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Alex La Salle
Alex La Salle a étudié en philosophie, en théologie et détient une maîtrise en études françaises. Il travaille en pastorale.
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La foi n’est pas un doute affadi
Lors d’une émission de radio intitulée Être catholique aujourd’hui, Alain Finkielkraut, philosophe juif et incroyant, retraité de l’enseignement, auteur de nombreux essais sur la culture et l’esprit du temps, interrogeait, avec toute la courtoisie possible, deux figures du catholicisme français: Denis Moreau, venu présenter son livre Comment peut-on être catholique? (Seuil, 2018) et Rémi Brague, auteur de l’essai Sur la religion (Flammarion, 2018). Si je n’avais guère lu une ligne du premier invité au moment d’écouter cette livraison de l’émission Répliques (je n’ai toujours rien lu à ce jour, mais c’est davantage faute de temps que d’intérêt et je ne désespère pas de remédier prochainement à
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Dans les pas de Domitien
La Providence a fait en sorte que mon article Big Caesar is watching you : l’Apocalypse, archétype dystopique? paraisse dans la revue Le Verbe (hiver 2018) au moment où les médias canadiens portaient à l’attention du pays les minables manigances ourdies par le gouvernement fédéral pour forcer les organismes communautaires qui n’ont pas l’heur de lui plaire à faire (par le biais d’un formulaire) une profession de foi progressiste (donc régressiste), sans quoi ce serait l’asphyxie financière. Or, mon modeste exposé sur quelques aspects du livre de l’Apocalypse de Jean voulait surtout rappeler comment les chrétiens de la fin du Ier siècle
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Ni Marx ni Marduk
« Car la loi du monde est le refus. » – Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne (1936) À la fin de L’envers de la révolte, j’ai promis d’expliquer, dans un prochain article, pourquoi « Les mythologies du progrès, même les plus flambant neuves [pensons au progressisme contemporain], ont […] des affinités secrètes avec la cosmologie païenne du Moyen-Orient ancien comme avec celle élaborée par le fumeux courant gnostique, au début de notre ère ». Pareille assertion n’a rien d’évident, j’en suis bien conscient. Et on peut se demander si l’effort intellectuel qui consiste à rapprocher des réalités culturelles aussi différentes,
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L’envers de la révolte
Nul ne l’ignore: rien ne tourne bien rond en ce bas monde. Nul n’ignore, par exemple, que trop souvent « la justice entre les mains des puissants n’est qu’un instrument de gouvernement comme les autres », ainsi que le fait dire Georges Bernanos (1888-1948) à l’un de ses personnages (1), dans le Journal d’un curé de campagne. D’ailleurs, s’interroge la même créature imaginaire, « pourquoi l’appelle-t-on justice? Disons plutôt l’injustice, mais calculée, efficace, basée entièrement sur l’expérience effroyable de la résistance du faible, de sa capacité de souffrance, d’humiliation et de malheur. L’injustice maintenue à l’exact degré de tension qu’il faut pour
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Chinoiseries
Alors que le premier ministre Philippe Couillard est en voyage en Chine à la tête d’une délégation québécoise surtout composée d’acteurs du monde des affaires, il est bon de se rappeler qu’on peut penser notre rapport avec ce pays quadrimillénaire en des termes qui ne sont pas qu’économiques, mais aussi philosophiques, religieux, éthiques et politiques. Modestement, c’est ce que ce collage de chroniques, précédé d’une notice inédite, invite à faire. * Depuis longtemps je m’intéresse à la Chine. À la fin des années 1990, alors que j’étais au bac, j’ai même pensé me spécialiser en philosophie chinoise. La très noble
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La politique de Peter Pan
Philippe Muray, mort en 2006, avait déjà décrit cette « nouvelle humanité » puérile, empourprée et postillionnante, qui ne veut pas qu’on lui fasse bobo (1). Aujourd’hui, elle régente l’opinion et règne presque sans partage sur nos campus universitaires, nos plateaux de télévision, nos collines parlementaires, soit en y occupant des positions qui lui assurent le contrôle effectif du milieu et sa sanctuarisation, soit en y faisant triompher, à distance, grâce à la pression du conformisme, à la menace de l’ostracisme, à la veulerie du grégarisme, certains interdits d’ordre intellectuel et discursif, dont la transgression entraîne la disqualification morale des contrevenants.
