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Jérôme Blanchet-Gravel
Jérôme est essayiste, journaliste et chroniqueur. Spécialiste des idéologies, il est l'auteur de quelques essais et collabore à plusieurs médias, au Québec et en France. Son dernier livre «Un Québécois à Mexico», a été publié en 2021 aux Éditions L'Harmattan.
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La crise sanitaire est une crise spirituelle
Étant présentement dans la ville d’Oaxaca, dans le sud du Mexique, j’ai pu visiter quelques églises de la région et assister à une incroyable messe de Pâques à la Basilique de Nuestra Señora de la Soledad, ce joyau patrimonial. À chaque visite, j’ai été frappé de constater que les bénitiers avaient été remplacés par des distributeurs de gel désinfectant. Depuis le début de la crise, certains s’amusent à présenter le « sanitarisme » comme une nouvelle religion, mais il n’y a rien de plus évocateur que cette transition rituelle. Surtout dans ce pays rebelle où la population est loin de suivre à la lettre
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Sommes-nous plus que jamais Américains ?
Tous les empires sont mortels, mais les Américains n’ont pas encore commencé leur déclin tant espéré et prophétisé, estime l’essayiste québécois Mathieu Bélisle. Dans son dernier ouvrage L’Empire invisible paru aux éditions Leméac, Bélisle défend l’hypothèse de la poursuite d’une Amérique dont la puissance ne serait plus tant politique et militaire que culturelle et surtout virtuelle, ce que permet toutefois une même économie forte. Autrement dit, la puissance de ce pays de 330 millions d’âmes serait devenue plus informatique que géopolitique. Dans cette nouvelle dynamique, les interventions armées ne seraient même plus nécessaires pour assurer la diffusion des idées de l’empire : à quoi
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Pour en finir avec la légende noire du catholicisme
Les dernières semaines ont été marquées par la montée du mouvement antiraciste partout dans le monde à la suite de la mort de George Floyd. En pleine pandémie de Covid-19, des citoyens de tous les horizons semblent avoir ressenti le besoin de sortir de leur hibernation sociale pour prendre la parole. Malgré sa juste cause, le mouvement antiraciste à l’œuvre s’accompagne d’un projet de révisionnisme historique exempt de nuances. Iconoclaste, ce courant radical entend rayer tout monument, ou presque, rappelant le fait colonial dans les Amériques. Bonne cause, mauvais moyens Aux États-Unis, des manifestants ont endommagé puis retiré de leur
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Meurtre de George Floyd : combattre le racisme par l’universalisme
La question du racisme et de la reconnaissance des minorités culturelles, qui a récemment fait surface avec l’assassinat de George Floyd, est au cœur de la vie politique occidentale depuis au moins une vingtaine d’années. Les différents camps se questionnent et débattent par rapport au racisme et au multiculturalisme. Ils ne devraient toutefois pas oublier une vision fondatrice du monde occidental : l’universalisme chrétien. Notre voisin du sud est à nouveau plongé dans une crise historique depuis la mort de George Floyd, ce citoyen noir de Minneapolis injustement assassiné le 25 mai dernier par un policier. Il souffle depuis sur les
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Les théories du complot, l’envers de notre vide spirituel
En tant que réactions face à la COVID-19, les théories du complot font beaucoup parler. Reptiliens, francs-maçons, Illuminati, sionistes et groupes « pédosataniques » ont vite été accusés d’être à l’origine de la pandémie. Ce n’est toutefois pas un hasard si ces théories ont proliféré : elles répondent au sentiment d’impuissance et au vide spirituel. La pandémie de COVID-19 aura eu pour effet de révéler des réalités qui étaient trop longtemps restées dans l’ombre, comme la déroute du système d’hébergement des ainés au Québec. Parmi elles se trouvent aussi certaines inégalités économiques que nos États devront prendre en considération et des nationalismes qu’on aurait
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La mort, cet éléphant dans la pièce
La présente crise du Covid-19 nous a fait redécouvrir que nous étions fragiles, que le progrès ne pourrait pas toujours nous protéger des intempéries qu’il pouvait lui-même engendrer. La mondialisation est remise en question : l’humanité devra modifier sa manière de vivre à l’échelle de la planète. Sans ajustements, nous connaitrons de nouvelles crises majeures, qu’elles soient sanitaires ou environnementales. Bien des choses ont déjà été dites, mais je ne crois pas me tromper en soulignant qu’il flotte au Québec un important malaise. Peu d’observateurs ont cru bon de l’aborder. Comme diraient les anglophones, il y a un éléphant dans la
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Quand l’identitaire supplante le religieux
