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Antoine Malenfant
Animateur de l’émission On n’est pas du monde et directeur des contenus, Antoine Malenfant est au Verbe médias depuis 2013. Diplômé en sociologie et en langues modernes, il carbure aux rencontres fortuites, aux affrontements idéologiques et aux récits bien ficelés.
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Alain Brochu: une spiritualité du moins que rien
Le Verbe cherchait depuis longtemps à recueillir le témoignage d’un enseignant qui vit chaque jour les hauts et les bas de la vie scolaire. En vain. Jusqu’au jour où nous avons reçu, au bureau, une lettre d’Alain Brochu accompagnée d’un Journal d’un prof désespéré. Le vent tournait. Portrait d’un homme qui porte, malgré tout, un trésor d’espérance dans un vase d’argile. «On n’aime pas l’étude.» Une semaine après avoir rencontré Alain Brochu, j’entends encore cette phrase résonner. Pendant l’entrevue, le prof de sciences de la polyvalente de Louiseville, en Mauricie, insistait: «On n’aime pas l’étude.» Il m’a d’ailleurs donné rendez-vous
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L’Halloween m’emmerde (et je lui rends bien)
J’ouvre ma radio de char. Une animatrice populaire demande aux chroniqueurs s’ils ont eu un party d’Halloween en fin de semaine passée… ou si ça ira plutôt au prochain weekend. Sapristi. La question n’était pas « avez-vous un party d’Halloween avec vos collègues, ou avec vos familles? », mais plutôt « quand fêterez-vous l’Halloween? ». Je pourrais vous déballer pendant plusieurs phrases à quel point l’Halloween c’est le comble de la célébration du mauvais gout, une compétition de décos en plastique cheap, une dépense folle en temps/argent/énergie pour aller ramasser des cochonneries qu’on a pourtant déjà chez soi et qu’on offrira au petit Mathias-le-Pokémon
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Attaque à l’Oratoire: le temps des fruits
L’attaque au couteau de ce matin à l’Oratoire Saint-Joseph est affligeante. Je suis soulagé d’apprendre que le père Grou est hors de danger et je prie pour son prompt rétablissement. Sans aucun doute, cet évènement fera couler beaucoup d’encre dans les prochains jours. On essaiera, collectivement et individuellement, de réfléchir aux motifs de l’agresseur, de décortiquer la séquence de ses actions. Toutes ces démarches sont parfaitement légitimes. Je crains toutefois que l’on passe à côté de la réelle portée d’un tel évènement si on réduit notre analyse aux éléments idéologiques, sociologiques ou même psychiatriques de l’affaire. La descente La première
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Vile mairie
Quand les murs de nos mairies seront tous beiges, purs et propres, lisses et fades, vides d’histoire, d’art, de sang et de larmes, mais pleins de présomption de neutralité. Quand les places de nos villes seront des centres d’achat, des boutiques, des foires et des cirques parce que nous aurons enfin déboulonné les dernières statues des oppresseurs, bouffeurs de « territoires non cédés » et autres conquérants en délire mystique. Quand, pour accueillir le malheureux, le dépouillé des droits élémentaires et alimentaires, la veuve, l’orphelin et l’étranger, quand pour l’inviter à prendre un repas à la maison et à se reposer autour
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L’article de la mort
Au moment d’écrire ces lignes, je suis à l’article de la mort. Mauvais jeu de mots, convenons-en tout de suite, pour vous étaler ma vie privée, ou plutôt celle de mes plus intimes recoins, bref j’ai la gastro. Piètre et juteuse entrée en matière. Sujet amené. Chaque fois que je suis un tantinet malade, chaque fois que je souffre dans mon corps (nez qui coule, gorge qui tousse, ongle incarné qui pousse), c’est plus fort que moi, je pense à ceux qui sont vraiment malades. Ça me donne comme une impression de communion avec ceux qui souffrent en silence, loin
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La distinction et les rebellocrates