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L’Apocalypse, archétype dystopique?
Ainsi, il faut comprendre l’époque où est écrite l’Apocalypse, et savoir qu’alors Domitien était César. – Victorin de Poetovio, Sur l’Apocalypse (texte datant de 258-260). Peu de gens savent que le dernier livre de la Bible est un chef-d’œuvre de la littérature antitotalitaire. C’est en poussant plus avant l’étude de l’Apocalypse que le lecteur comprend qu’il est devant une œuvre de l’Antiquité ayant des accointances avec la littérature dystopique, dont le plus remarquable exemple est peut-être 1984. Dans ce roman antistalinien de George Orwell, Big Brother assure le triomphe de l’ordre totalitaire par le maintient d’un État policier. Dans l’Apocalypse,
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Cachez cette matraque que je ne saurais voir
« La question d’importance est un lieu commun à tous les genres de discours ; car tout le monde emploie des arguments qui tendent soit à diminuer, soit à grandir l’importance d’un fait. » – Aristote, Rhétorique, Livre II, Chapitre XVIII, paragraphe IV. On connaît l’impact des images et des représentations sur les opinions publiques. La capacité réelle d’un mouvement social ou politique à sortir vainqueur d’un confrontation dépend souvent de l’importance qu’il prendra symboliquement, dans l’esprit, la mémoire ou la conscience des hommes. C’est pour cette raison que les pouvoirs qui cherchent au contraire, par la propagande et la force, à
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Le tempo de la terreur
11 septembre 2017. Voilà seize ans aujourd’hui que nous marchons tous au rythme de l’Histoire, en suivant le tempo de la terreur. C’est l’occasion de nous arrêter un instant pour faire le point sur le problème du terrorisme islamiste, en nous aidant de l’expertise et des thèses de Gérard Chaliand, exposées succinctement dans les soixante-quatre pages de Terrorisme et politique (CNRS Éditions, 2017), un utile opuscule dont les lignes qui suivent offrent une manière de résumé (1). Dans ce livre paru en janvier, Gérard Chaliand entend définir plus clairement le phénomène guerrier que nous avons pris l’habitude d’appeler « terrorisme »,
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Blocs-notes: La foi et la loi et L’énigme du kérygme
Ces textes, tirés de la rubrique «Bloc-notes», ont d’abord été publiés dans les numéros de printemps et d’été 2017 de la revue Le Verbe. LA FOI ET LA LOI Sans foi… Chez nous, catholiques, la prière est parfois une éclosion de fatalisme, une exhalaison montant du cadavre éventré de nos rêves, une sorte de radotage de matante absolument désespéré, vain et infructueux, une péroraison pathétique proférée juste pour la forme, une pénultième prostration dans l’impuissance en attendant la mort d’un parent cancéreux, d’une grappe de clandestins à la dérive ou de Kiki la perruche, dont le destin est scellé. En lieu
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Les nouveaux épigones de la gauche qui fauche
« Être la grande victime de l’Histoire ça ne veut pas dire qu’on est un ange. » – Louis-Ferdinand Céline (Mea culpa). Constatant dans un précédent article que nous évoluons aujourd’hui dans « un contexte de régression intellectuelle gravissime, caractérisé par la résurgence du sectarisme d’extrême-gauche », j’invitais nos lecteurs à méditer l’exemple de Simon Leys, cet universitaire spécialiste de l’art chinois qui, durant les années 1970-80, fut aux prises avec les harpies du maoïsme occidental. L’exemple du regretté sinologue est d’autant plus utile à connaitre en effet qu’éclot sous nos yeux, et piaille comme une portée de petites pintades éperdues, une nouvelle
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Le retour du Crucifié
Je dois dire que le retour du crucifix à l’hôpital du Saint-Sacrement ne suscite en moi aucun émoi particulier. Comme n’est guère parvenu à modifier mon humeur son retrait, quand j’en ai appris la nouvelle il y a une semaine. J’ai trouvé idiot qu’on l’enlève, je ne me plaindrai donc pas qu’on le remette. Mais dans l’état actuel des choses, alors que s’approfondissent chez nous la déliquescence sociale, la déroute intellectuelle et l’aliénation spirituelle, qu’il soit ou non suspendu au mur de l’hôpital ne me fait ni chaud ni froid. La seule chose peut-être qui, à l’extrême rigueur, me trouble
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Comme un moinillon méditatif
Mathieu Bock-Côté, sociologue (Ph. D.), auteur (dernier titre paru: Le multiculturalisme comme religion politique, Cerf, 2016), chroniqueur au Journal de Montréal et collaborateur à de nombreux périodiques français et québécois (dont Le Verbe), a eu l’excellente idée d’interroger quelques bipèdes férus de lecture (j’en suis un, sans l’ombre d’un doute) pour leur demander de témoigner de leur amour viscéral des livres. Mes réponses ont été publiées sur son blogue le 3 juin dernier. On peut les lire en suivant ce lien.
