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Francis Denis
Francis Denis a étudié la philosophie et la théologie à l’Université Laval et à l'Université pontificale de la Sainte Croix à Rome. Il est réalisateur et vidéo-journaliste indépendant.
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Sérotonine ou la communion dans le dégout
À travers les dialogues mentaux de son personnage principal, Michel Houellebecq dégage, dans Sérotonine, une honnête description des effets psychopathologiques de cette volonté toute soixante-huitarde de se soustraire à la « dureté du réel ». Un compte-rendu de notre collaborateur Francis Denis. Sorti quelques semaines après les fêtes, le dernier roman de Michel Houellebecq s’est offert la petite gêne de ne pas jeter une torpeur supplémentaire sur les moments de bonheur qui accompagnent, dans nos sociétés sécularisées, ce temps d’illusion programmé qu’est Noël. Il n’en demeure pas moins que plusieurs chèques-cadeaux de librairie ont dû servir à se le procurer. Que reste-t-il
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Cours d’éducation sexuelle : pour un dialogue constructif
Cette semaine, un tout petit livre a retenu une bonne partie de l’attention médiatique : Réflexions pour susciter le dialogue parents/enfants sur le programme Éducation à la sexualité du Ministère de l’Éducation du Québec: de la maternelle à la 3e année du primaire. Retour sur une polémique qui risque de faire couler encore beaucoup d’encre. L’annonce du lancement de ce livre ayant été relayée par le service des communications de l’archidiocèse de Montréal, le texte se veut un outil offert aux parents désirant en apprendre davantage sur le contenu du cours ainsi que sur les différentes options qui s’offrent à eux. C’est d’ailleurs
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Dinde de Noël et respect des animaux
Dans quelques jours, nous serons tous réunis avec nos familles respectives pour vivre un moment fraternel autour d’un bon repas. Des tables pleines des meilleurs mets défileront devant nos yeux pour le plus grand plaisir de nos papilles. Au centre de la présentation, une dinde bien rôtie trouvera, comme chaque année, une place de choix. Arrêtons-nous quelques instants sur cette scène féérique. Au moment même où nous célébrons la naissance de la Vie, ne sommes-nous pas également rassemblés autour de la mort? La mort de cette dinde sacrifiée au bucher du bon gout dans nos bouches n’est-elle pas le passage
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Se tenir bien droit
Le 18 octobre dernier, la traduction française du bestseller du psychologue canadien Jordan B. Peterson intitulé 12 règles pour une vie, un antidote au chaos était enfin publiée. Si le franc-parler de Peterson et sa logique implacable ont fait aussi de lui un phénomène mondial sur les médias sociaux, la marque que laissera ce livre sera celle d’avoir su redonner à notre époque un accès à l’intelligibilité du réel, d’avoir encouragé une nouvelle génération à prendre sa vie en main et d’avoir redonné toute la crédibilité civilisationnelle à la Bible. Rien de moins. Je le dis d’entrée de jeu, il s’agit selon
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Buzz sur demande dans un État végétatif
La semaine dernière, le gouvernement du Canada légalisait la vente et la consommation de cannabis. Outre les citoyens à la queue leu leu sur ce qui reste de rue praticable à Montréal ou les médias venus confirmer leur thèse selon laquelle il n’y aurait pas d’apocalypse (en effet, il n’y a pas eu d’apocalypse), plusieurs sont restés perplexes quant à la tournure des évènements. Notre chroniqueur se penche sur le buzz et sur ses effets collatéraux. Pour certains, c’était la consternation de voir un état prétendument sérieux se mettre à vendre de la drogue. Pour d’autres, il ne s’agissait que d’un nouvel
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Élections : un appel à la responsabilité
La présente campagne électorale au Québec aura tout fait… sauf susciter de l’engouement de la part de la population. À en lire les journaux ou à en écouter la radio, les journalistes semblent désespérés de trouver quelque chose à se mettre sous la dent. Crisettes de conflits d’intérêts, problèmes personnels, manigances électoralistes et carriérisme politique auront été, semble-t-il, les faits saillants de cette élection 2018. Vu cette impasse journalistique découlant d’une part, de l’aseptisation des débats et, d’autre part, des invectives prudentielles des agences de communication, nous serions tentés de dire aux grands médias de laisser tomber le superficiel une
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Peine de mort : la doctrine de l’Église mise à jour