J’écris dans un centre d’achats. Je me la joue poète dans un espace aussi dénué de poésie qu’un centre commercial. Je suis un être plein de contradictions. Devant moi, défile un étudiant chaussé des Doc Martens d’un punk-à-chien tout en arborant un manteau Canada Goose qu’il aurait pu avoir volé à un bourgeois de la upper middle-class. Mais c’était le sien. Tout comme les bottes. C’est à ce moment que je comprends qu’en termes de contradiction, je suis un amateur. De la même manière que je suis attablé devant une pile de bouquins savants avec un gros casque d’écoute de
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La crèche, ça chlingue
Le tapage publicitaire, le bruit partout des cantiques sirupeux, et le chapelet de partys en décembre sont-ils une préparation pour une fête ou plutôt un maquillage pour masquer notre désespérance ? Petite méditation en odorama sur le mystère de l’Incarnation. Tout comme la Parole, l’Espérance nait dans le silence. En marge de tout ce tourbillon. Et Noël, c’est le Verbe divin qui prend chair dans le silence de la nuit. Pas à midi, au zénith ; pas à l’heure où les boites de comm envoient généralement leurs communiqués de presse. Pas à l’heure du bulletin de nouvelles non plus. Ce point central
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Économie du salut
Avant de commencer, laissez-moi prendre des nouvelles de vos proches poches. Comment va votre vieux pépère RÉER? Vos petits enfants placements se portent bien? Votre tendre épouse épargne est toujours aussi ravissante? Aujourd’hui, on jase d’un livre qui jase de fric. De montagnes de fric. Je vous parle d’un petit fascicule publié chez Salvator qui reprend un texte intitulé Questions économiques et financières, sorti début 2018 des presses vaticanes. Déjà, je vous vois venir avec une première question économique : « combien ça coute? ». Pas cher, pas cher. Comptez sur moi et comptez vos cennes noires, c’est un bon investissement. Quelques piécettes, à peine plus
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Chips, liqueur, Jésus
De quoi avions-nous envie quand nous étions adolescents? Essentiellement, nous pourrions résumer cela à trois trucs tout simples: être entre ados, être traités comme des adultes, ne pas se faire bourrer par les grands sur les choses importantes de la vie. C’est, en gros, ce que propose le parcours de la postconfirmation ayant débuté au printemps 2018 dans la paroisse de Notre-Dame de Beauport, à Québec. Zoom sur une expérience pastorale qui, à peine entamée, récolte déjà ses premiers fruits. En théorie, le sacrement de la confirmation constitue le point de départ de la vie missionnaire des disciples du Christ, désormais
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L’ordre et les regrets
Le nouveau président brésilien Jair Bolsonaro, élu dimanche dernier, affiche ouvertement sa foi chrétienne. Trump du Sud? Montée de la droite ou échec de la gauche? Une analyse d’Antoine Malenfant, observateur passionné du pays de la samba. Ordem e progresso. La devise du Brésil a été maintes fois moquée. « L’ordre et le progrès » se sont transformés en « Désordre et régression » ou « L’ordre jamais, le progrès plus tard », etc. Sans l’ombre d’un doute, les quatre prochaines années seront marquées par la remise en « ordre » de la maison. Du moins, il s’agit d’une ferme promesse de Jair Bolsonaro, nouveau président élu du plus populeux
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La saison de la morve
Je ne prends jamais de congé de maladie. Mais ce matin, étant trop dédié à la gestion de mes mucus nasaux, j’ai dû me résoudre à rester à la maison pour me reposer un peu. Séquelle de lendemain-de-lendemain-de-veille-d’élections ou héritage microbien de mes petits morveux domestiques? Mystère. Constatant l’impossibilité de me reposer à la maison (il y en a quand même trois qui ne sont pas encore à l’école…), j’ai finalement décidé d’aller me reposer au bureau. Bref, comme d’hab. Et puisque j’ai une talle de tâches qui m’attend et que mon cerveau enrhumé me chuchote de ne rien entreprendre d’utile,
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Heureux ceux qui pleurent
La petite Émilie voit le jour à Montréal en 1800. L’enfant perd sa mère à l’âge de quatre ans. Puis, dix ans plus tard, son père décède aussi. À 23 ans, elle épouse Jean-Baptiste. Les deux premiers fils du couple ne vivent qu’une saison avant de mourir. Le troisième enfant nait en octobre 1826. Un an plus tard, l’époux d’Émilie rend son dernier souffle. L’automne suivant, son dernier fils, âgé de 21 mois, décède à son tour. Job Si le livre biblique de Job est un récit qui n’a rien d’historique, l’histoire d’Émilie Tavernier-Gamelin, elle, est bel et bien arrivée. Mais elle
