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Le Bon Dieu dans la rue
On est sorti pour peut-être se donner l’impression qu’on allait à la messe du dimanche des Rameaux. On a marché le long du fleuve comme on le fait tous les jours depuis le début de ce confinement. En regardant Montréal au loin. Et ici, les bernaches. On traverse la rue pour s’arrêter devant notre église fermée. On contemple le Christ qui est là, présent. Mon mari rompt le silence : « Tiens, v’là ton ami ! » André ? Depuis le confinement, je ne l’avais pas revu, ni lui ni son compagnon de tous les jours. On s’approche. « Tu es seul ? Où est Richard ? –
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Mes légumes
J’ai passé ma journée dans mes légumes. Ce matin, puisque je devais sortir pour le travail, je me suis dit que j’allais en profiter pour passer à l’épicerie en revenant, question d’acheter des fruits et des légumes. En arrivant, je vois qu’on attend en file indienne à deux mètres les uns des autres sous une petite pluie fine et froide. « Ah ! Non ! Pas encore ! » Cette fois, je n’avais ni gants, ni chapeau, ni foulard, ni même de parapluie. Fouille dans l’auto partout. Pas de parapluie ! Je grogne. Dans le hall, il y a des pastilles rouges collées au sol. On
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Hier, on est sortis
Hier soir, on est sortis en douce, presque en cachette. On a fait des hotdogs aux enfants en les installant devant un film, en bas dans la salle familiale. Ils jubilaient ! Manger devant la télé ? Ça n’arrive jamais ! On a même sorti deux bouteilles de Coke pour l’occasion. La totale, quoi. Nous deux, on est remontés en leur disant qu’on sortait. Ils n’avaient même pas l’air surpris. Ils avaient plutôt l’air de dire « Ouais, ouais… bon débarras ! » Doucement, on a refermé la porte de l’escalier. On a ouvert la radio. Notre émission du samedi commençait. Des petits airs des années quarante qu’on aime
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L’Italie, Marta et sa grand-mère
Marta Gelpi, Italienne d’origine, habite en Suisse, à trois kilomètres de la frontière italienne. Elle a accepté de me partager les moments douloureux qu’elle et ses proches affrontent en ces temps où son pays a atteint le record mondial de morts des suites du coronavirus. La foi est pour elle, et sa grand-mère vivant à Milan, une lumière obscure qui, l’espère-t-elle, illuminera les vies consumées par le virus et la solitude de la dernière heure. Pour Marta et le peuple italien, le drame secouant la Chine leur semblait bien lointain il y a quelques semaines. Pour le reste du monde, celui de
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Le désert
J’ai pris mon courage à deux mains. Une fois arrivée, j’étais soulagée de voir un stationnement à moitié vide. Enfin ! La folie du Costco est finie ! J’ai mis de l’essence pour pas cher, je me suis stationnée presque heureuse et je me suis dirigée vers l’entrée. Quoi ? Une barricade ? Une file interminable ? Chacun à deux mètres de distance. Chacun, le cou rentré dans son manteau. Devant la barricade de palettes de bois, des employés aux airs de bouncer. Le long de la file, d’autres, dossard orange sur le dos, transmettent leurs directives. Au nom de ma famille, j’y vais ! Je marche
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La mission à Chypre au temps du COVID-19
Ce texte est une version augmentée d’une lettre que j’ai récemment envoyée à mes parents et mes amis alors que je vis un temps de mission à Chypre. Chers parents et amis, J’écrivais, il y a deux semaines, que le COVID-19 n’avait pas encore migré en direction de l’ile de Chypre. Et bien, je finissais à peine d’envoyer le message qu’on recensait les premiers cas d’infection. Aujourd’hui, ce n’est un mystère pour personne : cette épidémie a atteint des dimensions planétaires. Une rencontre aux allures banales Alors, mercredi matin, le 11 mars, j’allais tout bonnement à l’église pour prier les laudes avant
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Un moment pour tout
Ça y est. Je suis une confinée. Je ne peux plus aller à mon cours de Stretch-Tonus. Ni à la piscine d’ailleurs. Je n’ose plus faire la ronde de mes épiceries zéro-déchet et encore moins de risquer ma vie au Costco pour trouver mon café préféré, ma baguette préférée ou nos baguels préférés… C’est fini. Finies mes sécurités de maman pourvoyeuse de bouffe pour sa petite et grande marmaille. Le défi cette semaine ? Ce n’était pas d’arriver à faire des plats dignes du resto avec les spéciaux des circulaires. Ce n’était pas non plus de répéter pour la centième fois
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Des familles missionnaires en Chine témoignent
Le 23 janvier dernier, la ville de Wuhan, en Chine, s’est vue mise en quarantaine après avoir été le premier foyer majeur du coronavirus. Il y a quelques années, le pape François a envoyé des familles missionnaires du Chemin néocatéchuménal non loin de cette zone. À l’orée de cette pandémie, elles ont dû prendre une décision : partir ou rester. Certaines ont choisi de quitter et d’autres ont préféré partager le sort de leurs frères chinois. Début février, ces familles missionnaires en quarantaine ont échangé des lettres avec d’autres personnes appartenant à leur itinéraire de formation. Le Verbe a obtenu l’autorisation de les
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L’improbable sacristain de l’Oratoire
