurs semaines déjà ont passé. L’eau érode la roche et le temps fait pareil avec ma mémoire. Les images de ta mort sont de moins en moins fortes. Elles ne me tourmentent plus la nuit. Je ne me perds plus dans mes pensées en prenant ma douche. Je m’en désole. Je garde le bracelet de visite que l’hôpital m’a remis. Je le porte pour me rappeler de prier pour toi. Quand les médecins t’ont recommandé l’opération, je me suis réjouie à l’idée que je pourrais alors te visiter plus facilement qu’à ta résidence. Mais tu as refusé cette
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Le cégep : la croisée des chemins
À mon frère, qui entre au cégep cette année Ces jours-ci, c’est la rentrée pour les étudiants du cégep. J’ai encore ma carte d’étudiante dans mon portefeuille, carte qui date déjà de 11 ans. Sur la photo, je porte mes boucles d’oreilles en forme de feuille de pot et ma chemise beige, qui me donnait un look hippie. J’ai le sourire fendu jusqu’aux oreilles et le regard légèrement vitreux… Un nouveau commencement. C’est ce que signifiait pour moi le cégep. Dès la fin du secondaire, je me suis sentie libérée. Libérée de la pression sociale. Libérée du désir de popularité. Je
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Un embryon pour le ciel
« Ce que je veux dire aux mamans qui ont perdu des enfants, c’est cela : nous avons été mamans, nous avons reçu ce don. Le temps n’importe pas : un mois, deux mois, quelques heures… Ce qui compte, c’est le fait que nous avons reçu ce don. Un tel don ne s’oublie pas. » – Chiara Corbella Quand j’ai appris que j’étais enceinte, un peu après la Pentecôte, j’ai ressenti une grande joie, non sans toutefois une certaine angoisse. « Un autre ? Le premier n’a que huit mois et je suis déjà tellement fatiguée. Comment ferons-nous ? Deux pauvres étudiants en philo sans travail fixe
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Le solitaire sociable
Vous en aurez peut-être rencontré un durant le dernier confinement : un érudit qui se vante de son amour de la solitude et se lamente de l’incapacité des « petites gens » à faire comme lui. Le même qui se plait à citer Blaise Pascal, affectant toujours bien sûr un petit air de dépit : « J’ai dit souvent que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. » Certains ont même profité du long confinement pour soutenir que l’homme véritablement accompli n’est pas par nature sociable. L’ennui et non la nature, a-t-on écrit durant
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#MeToo, le mariage et Dieu
Lui ne m’a pas reconnu. Ça se comprend : c’était il y a 14 ans déjà. Comment me reconnaitrait-il à travers les allées du Métro, les charriots et les masques ? Sans compter ma poussette… Il ne sait probablement pas que j’ai maintenant un fils ! Je le trouvais beau. Je venais d’avoir 15 ans, c’était un gros party et j’avais pas mal trop bu (pour me donner le courage de lui parler). J’ai été tellement malade ! J’avais la tête qui tournait, les idées confuses. Et je me suis retrouvée avec lui. Je n’étais pas vraiment contre. Je l’aimais bien et j’espérais qu’il
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Raconter ses péchés pour être aimé
Dernièrement, j’ai été particulièrement touchée par deux entrevues, fort différentes de prime abord, mais en réalité tout à fait convergentes : la dernière chronique de Simon Lessard à On n’est pas du monde à propos du psychologue Conrad W. Baars et le témoignage de Clémentine à Tout le monde en parle. Simon Lessard a expliqué que, selon Conrad W. Baars, l’un des plus grands problèmes psychologiques de notre temps consiste en une « privation émotionnelle », c’est-à-dire un manque d’amour gratuit et inconditionnel. Le témoignage de Clémentine illustre cette thèse parfaitement, elle qui, par manque d’amour, s’est faite sugar baby, jusqu’à se voir entrainée malgré elle dans le réseau de la
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L’amour n’est pas Dieu
« William Morris a écrit un poème intitulé L’amour suffit, et on raconte que quelqu’un l’aurait brièvement commenté ainsi : non. » – C.S. Lewis, Les quatre amours « L’amour crisse » : le slogan de Louise Latraverse a marqué les esprits, tellement qu’elle a été invitée à Tout le monde en parle pour expliquer que rien n’est plus précieux que l’amour. Par exemple, ses amis « du milieu », elle ne s’en priverait jamais ! En parlant de l’amour qui compte plus que tout, ça m’a fait penser à une fille que j’ai connue. Je venais tout juste de devenir chrétienne. Je lui racontais comment j’avais le sentiment d’entrer dans
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Supporter patiemment les emmerdeurs
Je suis une romantique, que voulez-vous ! Mettez-moi devant une peinture de saint Ignace dévoré par les lions, de saint Clément jeté à la mer les pieds attachés à une ancre, ou encore de sainte Agathe dont on coupât les seins, et je m’enflamme ! Se plaire dans des images lointaines de martyrs… Du lyrisme chrétien à son meilleur ! « Tu veux apprendre la charité durant ce carême ? Alors, arrête d’imaginer que tu vas sauver le monde et apprends à supporter patiemment tes proches. C’est le combat d’une vie pour nous tous. Mariés ou pas, prêtres ou pas. » C’est avec ces paroles que
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La consumation de Chiara Corbella
Durant mon année d’études à Florence, en 2018, il m’est arrivé à plusieurs reprises de voir cette affiche dans les églises : une jeune femme avec un œil bandé, un violon à la main et un grand sourire. On pouvait également y lire cette phrase mystérieuse : « Siamo nati e non moriremo mai più / Nous sommes nés et ne mourrons jamais plus. » Sur le coup, cette jeune fille, Chiara Corbella de son nom, n’a pas piqué ma curiosité. J’ai passé mon chemin. Or, voilà qu’une amie de Montréal m’a dernièrement demandé si je pouvais traduire quelques-unes de ses lettres. J’ai donc
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La carrière ou la famille ? Le cas Kobe
À cette même date l’an dernier, Kobe Bryant ainsi que huit autres personnes ont perdu la vie dans un écrasement d’hélicoptère. L’évènement a secoué la planète entière. Tellement, que « Kobe » s’est retrouvé en troisième position parmi les mots les plus recherchés sur Google en 2020. Selon mon collègue Simon Lessard, cette tragédie a fasciné parce qu’elle a rappelé tout un chacun à son propre destin : la mort. Peu importe la célébrité, la richesse et le pouvoir, on meurt tous un jour. C’est bien vrai. Mais Simon est selon moi passé à côté d’un point important (et ce sans doute parce qu’il ne
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