

Antoine Malenfant
Animateur de l’émission On n’est pas du monde et directeur des contenus, Antoine Malenfant est au Verbe médias depuis 2013. Diplômé en sociologie et en langues modernes, il carbure aux rencontres fortuites, aux affrontements idéologiques et aux récits bien ficelés.
-
La Toussaint avec Bloy
Tu es béni, Père,Seigneur du ciel et de la terre,tu as révélé aux tout-petitsles mystères du Royaume!– Mt 11, 25 Cher ami, Nous ne nous connaissions que depuis quelque temps lorsque tu m’as tendu un vieil exemplaire de poche de La femme pauvre de Léon Bloy. Fidèle trop catholique pour le milieu des lettres et écrivain trop libre pour les bons chrétiens des premiers bancs, Bloy avait su confisquer ton attention académique, au moins le temps qu’il te fallait pour devenir Maitre ès Pèlerin de l’absolu. Pour ma part, autant rebuté par la couverture d’un bleu défraichi illustrée par un
-
#Balance ton steak
La campagne #BalanceTonPorc connait un franc succès sur les réseaux sociaux. Évidemment, c’est dégoutant et regrettable de constater à quel point un nombre incalculable de personnes, surtout des femmes, se font harceler et agresser. Si le problème semble particulièrement présent dans le monde du showbiz – au moment d’écrire ces lignes, La Presse nous apprend que même l’étoile polaire du vedettariat québécois aurait harcelé plusieurs personnes au cours de sa carrière –, il ne s’y limite pas. Gigot et abats Alors que certaines dénoncent « les religions » d’avoir nourri la bête du patriarcat et de la domination sexuelle pendant des siècles, d’autres
-
Chérie, j’ai réduit mon ennemi
La droite méprise la gauche. La gauche déteste la droite. Les fascistes sont en colère contre ceux qui veulent déboulonner les statues de généraux confédérés et contre les antifas, lesquels alimentent parfois la violence qu’ils souhaiteraient pourtant éteindre. Spectacle d’une tristesse inouïe. D’abord, parce qu’une jeune femme a perdu la vie à cause de la colère d’un homme. Ensuite, parce qu’il me semble que, de part et d’autre, on s’affaire plus à démoniser l’adversaire qu’à identifier le véritable Adversaire. La vérité c’est que nous sommes tous des champions pour dénicher la merde dans la vie des autres, dans le camp
-
Salut pop Jésus
À la petite école, on nous a saturés de l’expression «Bonne Nouvelle» dans les cours de catéchèse (ou étaient-ce des cours de bricolage, je ne sais trop). Tellement qu’on ne peut plus entendre ces deux mots sans imaginer madame Ghislaine nous distribuant des silhouettes du Jésus/Ken Barbie à colorier, le teint rose, les sourcils bien épilés et les cheveux blonds, propres comme une pub d’Herbal Essence. Bien sûr que Jésus devait avoir la peau des avant-bras bien douce. Mais est-ce là une caractéristique distinctive du Fils de Dieu? Je connais des tas de bonnes personnes autour de moi qui ont
-
Le labour sans labeur
Le Canada serait appelé à devenir un joueur majeur dans les secteurs de la robotisation et de la malnommée « intelligence artificielle ». Drôle de destin. J’imagine que ce n’est pas exactement ce que Champlain, Jeanne-Mance et Cartier avaient en tête lorsqu’ils se sont tapé la grande traversée… Quoi qu’il en soit, la Banque du Canada annonçait ce printemps que les vingt prochaines années seraient dédiées à l’innovation technologique et à l’automatisation. La sous-gouverneure de l’institution, Carolyn Wilkins, expliquait toutefois que ces changements majeurs – maladroitement appelés « progrès » technologiques – allaient non seulement couter de nombreux emplois, mais aussi augmenter les inégalités
-
Montréal, mon culinaire
Vu de Québec, le 375e de Montréal me fait autant d’effet que l’anniversaire de 3 ans et 9 mois de ma chère fille : faut vraiment se péter les joues à gonfler des ballounes pour ça? Mais si ça vous divertit un peu, si ça change le mal de place, si ça met un baume sur votre Coderre, si ça vous donne l’impression d’être à Régisgrad le temps d’un été, je vous dis comme le pape François : « qui suis-je pour juger? ». Faites ce qui vous plait avec l’oseille du peuple, on n’est pas regardants. On serait bien malvenus de vous faire
-
Vieillir n’est pas une maladie
Rencontre avec Aubert Martin*, directeur général à Vivre dans la dignité parue dans le numéro du printemps 2017 du magazine Le Verbe. Le Verbe: Peut-on dire qu’il y a une conception péjorative de ce qu’est «être vieux» au Québec au 21e siècle? Aubert Martin: D’une manière générale, la mentalité occidentale tend à déprécier la valeur fondamentale de l’être humain que notre civilisation lui avait jusque-là octroyée. Bien que les racines de ce bouleversement soient multiples et complexes, la montée en flèche, au 20e siècle, de la société de consommation a certainement joué un rôle majeur dans le développement d’une vision utilitariste de l’être humain,
-
Régime de bananes: comment fructifient nos RÉER?
