

Brigitte Bédard
D’abord journaliste indépendante au tournant du siècle, Brigitte met maintenant son amour de l’écriture et des rencontres au service de la mission du Verbe médias. Après J’étais incapable d’aimer. Le Christ m’a libérée (2019, Artège), elle a fait paraitre Je me suis laissé aimer. Et l’Esprit saint m’a emportée (Artège) en 2022.
-
Rencontre au front avec Victoria
Victoria est travailleuse sociale. On pourrait facilement dire qu’elle n’est pas « au front », elle, mais après l’avoir écoutée parler de ses clients et de leur détresse pendant 30 minutes, on change d’avis. « Au début de la crise, les appels tournaient autour de la crainte d’attraper le virus, de perdre son emploi, ou encore de mourir. On était en gestion de l’anxiété. Avec le temps, j’ai constaté que le confinement provoquait encore plus de détresse. » « Quand on arrive à ce niveau-là […] de la crise, on entre dans les choses beaucoup plus profondes. Ce n’est plus de l’ordre de la santé
-
Rencontre au front avec Elisabeth Lefort et Pierre-Luc Labrecque
Après des jours à tout changer dans l’école, Elisabeth était enfin prête, et sa classe de maternelle aussi. Le lendemain midi, le gouvernement annonçait que la rentrée était reportée à septembre. « J’ai accueilli la nouvelle avec un grand soulagement même si j’avais l’impression qu’on avait fait tout ça pour rien ! » S’inquiéter pour les autres Elisabeth était inquiète plus pour son prochain que pour elle-même. « Je ne suis pas à risque. Je suis jeune et je suis toujours entourée d’enfants enrhumés, avec des débuts de grippes ou de gastro, des bronchites ou des streptocoques ! À la fin d’une journée, mes vêtements
-
Rencontre au front avec Antoine Poulin
Antoine attend le résultat de son test de dépistage de la COVID. S’il est positif, la Santé publique considère que toute sa famille l’est, ce qui veut dire sa femme et leurs trois jeunes enfants. La semaine dernière, pour faire face aux grands besoins de l’hôpital où il travaille comme intervenant en soins spirituels depuis 11 ans, on lui a demandé s’il acceptait d’être délesté comme « Aide à la mobilité » en physiothérapie, dans la COVID. « Sur le coup, je ne voulais pas. Je voulais continuer à voir mes patients. Ma femme et moi, on a prié. Qu’est-ce que le Seigneur voulait, lui ? » Le
-
Rencontre au front avec Sarah Michel
Quand Sarah, 16 ans, a obtenu son poste au comptoir du prêt-à-manger d’un supermarché bien connu, elle ne s’attendait pas à vivre tout ce branlebas de combat. « Au départ, je devais faire des heures précises, mais disons qu’avec les mesures sanitaires à respecter, les choses ne se sont pas passées comme prévu. Chaque jour, on m’assignait à un endroit différent, selon les urgences. » « Mes patrons éteignaient des feux. Nous, les employés, tous assez jeunes, on devait faire vite. Un jour, j’étais au prêt-à-manger, le lendemain j’étais garde de sécurité à l’entrée. Un matin, on est venu me chercher à mon
-
Rencontre au front avec André, postier
André est fidèle au poste depuis 30 ans. Il est « chef d’équipe », mais autrefois, on appelait ça « maitre de poste ». Derrière son comptoir, c’est habituellement un homme enjoué et engageant qui nous accueille, mais avec la pandémie, pour la première fois de sa vie, c’était la peur qui le dominait. « Les médias ne parlaient que d’infirmières, de préposés ou autres services de santé, mais moi, postier, j’étais aussi un service essentiel, j’étais aussi en première ligne ! « À part mettre les enveloppes et les colis dans les casiers, le gros de mon travail, c’est le service à la clientèle. Il y
-
Rencontre au front avec Marie Lyne Boucher
Marie Lyne ne pouvait pas se douter qu’en devenant technicienne d’intervention en loisir dans un CHSLD, elle pourrait communier, elle, chaque jour, au Corps du Christ, alors que le reste du monde en serait privé. « Le Corps du Christ ? Je le mange ici : cet amour universel bien concret, palpable. Je découvre la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur de l’amour de Dieu. » (Ep 3, 19) Le loisir dans un milieu de vie (le CHSLD), « c’est le sel qu’on met sur le steak ! dit Marie Lyne. Ma job, c’est de faire vivre et d’animer le milieu de vie autant par ma