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Le cœur sur la main
«Si vous restez à l’intérieur des corridors marqués par les lignes jaunes, vous êtes en sécurité!» Je partage un regard inquiet avec la photographe, accoutrée comme moi du kit de l’ouvrier (casque, lunettes, dossard et bottes à caps d’acier). François Doré, machiniste, nous reçoit – tout sourire – à l’atelier d’usinage qui l’emploie, en plein quartier industriel à Québec. Son quart de travail tire à sa fin. Ça ne l’empêche pas de prendre tout le temps nécessaire pour bien nous expliquer à quoi sert chacun de ces immenses engins qui meublent son travail quotidien. [Cet article a été publié initialement dans
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«Cet assassin est votre fleur»
Je m’apprêtais à répondre à un ami qui s’indignait de cette nouvelle formulation du Catéchisme de l’Église catholique disant que la peine de mort, dans le contexte actuel de notre monde, n’est plus admissible. J’aurais baragouiné mollement quelque chose comme: « le Christ n’a-t-il pas payé de son sang la condamnation que nous méritions tous? » Puis, la Providence, dans sa magnanimité sans bornes, laissa tomber entre mes mains ce morceau de littérature comme il s’en fait trop peu de nos jours. Le vieux bourru de Léon Bloy (qu’on ne peut certainement pas accuser d’être adepte des Bisounours) semonce ici, en des
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Les saints ne sont pas des anges
Je donne toujours ce conseil aux nouveaux époux: Disputez-vous autant que vous le voulez. Si les assiettes volent, laissez-les. Mais ne laissez jamais la journée finir sans faire la paix! – Pape François Il y a de ces moments où on dirait que rien ne fonctionne. Hier soir, on rêvait de coucher les enfants à une heure décente, on fantasmait à l’idée d’un peu de quiétude autour de la table du souper et, d’une manière plus fantaisiste encore, on espérait que la recherche d’une paire de bobettes propres pour A. (6 ans) qui sort du bain ne se transforme pas en fouille
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Sommes-nous encore capables d’attendre?
Le carême 2018 a quelque chose d’anachronique. Alors que se déroulait ces jours-ci à Austin (Texas) le fameux pèlerinage de technophiles SXSW, l’Église catholique, jamais vraiment de son temps, propose une lente et pénible montée vers le calvaire. D’un côté, les jeunes élites mondiales de l’intelligence artificielle, du capital de risque et du bitcoin se shootaient au high-speed, la tête dans le cloud. De l’autre, une institution aux allures archaïques se prépare à faire mémorial d’un évènement qui commence à dater: un homme exécuté non pas avec un sabre laser, mais cloué sur un bout de bois; vraisemblablement revenu du
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Une poutine avec Lili Boisvert
Lorsque Lili Boisvert est passée à Québec pour mousser les ventes de son Principe du cumshot, j’ai pensé – fouillez-moi pourquoi ! – que ça serait marrant de rencontrer la fille de Sexplora pour jaser de sexe avec elle. Je n’avais pas (complètement) tort. Lili Boisvert est partout. Très active sur les médias sociaux, on la voit aussi dans Les brutes avec son amie Judith Lussier et à Explora. Mais ce n’est pas tout. Croyez-le ou non, cette jeune animatrice et chroniqueuse a aussi écrit un essai « frondeur, curieux » et « documenté » dans lequel « elle esquisse rien de moins que les contours de ce
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Les choses que l’on peut dire
Un prof de cégep peut-il exprimer, hors de sa classe, ses réserves et ses questionnements sur l’homosexualité? C’est là l’une des nombreuses questions que soulève la récente suspension de Jean Laberge, enseignant au Vieux-Montréal. Le 17 janvier dernier, le philosophe Jean Laberge publiait le billet « Suis-je homophobe? » sur sa page Facebook. Quelques jours plus tard, à la suite de plaintes de collègues et d’étudiants, il rencontre la direction de l’établissement et écope d’une suspension (avec solde) en attendant les sanctions officielles. Si le nom de Jean Laberge vous dit quelque chose, vous savez probablement déjà que le prof de philo du cégep