La vieillesse et la retraite sont, dans nos sociétés occidentales, deux concepts foncièrement imbriqués. Les inquiétudes des travailleurs quant à leur retraite sont ravivées de manière cyclique par les «rationalisations» dans les secteurs public et privé. L’allongement de l’espérance de vie n’est pas étranger à ces réajustements proposés ou imposés par les employeurs et par l’État. Mais au-delà de ces enjeux surgissent trop peu souvent les questions éthiques en matière d’investissement. Que sait-on vraiment du chemin parcouru par nos épargnes pour en arriver à nous assurer un âge d’or? Pis encore, se pourrait-il que notre quête effrénée d’autonomie financière creuse
-
Lettre à Catherine Dorion (pis à KPMG, tant qu’à faire)
Ceux qui cherchent à tout prix à honorer notre passé catholique, s’ils veulent le faire sincèrement, devraient lâcher les crucifix et nous rappeler ce que disait Jésus sur les riches, et nous rappeler aussi, tant qu’à faire, ce que disait Jésus sur ceux qui défendent la religion juste pour les apparences, juste pour se tailler une place dans le monde. Catherine Dorion, comédienne et blogueuse au Journal de Québec (citation tirée de Facebook, 3 mars 2017, en réponse à l’indignation à géométrie variable de certains québécois) – Catherine Dorion, comédienne et blogueuse au Journal de Québec (citation tirée de Facebook,
-
Dans les yeux de Samian
J’avais déjà entendu parler d’un jeune rappeur algonquin du nom de Samian. On m’avait dit que ce gars-là avait la foi. En fouinant un peu (bah quoi, c’est un peu ça mon job, non?), j’ai découvert qu’il avait aussi un sapristi d’œil photographique. Et peut-être même que ceci explique cela. J’ai fini par lui lâcher un coup de fil l’été dernier, question qu’il tire quelques clichés pour le dossier « Paroles autochtones » qu’on préparait au Verbe. Vous dire que je n’ai pas été déçu du résultat relève de l’euphémisme. Jugez-en par vous-mêmes. Cette rencontre avec Samian m’a permis aussi de découvrir
-
Dompter la bête
C’est un peu toujours la même histoire. Un évènement tragique secoue une ville. Les grandes chaines d’information dépêchent des équipes sur le terrain. Les médias sociaux s’enflamment. Dans les heures qui suivent, même si on ne sait toujours à peu près rien sur les motifs de la tuerie, plusieurs articles se bousculent dans notre fil de nouvelles… alors que des victimes luttent encore pour leur vie aux soins intensifs. La poussière Tous ces camions-antenne qui couvrent la nouvelle et toutes ces voitures de police déployées dans la ville soulèvent beaucoup de poussière sur Québec. Les analyses hâtives lancées dans ce brouillard
-
Bienvenue à Écono-land
« Nous ne suggérons pas que les patients et les médecins considèrent le cout lorsqu’ils prennent la décision – très personnelle et intime – de demander l’aide médicale à mourir, insiste le Dr Trachtenberg. Mais la réalité est telle que notre système de santé a des ressources limitées et que les décideurs se servent toujours d’évaluations économiques pour décider s’ils offriront un service. » C’est ainsi que se termine un article de Radio-Canada intitulé L’État pourrait faire des économies grâce à l’aide médicale à mourir. Les groupes de médecins contre l’euthanasie, certains organismes (sans affiliation religieuse) de promotion de la dignité de
-