Jeudi dernier, le préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le cardinal Luis F. Ladaria s.j., publiait une version ajournée du numéro 2267 du Catéchisme de l’Église catholique. La modification n’a pas manqué de susciter de nombreuses et diverses réactions, tant chez les fidèles que dans les milieux séculiers. Portant sur la peine de mort, cette volonté de reformulation avait été déjà annoncée par le Saint-Père, il y a quelques mois, alors qu’il affirmait que ce thème « devrait trouver dans le Catéchisme de l’Église Catholique, un espace plus approprié ». Ainsi, nous sommes passés d’un jugement sur la peine
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Le cheval de Troie de l’économisme sauvage
Samedi dernier, les Irlandais étaient appelés à s’exprimer par voie de référendum sur le maintien de l’Amendement constitutionnel (no8. 40.3.3) protégeant l’enfant à naitre. Notre collaborateur Francis Denis lis cette nouvelle à la lumière du récent document Oeconomicae et pecuniariae quaestiones du nouveau Dicastère pour le Service du Développement intégral et de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Malheureusement et sans grande surprise, c’est par une majorité de 66.4 %que les électeurs irlandais ont dit « oui » à la légalisation sur l’avortement. Malgré la promesse des différents lobbys « pro-choix » de ne pas célébrer leur éventuelle victoire, les « Dubliners » furent néanmoins témoins
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Jamais deux sans trois
Depuis quelques semaines déjà, l’actuel gouvernement fédéral met de l’avant son agenda d’ingénierie sociale. « Jamais deux sans trois » comme le dit le proverbe. Après l’annonce de la réforme des programmes de subvention discriminant certaines positions philosophiques jugées intolérables et l’imposition de directives niant les repères identitaires fondamentaux, il était donc à prévoir que le gouvernement Trudeau allait sortir un autre lapin de son chapeau. C’est ce qu’il a fait la semaine dernière en lançant sa sonde d’opinion selon laquelle il pourrait être possible dans un avenir rapproché de légaliser la rémunération des dites «mères porteuses». Bien qu’il se présente sous le
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Mesdames et messieurs
La semaine dernière, le gouvernement de Justin Trudeau a encore une fois fait la manchette sans vraiment savoir pourquoi. Poursuivant sa descente tant dans les sondages et que dans l’indécence, les libéraux persistent et signent concernant leurs engagements fermes d’éclairer les consciences sur les impératifs moraux de 2018.Formule de politesse oblige, éviter le risque de microagression que comporteraient les formules « monsieur et madame » est désormais une priorité pour les fonctionnaires de Service Canada. Depuis G. K. Chesterton, on dit souvent que notre monde est « rempli de vertus chrétiennes devenues folles ». Il me semble que cette expression est particulièrement appropriée pour
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La fausse ouverture de Justin Trudeau
Depuis quelque temps déjà, une polémique fait rage, surtout au Canada anglais, concernant la volonté mise de l’avant par le gouvernement libéral de Justin Trudeau de bannir du programme de subvention pour les emplois d’été tous les groupes ayant des affiliations pro-vie. Nous le savons depuis longtemps, le catholicisme de Justin Trudeau ne dépasse pas les limites de la doxa « progressiste ». Alors même qu’il était dans la course à la chefferie, il avait affirmé sa volonté ferme d’exclure tous les candidats pro-vie de son parti, politique qualifiée par certains «d’erreur de jeunesse» (12 :50) . Cette position maladroite revient aujourd’hui comme un boomerang:
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De Sainte-Foy à Tibhirine
Au moment même où nous commémorons l’attentat de la Mosquée de Québec, la pensée du frère Christian de Chergé peut nous aider à comprendre, non seulement notre connaissance du Christ, mais également le sens profond que peuvent révéler de telles tragédies. Vendredi dernier, le pape François signait le décret de béatification des 19 martyrs d’Algérie parmi lesquels figurent les désormais célèbres moines de Tibhirine. Nous connaissons bien l’histoire de ces hommes qui, par amour pour Dieu et le peuple algérien, avaient décidé de rester dans leur monastère, et ce, malgré la double menace islamiste et militaire. L’un deux, le frère Christian de Chergé, avait
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À côté de nos pompes (ou la fragile impression d’exister)
L’ouverture d’une boutique de sport a fait couler beaucoup d’encre cette semaine. Alors que tous les marchands se préparaient au délire du vendredi fou, d’autres célébraient en grande pompe (et en grandes pompes!), en plein centre-ville de Montréal, l’ouverture de leur lieu de culte au Mammon de la consommation. Tout semblait parfait. On s’imagine l’énergie mise par les boites de com et autres spécialistes pour donner un peu de sens au vide existentiel. Une chose leur avait pourtant échappé : la rue Sainte-Catherine n’est pas une chaine YouTube et Montréal n’est pas qu’un statut Facebook. La virtualisation du monde n’étant pas