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Toute est dans toute
« Ainsi, dit Dieu, parce que tu es tiède, et que tu n’es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche ». (Ap 3, 16) Fuck toute, c’est la proposition d’éteindre la lumière, d’entrer en soi… et de recevoir un coup de poing su’a yeule. Après une série de représentations à guichets fermés, en 2016, Catherine Dorion, Mathieu Campagna et comparses chauffent de nouveau les planches de Premier acte. Rompant avec la tiédeur ambiante – pas tant celle de la mi-saison que celle de nos compromis, de nos médiocrités collectives –, ils écorchent, ils arrachent, ils scratchent l’épaisse couche de
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La Toussaint avec Bloy
Tu es béni, Père,Seigneur du ciel et de la terre,tu as révélé aux tout-petitsles mystères du Royaume!– Mt 11, 25 Cher ami, Nous ne nous connaissions que depuis quelque temps lorsque tu m’as tendu un vieil exemplaire de poche de La femme pauvre de Léon Bloy. Fidèle trop catholique pour le milieu des lettres et écrivain trop libre pour les bons chrétiens des premiers bancs, Bloy avait su confisquer ton attention académique, au moins le temps qu’il te fallait pour devenir Maitre ès Pèlerin de l’absolu. Pour ma part, autant rebuté par la couverture d’un bleu défraichi illustrée par un
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#Balance ton steak
La campagne #BalanceTonPorc connait un franc succès sur les réseaux sociaux. Évidemment, c’est dégoutant et regrettable de constater à quel point un nombre incalculable de personnes, surtout des femmes, se font harceler et agresser. Si le problème semble particulièrement présent dans le monde du showbiz – au moment d’écrire ces lignes, La Presse nous apprend que même l’étoile polaire du vedettariat québécois aurait harcelé plusieurs personnes au cours de sa carrière –, il ne s’y limite pas. Gigot et abats Alors que certaines dénoncent « les religions » d’avoir nourri la bête du patriarcat et de la domination sexuelle pendant des siècles, d’autres
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Chérie, j’ai réduit mon ennemi
La droite méprise la gauche. La gauche déteste la droite. Les fascistes sont en colère contre ceux qui veulent déboulonner les statues de généraux confédérés et contre les antifas, lesquels alimentent parfois la violence qu’ils souhaiteraient pourtant éteindre. Spectacle d’une tristesse inouïe. D’abord, parce qu’une jeune femme a perdu la vie à cause de la colère d’un homme. Ensuite, parce qu’il me semble que, de part et d’autre, on s’affaire plus à démoniser l’adversaire qu’à identifier le véritable Adversaire. La vérité c’est que nous sommes tous des champions pour dénicher la merde dans la vie des autres, dans le camp
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Salut pop Jésus
À la petite école, on nous a saturés de l’expression «Bonne Nouvelle» dans les cours de catéchèse (ou étaient-ce des cours de bricolage, je ne sais trop). Tellement qu’on ne peut plus entendre ces deux mots sans imaginer madame Ghislaine nous distribuant des silhouettes du Jésus/Ken Barbie à colorier, le teint rose, les sourcils bien épilés et les cheveux blonds, propres comme une pub d’Herbal Essence. Bien sûr que Jésus devait avoir la peau des avant-bras bien douce. Mais est-ce là une caractéristique distinctive du Fils de Dieu? Je connais des tas de bonnes personnes autour de moi qui ont
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Le labour sans labeur
Le Canada serait appelé à devenir un joueur majeur dans les secteurs de la robotisation et de la malnommée « intelligence artificielle ». Drôle de destin. J’imagine que ce n’est pas exactement ce que Champlain, Jeanne-Mance et Cartier avaient en tête lorsqu’ils se sont tapé la grande traversée… Quoi qu’il en soit, la Banque du Canada annonçait ce printemps que les vingt prochaines années seraient dédiées à l’innovation technologique et à l’automatisation. La sous-gouverneure de l’institution, Carolyn Wilkins, expliquait toutefois que ces changements majeurs – maladroitement appelés « progrès » technologiques – allaient non seulement couter de nombreux emplois, mais aussi augmenter les inégalités