-
Rencontre au front avec Isabelle Bouchard
Jusqu’au Vendredi saint, Isabelle faisait sa job d’infirmière auxiliaire au CHU de Québec comme toutes les autres. Elle avait pourtant réussi à s’adapter aux mille changements ; chaque matin, un nouveau département, de nouvelles personnes, d’autres pratiques. Ambiance lourde infinie. « Au début de la crise, j’étais en colère. Je trouvais injuste d’être obligée de travailler, alors que d’autres étaient payés à rester chez eux ! Je voyais tout négatif et je me battais intérieurement pour sortir de cet état d’esprit. » Puis, un jour, Isabelle a soudainement compris que tout n’était pas si noir. « Je me suis dit : “Voyons ! Je ne suis pas
-
Histoire de famille
Depuis trois jours, j’ai la tête dans les souvenirs, le cœur dans le passé et les yeux dans l’eau. Je suis dans mes photos de famille. Mon salon et ma salle à manger ont l’air d’un entrepôt. J’ai sorti la grande table qu’on sort à Noël et j’y ai mis toutes les photos, les enveloppes, les albums, les boîtes. Il y a aussi cinq bacs de souvenirs de famille que j’ai sortis du garage. Tant qu’à être enfermée encore pour trois semaines, autant en profiter pour faire ce que j’ai toujours remis au lendemain. J’ai décidé de faire l’histoire de
-
Petites pousses
Après avoir fêté la résurrection du Christ en touchant presque au Ciel, on est retombés les deux pieds sur la terre assez vite. Le matin de Pâques, on reçoit un texto de notre couple d’amis, Claire et Thomas, qui nous annonce que Charles, le père de Thomas, âgé de 85 ans, a déménagé chez eux depuis mardi. J’aime Charles. Depuis toujours. Même si, depuis toujours, il ne croit pas en Dieu, ou si peu, même s’il me met en pleine face les scandales de mon Église. Même s’il nous est arrivé deux fois plutôt qu’une de nous crêper le chignon sur
-
Le Bon Dieu dans la rue
On est sorti pour peut-être se donner l’impression qu’on allait à la messe du dimanche des Rameaux. On a marché le long du fleuve comme on le fait tous les jours depuis le début de ce confinement. En regardant Montréal au loin. Et ici, les bernaches. On traverse la rue pour s’arrêter devant notre église fermée. On contemple le Christ qui est là, présent. Mon mari rompt le silence : « Tiens, v’là ton ami ! » André ? Depuis le confinement, je ne l’avais pas revu, ni lui ni son compagnon de tous les jours. On s’approche. « Tu es seul ? Où est Richard ? –
-
Mes légumes
J’ai passé ma journée dans mes légumes. Ce matin, puisque je devais sortir pour le travail, je me suis dit que j’allais en profiter pour passer à l’épicerie en revenant, question d’acheter des fruits et des légumes. En arrivant, je vois qu’on attend en file indienne à deux mètres les uns des autres sous une petite pluie fine et froide. « Ah ! Non ! Pas encore ! » Cette fois, je n’avais ni gants, ni chapeau, ni foulard, ni même de parapluie. Fouille dans l’auto partout. Pas de parapluie ! Je grogne. Dans le hall, il y a des pastilles rouges collées au sol. On
-
Hier, on est sortis
Hier soir, on est sortis en douce, presque en cachette. On a fait des hotdogs aux enfants en les installant devant un film, en bas dans la salle familiale. Ils jubilaient ! Manger devant la télé ? Ça n’arrive jamais ! On a même sorti deux bouteilles de Coke pour l’occasion. La totale, quoi. Nous deux, on est remontés en leur disant qu’on sortait. Ils n’avaient même pas l’air surpris. Ils avaient plutôt l’air de dire « Ouais, ouais… bon débarras ! » Doucement, on a refermé la porte de l’escalier. On a ouvert la radio. Notre émission du samedi commençait. Des petits airs des années quarante qu’on aime
-
Le désert