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Multiculturalisme et identité : quand l’Église a tout à gagner
La question du crucifix à l’Assemblée nationale est une fois de plus revenue dans l’actualité à la suite d’une requête du parti Québec solidaire demandant son retrait. Parallèlement à ce débat, notre blogueur Francis Denis, journaliste à la Télévision Sel + Lumière, entrevoit dans le multiculturalisme et les replis identitaires des occasions d’évangélisation. Outre les intéressantes recherches sur l’authenticité du crucifix qui, pour des raisons patrimoniales, imposent que l’on remette l’original à sa place, cette revendication laïciste est le signe que ce parti demeure marginal, reliquaire d’une vieille mentalité anticléricale moribonde. Dernier bastion authentique d’un « messianisme compensatoire progressiste », Québec solidaire a
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Plus catholique que le pape?
Depuis sa publication, l’exhortation apostolique Amoris laetitia a fait couler beaucoup d’encre, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Église. Malheureusement, ses détracteurs (dont certains défenseurs de la doctrine de l’Église sur la vie et la famille) se sont fait une joie d’extraire ce qui, dans le document, portait à une interprétation qui favorisait leur propre idéologie. Même au plus haut rang de l’Église, certains cardinaux se sont prononcés en faveur d’une prétendue clarification que le Saint-Père devait émettre pour le bien de l’Église, c’est ce qu’on a appelé les « dubia ». Plus récemment, plusieurs théologiens et membres du clergé ont pensé
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Faire du neuf avec du vieux
Depuis des décennies, le traitement médiatique de l’Église se résume souvent à la considérer sous la grille d’analyse politique opposant le conservatisme au progressisme. L’Église est-elle donc progressiste ou conservatrice ? L’erreur des myriades de réponses se trouve dans un déficit critique devant la question elle-même. Elle n’est pas nécessairement un ou l’autre. Elle peut être les deux à la fois, en autant que les éléments idéologiques de chacun des camps soient purifiés. Selon moi, la réponse la plus juste à cette disjonction construite est qu’un vrai conservateur ne peut qu’être pour le progrès et que le vrai partisan du
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Église, mœurs et médias: incompatibilité ou malentendu?
On croirait parfois que l’Église, par peur de choquer, se retient d’aborder de front la délicate question des mœurs. C’est probablement qu’elle saisit trop bien l’émoi et le retentissement que certaines de ses positions, trop en contradiction avec la pensée dominante actuelle, peuvent causer. On se rappelle tous la polémique entourant le cardinal Ouellet avant son départ pour Rome ! La semaine dernière, j’étais l’invité de l’émission La vie des idées à Radio VM. Animée par le très volubile Mathieu Bock-Côté, cette émission vise à « prendre le temps de penser, et prendre son temps pour penser politique, histoire, philosophie, religion
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« Les chrétiens doivent être des ferments »
Lors de son plus récent passage au Québec, j’ai eu la chance de rencontrer Jean Sévillia et de m’entretenir avec lui sur des questions brulantes d’actualité, des questions qui font couler beaucoup d’encre tant en France qu’au Québec. Identité, place du catholicisme dans la cité, dimension métaphysique de la citoyenneté sont quelques-uns des thèmes qui sont abordés dans cette entrevue. J’ose espérer que les réponses de M. Jean Sévillia permettront de jeter un éclairage supplémentaire sur certaines de ces questions qui nous préoccupent tous. Le Verbe : Récemment et en lien avec la controverse autour de la publication de Laurent Dandrieu,
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Idéologie, quand tu nous tiens…
Depuis quelque temps déjà, on entend ici et là dans le débat public le mot « idéologique » employé comme une accusation, comme une manière de discréditer l’opinion de quelqu’un sous prétexte qu’il ne ferait qu’appliquer un credo quelconque. Bien que je trouve que l’idéologie a le dos large ces temps-ci, il n’en demeure pas moins qu’elle représente effectivement un risque, spécialement pour nous Québécois, qui avons hérité, de notre culture française, ce gout naturel pour les idées. C’est ce qu’a démontré récemment un excellent reportage de Radio-Canada qui a décrit le climat de censure qui règne dans certaines de nos universités.