La sismologie des souvenirs
Port-au-Prince, 12 janvier 2010 : 230 000 morts, 300 000 blessés, 211 rescapés, dont un haut fonctionnaire québécois d’origine provençale. * Quels souvenirs accompagnent le corps qui sort presque indemne des décombres ? Combien de répliques sismiques occupent l’esprit de celui qui a tutoyé la mort pendant 17 heures de captivité sous les ruines ? Retour sur les mémoires du séisme qui a secoué Haïti. Retour, surtout, sur les rappels quotidiens d’un événement qui a ébranlé toute une vie. Il s’appelle Nicolas Mazellier. * Depuis bientôt cinq ans, Nicolas Mazellier se pose la question : « Pourquoi ? » La mémoire faisant son travail, les répliques sismiques sont fréquentes et lui rappellent tous
-
Junkfood, peau brulée et bingo
Un objet étrange et beau. C’est ce qui résume mon avis sur le livre Oui, nous avons la TV française publié cette année par le photographe Jeffrey Déragon, chez Posthume. On dit livre; on pourrait dire oeuvre d’art contemporain en forme de livre. Collaborateur de la première heure du Verbe, Jeffrey est journaliste et photographe indépendant depuis sa sortie de l’UQÀM. Il signe ici un recueil de photos réalisées lors de ses visites de la communauté de Somerset by the Lake, en Floride. Véritable incursion dans une de ces nombreuses enclaves québécoises en territoire floridien, cet album charme par son
-
Kintsugi
Kintsugi : en japonais, jointure en or. Méthode de réparation des porcelaines et des céramiques brisées au moyen de laque faite de poudre d’or. En amour comme en céramique, tout passe. Tout casse. * Il y a 11 ans aujourd’hui, un 11 novembre, on frenchait pour la première fois, assis sur un trottoir de Sainte-Foy, au milieu de la nuit. Ensuite, pendant 2 ans, le stationnement chez tes parents fera office de parloir. Et la poutine du Ashton, celui juché en haut de la rue de la Suète, sera l’exutoire de nos élans passionnels maladroitement contenus. Puis, le grand jour. Puis
-
Safia Nolin n’est pas Plume Latraverse
J’écoutais Simon Jodoin au micro du 15-18 de Radio-Canada. Il faisait la comparaison flatteuse (et fortuite, semble-t-il) entre Plume et Safia. Voilà, effectivement, deux chanteurs québécois qui remettent en question l’ordre établi. À la différence près, je dirais, que Plume n’est pas surpris lorsque son irrévérence est conspuée sur la place publique. Sincèrement, je suis d’accord avec Safia sur plusieurs des idées qu’elle porte… aussi élégamment qu’un t-shirt de Gerry Boulet. Si certaines de ses opinions sont plus difficiles à endosser sans vérification préalable (sa sœur serait une « grosse conne »), d’autres, néanmoins, sont plutôt aisées à partager. Par exemple : Safia Nolin a
-
Joseph contre les robots
Un peu plus tôt cet automne, je m’asseyais avec mon fils de huit ans pour regarder avec lui ses premiers devoirs de troisième année. Ça vaut toujours la peine de prendre un peu de temps pour échanger avec les enfants sur ce qu’ils apprennent en classe… Tant bien que mal, je tente d’appliquer dans ma vie familiale ce qui me semble être aussi un principe valable pour l’enseignement: il ne peut y avoir de transmission sans amour, sans un don. Dans cet état d’esprit, j’ouvre avec lui un joli petit manuel: L’école d’hier, l’école de demain. Ça promet. Évidemment, dans
-
Le sexe est-il un jeu d’enfant ?