J’ai pris mon courage à deux mains. Une fois arrivée, j’étais soulagée de voir un stationnement à moitié vide. Enfin ! La folie du Costco est finie ! J’ai mis de l’essence pour pas cher, je me suis stationnée presque heureuse et je me suis dirigée vers l’entrée. Quoi ? Une barricade ? Une file interminable ? Chacun à deux mètres de distance. Chacun, le cou rentré dans son manteau. Devant la barricade de palettes de bois, des employés aux airs de bouncer. Le long de la file, d’autres, dossard orange sur le dos, transmettent leurs directives. Au nom de ma famille, j’y vais ! Je marche
-
Un moment pour tout
Ça y est. Je suis une confinée. Je ne peux plus aller à mon cours de Stretch-Tonus. Ni à la piscine d’ailleurs. Je n’ose plus faire la ronde de mes épiceries zéro-déchet et encore moins de risquer ma vie au Costco pour trouver mon café préféré, ma baguette préférée ou nos baguels préférés… C’est fini. Finies mes sécurités de maman pourvoyeuse de bouffe pour sa petite et grande marmaille. Le défi cette semaine ? Ce n’était pas d’arriver à faire des plats dignes du resto avec les spéciaux des circulaires. Ce n’était pas non plus de répéter pour la centième fois
-
Libérée! Délivrée!
Vous avez vu ce titre de rubrique ? « Femme libérée ». Libérée de quoi ? Délivrée de qui ? Je le dis : je viens de franchir le demi-siècle. La maternité a calmé ma libido. Les hormones de préménopause achèvent inéluctablement le travail. Et comme la Reine des Neiges, je peux chanter : « Libéréééée ! Délivrééééée!… du sexe compulsif, pulsionnel, ou si vous préférez performatif ! » Voilà. C’est dit. L’envie est partie. C’est tout. Les bouffées de chaleur sont maitres, et invariablement suivies de frissons qui me glacent tout entière. Je suis en lockout d’estrogènes. J’ai alors la tentation d’imiter la Reine des Neiges et de m’enfermer dans
-
Un bon Jack pour toutes les Rose du monde entier
Quelle fille ne voudrait pas d’un bon Jack? En tout cas, Rose, la Rose du Titanic, elle a dit oui presque tout de suite. Je veux dire, elle a dit oui quand elle a vu que Jack était un «bon» Jack. Mieux. Elle a vu, ou senti, je ne sais trop, que ce gars-là, ce qui était le moteur de sa vie, le sens de son existence, l’alpha et l’oméga de sa raison d’être, ce n’était rien d’autre que l’amour. Oh! oui, on pourrait dire qu’il était un brin insouciant et qu’il vivait un peu trop de l’air du temps et qu’on
-
Vers un nouveau féminisme?
Montréal, boulevard Saint-Laurent. Élizabeth Montfort nous attend pour une visite impromptue à l’Abbaye Sainte-Marie des Deux-Montagnes. Une rencontre comme seul le Très-Haut peut en tricoter une. Une rencontre beaucoup trop courte à mon gout. Causerie avec Élizabeth Montfort sur le nouveau féminisme. Élizabeth Montfort est tombée dans la théorie du genre en 1999 alors qu’elle était députée au Parlement européen pour la Commission Industrie, Recherche et Énergie. Alors qu’elle devait rédiger son premier rapport, un amendement, déposé par une collègue, stipulait que le « Programme Entreprise » devait intégrer le Gender Mainstreaming. « C’était une expression en anglais, précise la politicienne, dans le texte
-
Voie divine, voix de diva
Sur scène, Marie-Josée Lord est certes la più granda soprano du Québec, mais autour d’une table, entre un pot-au-feu et un saumon en croute, elle parle piano piano, à mezza-voce. Lorsqu’elle répond à mes questions sur sa foi, sur ce qui l’anime et sur Celui qui l’habite, elle est délicate, feutrée, comme si elle fredonnait un petit air secret qu’elle voulait chanter pour Dieu seul. Elle n’a pas froid à ses yeux bleus. Dès son premier album, en 2010, Marie-Josée Lord affichait ses couleurs à même son livret: «Je suis reconnaissante à l’Éternel Dieu Créateur, à mon Seigneur et Sauveur Jésus Christ qui,
-
Patrick sur les genoux
On ne comprend pas comment un homme peut supporter de voir sa femme avec un autre. On se dit qu’il est idiot, ou bien qu’il est fou. Je l’ai rencontré, cet homme. Je lui ai parlé longuement, et je peux dire qu’il est tout sauf idiot. Patrick, c’est le mari de Caroline parmi les loups. Celle qui, du jour au lendemain, ne l’aimait plus. Celle qui l’a mis à la porte pour se laisser aller, pendant quatre mois, dans les jeux sadiques et dangereux de son amant. Patrick, pendant ce temps-là, il était sur les genoux. Il n’avait rien vu venir.