Des sociologues parlent d’un retour du religieux dans les sociétés occidentales. Du religieux plus que de la religion, car les formes institutionnelles de celle-ci ne seraient plus vraiment appelées à perdurer. Dans certaines régions du monde, les autorités religieuses voient leur influence s’amenuiser au profit de groupes religieux complètement autonomes. En Afrique et en Amérique latine, la montée des évangéliques, parallèlement au déclin relatif du catholicisme, illustre cette réalité. Michel Maffesoli fait partie des penseurs pour qui le désenchantement du monde a fait son temps. Les idéologies modernes n’auraient jamais su remplacer Dieu, créant plutôt un immense vide chez les
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La laïcité ne doit pas effacer le passé
Le premier ministre François Legault a annoncé son intention de laisser le crucifix de l’Assemblée nationale là où il est présentement, c’est-à-dire au-dessus du siège du président. Avec l’arrivée de la Coalition Avenir Québec au pouvoir, le 1er octobre dernier, la place du crucifix est revenue nous hanter. Maurice Duplessis est remonté à la surface de nos eaux trop tranquilles. J’ai beaucoup de respect pour l’histoire, mais j’essaie toujours de ne pas idéaliser le passé. Je me méfie de ceux qui transforment le passé en mythe, qui l’embellissent au point d’en faire un modèle absolu. Je ne pense pas nécessairement que
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Le Brésil face à la déferlante évangélique
Des paroisses catholiques qui se vident de leurs fidèles au profit des églises évangéliques où les pregadores chantent et jouent de la guitare électrique. Des joueurs de football qui affichent leur foi à la fin des matchs en enfilant des bandeaux à la gloire de Jésus. Des quartiers situés en périphérie des grandes villes surnommés « ceintures pentecôtistes ». Des dizaines de parlementaires de tous les partis qui se coalisent pour défendre les intérêts de leurs églises. Une société réputée pour ses carnavals hauts en couleur où certains croyants choisissent désormais de s’habiller plus sobrement. Qui l’aurait cru ? Bienvenue dans le Brésil
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Le bazar postmoderne de Michel Maffesoli
Michel Maffesoli est un sociologue qu’il faut lire pour comprendre le monde actuel. Dans son dernier ouvrage Être postmoderne publié aux éditions du Cerf, le penseur revient sur l’ensemble de son œuvre en proposant en quelque sorte une synthèse de celle-ci. Tous les thèmes qui l’ont fait connaître (ceux-ci étant inévitablement liés) s’y retrouvent : le retour du religieux, la fin du contrat social, la division de la population en une multitude de « tribus », le déclin du politique et l’ensauvagement du monde. Il faut bien comprendre que Michel Maffesoli n’est pas un promoteur actif de la nouvelle époque qu’il voit
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Pour un libéralisme adulte
Dire que les dix ou vingt dernières années ont été celles de l’avènement du néo-libéralisme est devenu un lieu commun. Chez les intellectuels de gauche comme de droite, plus personne n’en doute: la forme la plus axée sur l’économie de la philosophie libérale prédomine. Un peu partout dans le monde, les États deviennent les promoteurs de cette idéologie alors qu’il en était initialement le contraire. Je suis de ceux et celles qui considèrent le libéralisme (tant politique qu’économique) comme relativement conforme à la « nature humaine », donc comme une manière sensée d’organiser la société. Je le préfèrerai toujours aux idéologies
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Pas d’amalgame!
Depuis la montée des enjeux liés à l’islam en Occident, plusieurs personnalités ont manifesté leur ouverture à son endroit, y compris au sein même de l’Église catholique. Chaque fois qu’un attentat terroriste est revendiqué en son nom, on évoque le caractère pacifique de cette religion. Dans un discours prononcé en juin 2009 à l’Université du Caire, Barak Obama affirmait que l’islam avait une « fière tradition de tolérance » qu’on pouvait clairement percevoir dans l’histoire de l’Andalousie et du Califat de Cordoue. Pour l’ancien président américain comme pour plusieurs autres politiciens, l’islam semble parfaitement compatible avec les grandes valeurs de la civilisation occidentale.
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Accueillir dans une pièce vide
Dans une déclaration récente, la chef du Bloc québécois, Martine Ouellet, évoquait la montée d’une « gauche religieuse » au Canada. Selon elle, l’aspirant chef du Nouveau parti démocratique, Jagmeet Singh, symbolise ce nouveau courant en refusant de faire une distinction claire entre son appartenance religieuse et la politique. Le politicien de confession sikhe, qui s’est défendu ensuite d’incarner cette nouvelle gauche, est soupçonné par la chef bloquiste de dissimuler des motivations religieuses sous un discours progressiste. Nous laisserons à Jagmeet Singh le soin de préciser ses intentions. Ceci dit, il apparait évident que Martine Ouellet pose globalement un juste diagnostic. J’ai
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