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La grande peur des bienpensants
Hier, 15 mars 2016, il y avait cinq ans tout juste que les troubles à l’ordre public débutaient en Syrie. Nul ne pouvait imaginer alors qu’ils étaient gros de tout un cortège de massacres, de viols, de décollations, d’ambitions génocidaires, de folies califales, de saccages du patrimoine et autres aberrations terroristes dont nous avons perdu le compte depuis, tellement ça pleut. Ces atrocités en cascade ont mis à mal les maigres réserves de compassion de certains, tandis que, chez d’autres, elles ont éveillé des réflexes de solidarité longtemps endormis et comme ankylosés par trop d’insouciance heureuse ou de prospérité nord-américaine.
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Notre repère qui est aux cieux
Le 20 février 1930, l’abbé Mugnier, « aumônier général [des] Lettres » selon le mot de Maurras, notait dans son journal l’opinion de l’écrivain Ramon Fernandez à propos de la vague de conversions au catholicisme que connaissait depuis deux ou trois décennies le milieu intellectuel et littéraire français : « Les catholiques lettrés pourront s’accroitre mais Ramon ne croit pas à l’avenir de la religion catholique car la conscience moderne, dit-il, n’est pas d’accord avec elle (dogme, discipline, morale). » L’ignominie du dogme Personne ne devrait se risquer à des déclarations aussi péremptoires et hasardeuses sur l’avenir du catholicisme ; mais personne ne peut
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La prison de l’oubli
[En lien avec le dossier Histoire du numéro de février-mars 2016 du Verbe, voici la reprise d’un article paru l’an passé. Comme quoi, il est toujours bon de se rappeler qu’il ne faut pas oublier…] Ayant perdu la mémoire des temps anciens et le sens de la vénération des livres, vivant à la surface de nous-mêmes, dans un état d’aliénation permanent, nous sommes devenus accros à l’effervescence médiatique et cherchons sans modération à participer à la jactance en alimentant nous-mêmes le caquetage infini qui fait continuellement crépiter la toile. Spectateurs de l’actuelle dislocation du monde occidental, nous sommes devenus, comme
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Comme toi-même
Quand un émigré viendra s’installer chez toi, dans votre pays, vous ne l’exploiterez pas ; cet émigré installé chez vous, vous le traiterez comme un indigène, comme l’un de vous ; tu l’aimeras comme toi-même… Lv 19, 20 L’épidémie d’agressions sexuelles en Allemagne a occulté une nouvelle moins stupéfiante, mais d’une portée peut-être plus grande encore, diffusée sur le site du Point, le 11 janvier dernier. À cette date, l’hebdomadaire nous apprenait qu’en Allemagne, « Lors de la première semaine de janvier, 22 000 demandeurs d’asile ont été enregistrés par les autorités [et que] les communes ne savent plus où les
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Spaghetti, sauce à la vilénie
Plus tôt cette semaine, la presse nous apprenait, document officiel à l’appui, que la parodique « Église du Monstre en Spaghettis Volants » (ÉMSV), qui voue un simulacre de culte monothéiste à une grotesque divinité imaginaire, avait obtenu des autorités néozélandaises le droit de célébrer des mariages en toute légalité, repoussant ainsi les limites de la singerie irrévérencieuse qu’elle se plait à être. Au bénéfice de ceux que la Providence ineffable de Dieu aurait préservés jusqu’à ce jour de toute couverture médiatique du phénomène, il faut préciser que l’ÉMSV est une fantaisie sortie du cerveau facétieux d’un américain formé en physique, un
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Vatican II – histoire d’un concile
À l’occasion du 50e anniversaire de la clôture du concile Vatican II (1962-1965), Le Verbe vous présente un résumé des premiers chapitres de l’ouvrage de Philippe Chenaux intitulé Le temps de Vatican II. Introduction à l’histoire du Concile*, où sont rappelés les étapes préparatoires et le déroulement session par session de ce que Charles de Gaulle considérait comme « l’évènement le plus important du XXe siècle. » L’ouvrage débute par une description du climat ecclésial qui prévalait à Rome et dans la catholicité en général avant l’élection de Jean XXIII. L’Église était alors soumise à deux influences ou dynamiques spirituelles majeures, soit