-
Caroline parmi les loups
[Pour voir la version de cet article publié dans le numéro d’hiver 2018 Amour Libre, cliquez ici.] Il n’y a pas qu’à la guerre, au milieu des massacres à la machette, que l’on peut serrer la main du diable. On peut aussi le faire au bout d’un clavier, quand on veut soudainement changer de vie. Caroline le dit: il était un vrai démon, ce gars-là, et c’est encore le démon – celui du midi, cette fois – qui l’a poussée dans son lit. Mariée depuis deux ans avec Patrick (lire la version de Patrick sur les genoux), elle n’en pouvait plus de
-
Prendre soin de la poule
Dans son récent papier au Devoir, Francine Pelletier n’a pas tout faux, vous savez. J’ai voulu en savoir plus sur la « politique nataliste » de la CAQ. Je n’ai rien trouvé, sauf le discours du chef. En le lisant, j’ai soupiré de lassitude. Encore une fois, on veut « travailler à éliminer les différents obstacles financiers qui se dressent devant les familles du Québec qui désirent avoir un enfant ». On veut diminuer les impôts des familles, car « quand vient le moment où les couples souhaiteraient avoir d’autres enfants, ils y renoncent souvent ». On veut aider les familles parce que vous savez, « une
-
J’aurais pas voulu être un artiste…
J’étais sous le choc de voir déferler les #moiaussi des victimes de quelques grands du show-business, mais la sortie de Léa Clermont-Dion m’a fouettée jusqu’aux os, car son récit, si vous avez la chance de le lire, est un arrache-cœur. L’agression sexuelle m’a choquée, évidemment, mais ce qui m’a clouée sur ma croix, c’est le rôle de Lise Payette dans tout ça. Ce matin, je ne suis plus clouée, je suis carrément crucifiée par la déclaration de Luc Plamondon à une journaliste d’un site à potins du showbizz québécois: «J’ai trouvé ça génial que les femmes sortent et dénoncent la
-
Rencontre intimiste avec Joe Zambon
Même sans barbe, Joe est toujours aussi beau. Et si vous voulez tout savoir, il est toujours aussi bon, aussi inspirant et aussi inspiré. Je savais qu’il était branché sur l’Esprit Saint dans ses chansons, mais j’ai découvert qu’il l’était temps plein. Juste à l’écouter, on voit bien que l’homme est épris de la personne du Christ, et de son Église. Assise à ses côtés, on jase en surface ou on plonge en eaux profondes; il ne fait pas que chanter Dieu – il Le vit. Oui, Mesdames, j’ai eu ce privilège… Et je ne me suis pas contentée de
-
Sortir du trou, être un bon screw
Version numérique du texte publié dans le numéro d’été 2017 du magazine Le Verbe d’été 2017. En prison, c’est la loi de la jungle. Regard sur l’univers hermétique des milieux carcéraux à travers les yeux de deux screws dont la foi a tout changé dans leur façon d’y travailler. Ce n’est pas tous les jours qu’un screw s’ouvre à vous. Pardon! Un «agent des services correctionnels», mieux connu sous le nom de «gardien de prison». Marilyn et François* l’ont fait. Nous avons parlé quelques heures. Nous aurions pu étaler ça sur des jours. Chacun pourrait écrire un livre à sensation, ou