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Machiavel à l’Élysée
Nicolas Sarkozy ne sera pas de la présidentielle française du printemps prochain. Il n’est pas moins utile de se pencher sur le type de personnage public qu’il a été… J’ai récemment lu le dernier livre de Patrick Buisson, La cause du peuple : l’histoire interdite de la présidence Sarkozy. Bien que j’en recommanderais modérément la lecture au Québec (le livre est lourdement chargé d’anecdotes politiques françaises), il m’apparait être un ouvrage important pour l’implication future des catholiques en politique. Outre la rétrospective historique du quinquennat Sarkozy, ce livre nous permet de prendre un peu de hauteur par rapport à l’actualité, et
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L’État gestionnaire et marchand: comment s’en sortir?
Depuis quelque temps déjà, l’actualité nous submerge de nouvelles sur la politique. Que ce soit les élections américaines, les primaires françaises ou les élections partielles au Québec, les médias, analystes, chroniqueurs et partis politiques n’ont de cesse de nous manifester l’importance des enjeux et du processus électoral de nos démocraties. Manifestement, l’Église ne manque pas le bateau avec la publication du document du Conseil permanent de la Conférence des évêques de France intitulé Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique. Puisque, comme tous les citoyens, les catholiques doivent prendre leurs responsabilités en s’informant et en s’engageant dans
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Sortir de l’aveuglement collectif
Le 9 novembre dernier, au petit matin, Donald J. Trump devenait le 45e président des États-Unis. Cette élection, qui fut une surprise pour plusieurs, est révélatrice pour les raisons mêmes qui la rendirent imprévisible aux experts. Ce n’est pas un hasard si bon nombre d’articles écrits après l’élection n’ont pas seulement disserté sur celle-ci. Ils se sont, en effet, penchés sur le mirage qu’a représenté, à bien des égards, la couverture médiatique de cette campagne. Comment les médias et sondeurs ont-ils pu se tromper à ce point ? Bien sûr, cette stupéfaction générale s’explique en partie par la marge d’erreur
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Scandales à l’IOR: l’Église n’est pas une utopie
L’automne est arrivé et avec lui la rentrée scolaire, parlementaire et le retour des bonnes vieilles habitudes qui parsèment notre vie quotidienne. Pour compléter ce portrait quelque peu stéréotypé, il manquait cependant la polémique anticléricale de service. C’est certainement à cette intention louable que désirait répondre la diffusion du reportage de l’émission Enquête de Radio-Canada sur le Vatican. Alors que je m’installais confortablement devant ce que j’imaginais déjà être une heure de « Church bashing », je suis resté surpris d’y voir un portrait nuancé de l’institution romaine. Réalisé par Alain Crevier, le reportage Les batailles de François détonne par rapport à
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Vers la virocratie
On le sait, toute société démocratique implique que ceux qui prétendent être les plus adaptés à gouverner aient à employer les « armes » de persuasion mises à leur disposition afin de convaincre le plus grand nombre. Dans la Grèce antique, l’Agora était le lieu où les rhéteurs, sophistes et philosophes débattaient de la solidité des propositions. Aujourd’hui, sur la place publique « virtuelle », divertissement et politique s’entremêlent étrangement. Environ 2500 ans plus tard, l’art de persuader, bien qu’ayant eu le temps de subir plusieurs mutations, perdure jusqu’à nos jours comme le moyen le plus légitime pour obtenir l’exercice des plus hautes fonctions
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