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Les grands vents de novembre
Souviens-toi de ma misère et de mon angoisse : c’est absinthe et fiel! Elle s’en souvient, elle s’en souvient, mon âme, et elle s’effondre en moi (Lm 3, 19-20). Le 8 novembre dernier, un article de La Presse + consacré au « discours inspirant » que le cinéaste Bernard Émond a prononcé au Forum sur le patrimoine religieux nous rappelait cette statistique : tous les dix jours, depuis 12 ans, une église disparait du paysage québécois. Notre peuple a donc bazardé ou démoli 432 églises depuis 2003. Si, en tant que chrétien, vous avez comme priorité de maintenir debout l’optimisme, quitte à ce qu’il
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La lutte avec l’ange: réflexions sur l’Occident (2 de 2)
Pour lire la première partie, cliquez ici. Depuis des lustres, l’Occident libéral-libertaire mène sa lutte contre l’ange de Dieu, à l’instar du patriarche Jacob. Et comme il n’a pas encore vécu l’échec cuisant (la blessure à la hanche) qui le guérira de sa démesure (ce que Bertrand Vergely appelle si justement « la tentation de l’homme-Dieu »*), il continue de se poser en juge imperturbable et inflexible de ce que fait et dit l’Église. À l’hostilité des critiques, que les gargouilles médiatiques dégorgent sans cesse, se mêle souvent l’espoir de voir l’Église changer. Au gré des déclarations perçues comme plus ou moins
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La lutte avec l’ange: réflexions sur l’Occident (1 de 2)
Avec son message de miséricorde et de fraternité vécues, le pape François est parvenu à modifier l’attitude des grands médias occidentaux à l’égard de l’Église catholique. On peut se demander toutefois si la guerre froide médiatique entre l’Église et l’Occident libéral-libertaire ne reprendra pas bientôt. La contribution du pape François à l’assainissement des relations entre ces deux pôles de pouvoir idéologique (pour parler un langage de sciences humaines) est inestimable. Elle ouvre des chemins de dialogue nouveaux et pleins de promesses. Cependant, la détente qui prévaut grâce au pape argentin depuis 2013 pourrait connaitre une fin abrupte après la clôture du
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La famille au défi du progressisme
À la veille de la Rencontre mondiale des familles qui se tiendra à Philadelphie en présence du pape, quelques réflexions sur l’idéologie dominante de notre temps : le progressisme, qui entraine un bouleversement des idées et des mœurs relatives à la vie familiale. Dans ce texte : révolution sexuelle des années soixante, militantisme LGBT et « réingénierie » de la famille par l’État. À une époque de domination presque sans partage de la vulgate progressiste dans les médias, le retour au fondement philosophique de la pensée semble être la seule réaction saine de l’intelligence et de l’instinct devant les dérives déconstructivistes et utopistes des
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Les fondements de l’islam
Dans le contexte social actuel, les polémiques autour de l’islam sont légion. Elles touchent le djihad, le halal, la charia, le voile, la construction de mosquées… D’un débat l’autre (comme dirait Louis-Ferdinand Céline) chacun se fait sa petite idée. Mais au-delà des divers débats sur l’un ou l’autre aspect de cette religion, d’aucuns se questionnent sur son essence, qui n’apparait pas clairement, puisque, dans un contexte de fort clivage idéologique, des discours contradictoires s’affrontent et créent la confusion. Beaucoup en effet perçoivent l’islam comme une menace à notre civilisation, tandis que d’autres le voient comme un enrichissement à la trame
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