Vous avez peut-être vu passer un article louangeant le dernier livre de Patrick Doucet. Drapé d’ouverture d’esprit, le jupon d’un nouveau moralisme (que Guillebaud nommerait l’injonction à la jouissance) dépasse toutefois un peu. J’ai souligné quelques points spécialement surprenants. Le titre: La vie sexuelle des enfants ? Tout ce qu’on aimerait sans doute savoir, mais qu’on ne souhaite peut-être pas entendre. D’entrée de jeu, on laisse entendre que le lecteur est une sorte de Janus voyeur/pudibond. C’est flatteur. Mais un brin condescendant. Extravagances: « Quand des adultes consentants sont en cause, on apprend à accepter même des extravagances. On souhaiterait toutefois préserver les enfants
-
Le bus habitable
Je suis paumé comme jamais. Parait que ça prend maintenant trois piasses et demie pour embarquer dans un transport en commun de pauvre. Je n’en ai que deux. Nous sommes quelques heures avant que Trudeau ne me sorte de la pauvreté avec ses bonis dollars. Nous sommes hier. Dieu merci, j’ai un trésor au fond de mon portefeuille : une vieille carte à puce en carton. Tout fier, je la brandis comme une médaille devant le senseur. La lumière rouge s’allume. Plus fier pantoute. « Billets épuisés ». Quand une carte électronique est une métaphore de l’état de son détenteur… Je me retourne,
-
Le soft-eugénisme (un peu) démasqué
Radio-Canada présentait il y a quelques temps un reportage de Tamara Alteresco qui a retenu mon attention. (1) Grosso modo, on y présentait des parents qui, malgré un dépistage prénatal positif au cours duquel on avait trouvé une trisomie 21 à leur enfant, ont poursuivi la grossesse. Soft-eugénisme L’eugénisme, étymologiquement, c’est la bonne naissance. C’est, pour le dire vite, l’ensemble des méthodes ou pratiques qui interviennent pour améliorer le patrimoine génétique de l’espèce humaine, en vue d’un idéal… d’un homme nouveau. Si 90 % d’entre eux optent pour l’avortement, ceux qui choisissent de poursuivre la grossesse dénoncent le manque de soutien et les
-
La liberté par l’éducation: l’héritage du frère Untel
Si le frère Untel a marqué l’histoire du Québec, c’est qu’il a fait un pari audacieux. Insurgé contre un système élitiste, stérile et refermé sur lui-même, il a osé proposer une éducation de qualité pour tous les Canadiens français. Il y a deux ans, nous avons rencontré Louis-André Richard, professeur de philosophie et spécialiste du frère Untel, pour découvrir l’imposant legs du petit frère mariste. À quelques jours du colloque Appartenance et liberté (10 au 12 juin 2016, au Cégep de Sainte-Foy, voir aussi l’entrevue accordée à ECDQ.tv), nous avons cru bon de republier ici cet article. «La foi et
-
Je voulais te dire…
Avec l’arrivée des longs jours, des bourgeons et des gars qui se promènent en bedaine sur leur bicycle-à-pédales au centre-ville, viennent aussi les compagnies de disques qui envahissent le marché de plus ou moins bonnes sorties, en vue de la saison des festivals. De la musique printanière, il y en aura pour tous les gouts ces jours-ci. Par exemple, si le très bel opus The Hope Six Demolition Project de PJ Harvey sera sans doute la trame sonore des après-midi pluvieux de mai, la Lemonade de Beyoncé risque d’en rafraichir plus d’un lors des canicules de juillet. Mais nous, à
-
La prison à perpétuité
C’est quoi une peine à vie? Qu’est-ce que ça représente vraiment? Le Verbe a rencontré l’intervenant psychosocial en milieu carcéral et ex-détenu Daniel Benson, qui nous explique à quoi ressemble sa vie depuis qu’il a tué son beau-père, un jour de juin 1982. « Moi, les premiers mois de liberté, quand je rentrais dans mon appartement à 16h, je me sentais mal. Parce qu’à 16h, c’est l’heure du compte. Y’a personne qui me comptait! T’sais, en prison, si le lavabo coule, t’appelles le gardien, pis y’a un plombier qui va venir le réparer… » C’est par ces mots que Daniel Benson raconte
-
L’effet Matthieu
Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas on ôtera même ce qu’il a. – Mt 13, 12 Au départ, le Christ aurait utilisé la formule pour inciter ses disciples à ouvrir l’oreille. Plus on écoute la Parole de Dieu, plus on en tire bénéfice. En 1968, le sociologue Robert K. Merton faisait référence à l’évangile selon saint Matthieu pour illustrer les mécanismes selon lesquels les universités les plus prestigieuses ont tendance à accroitre leur domination. Depuis, ce qu’on appelle désormais l’« effet Matthieu » (le disciple était collecteur d’impôts, ça ne