Un texte de André LaRose Léon D’Anjou nous a quittés le 20 février 2020. Sacristain à l’Oratoire Saint‑Joseph du Mont‑Royal, fervent priant et pasteur d’âmes œuvrant dans les lieux délaissés de la cité, il laisse dans son sillage la marque de l’incommensurable bonté de Dieu. Elle était cachée en cet infatigable travailleur, un peu comme chez le saint frère André. Sa candeur, sa chaleur humaine, sa joie communicative et sa connaissance intime de la vie intérieure lui ont fait côtoyer la jeunesse en quête d’un sens et d’un port d’attache. Voici l’histoire de ma rencontre avec lui. Il y a bien des
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Briser la glace comme Catherine Paquin
Catherine Paquin est une entrepreneuse, une mère de famille, une sportive et, avant tout, une femme dont la vie repose sur Dieu. Si elle arrive à mener dans la joie la vie active qu’elle a, c’est grâce à sa foi qui ne la lâche pas et lui donne du courage. Ayant tout quitté du jour au lendemain pour le canot à glace, elle a fait de son métier un endroit où la foi et le sport sont dans le même bateau. Je rencontre Catherine à Rame Québec, le centre d’entrainement qu’elle a mis sur pied à Sainte-Foy. Un peu à
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Gaston Bourdages: « Je suis auteur de mort »
Rien ne semblait annoncer pareille descente aux enfers pour Gaston Bourdages. Une vie prospère, une conjointe, une pratique religieuse assidue. « Au fond, je me suis ramassé en prison parce que j’ai fucké les dix commandements de Dieu. J’ai volé, j’ai couché avec la femme de mon chum. Et le 18 février 1989, j’ai enlevé la vie à quelqu’un. » C’est là que tout a basculé. « Cette maison a une histoire, me raconte-t-il. Il y a d’abord eu un salon funéraire avant qu’une famille de huit enfants emménage. Ici, il y a une histoire de mort et de vie. » C’est dans cette maison
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La véritable ascension du grimpeur anarchiste
Grimpeur suisse de renommée internationale, Didier Berthod a ouvert de nouvelles voies d’escalade : de l’Italie, à l’Australie, au Canada, en passant par les États-Unis, il a conquis les hauteurs et défié l’extrême. Mais fait intriguant, à la toute fin de son film First Acent, on l’entend répéter : Dieu a eu pitié de moi. Récit d’un grimpeur dont la dégringolade lui a ouvert le chemin de la vraie ascension. Didier Berthod. Ce nom vous est inconnu? Allez faire un petit tour sur internet. On le retrouve à la une de magazines spécialisés et dans plusieurs films. Le parcours « vertical » de Didier commence quand
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Valérie: «j’ai découvert que je vivais de la codépendance!»
Dans l’émission du 20 janvier, notre chroniqueuse Valérie Laflamme-Caron nous introduisait au phénomène de la codépendance. Les auditeurs les plus attentifs d’On n’est pas du monde se souviendront peut-être de la chronique de Valérie qui exposait plusieurs problèmes vécus par les proches-aidants. Elle doublait alors sa fine analyse d’un témoignage touchant tiré de sa propre expérience. Récemment, la même chroniqueuse venait à notre micro pour nous faire découvrir une réalité psychologique méconnue: la codépendance. Il s’agit d’un enjeu très peu circonscrit et conceptualisé au Québec, bien que, paradoxalement très répandu. «La codépendance c’est un mode relationnel […] On devient dépendant
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Claude Paradis: «Je suis prêtre et toxicomane»
«Je suis prêtre et toxicomane.» Voilà comment se présente à nous Claude Paradis. Si son collet romain est bien visible, les traces de sa vie de toxicomane et d’itinérant, elles, sont invisibles pour les yeux. Seuls ceux et celles qui s’arrêtent pour partager avec lui vont les voir. Elles se dévoilent à nous comme un fil d’Ariane tissé par l’Esprit Saint. Dès son plus jeune âge, Claude voulait devenir prêtre. Il le deviendra. Toutefois, il connaitra l’enfer de la rue avant de connaitre la douce vie des séminaristes. Quelques années après son ordination, l’Esprit Saint le reconduira à la rue
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Le PDG qui ne voulait pas plus d’argent
Le 6 novembre dernier, dans le sous-sol de l’église Saint-Jean-Baptiste à Montréal, Robert Dutton a pris le temps de partager son expérience devant une jeunesse à l’écoute. À l’âge de 35 ans, Robert Dutton devient PDG de RONA, l’entreprise québécoise de quincaillerie. Si l’homme d’affaires est un géant de l’entreprise, c’est pourtant son humanité qui marque le plus. Après une adolescence difficile, il termine son bac à HEC convaincu qu’il ne sait rien faire. Mais — surprise! – en 1977 il se retrouve à l’emploi dans l’entreprise RONA. Là commence ce que l’homme ne considère pas comme une « carrière », mais
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Alain Brochu: une spiritualité du moins que rien
Le Verbe cherchait depuis longtemps à recueillir le témoignage d’un enseignant qui vit chaque jour les hauts et les bas de la vie scolaire. En vain. Jusqu’au jour où nous avons reçu, au bureau, une lettre d’Alain Brochu accompagnée d’un Journal d’un prof désespéré. Le vent tournait. Portrait d’un homme qui porte, malgré tout, un trésor d’espérance dans un vase d’argile. «On n’aime pas l’étude.» Une semaine après avoir rencontré Alain Brochu, j’entends encore cette phrase résonner. Pendant l’entrevue, le prof de sciences de la polyvalente de Louiseville, en Mauricie, insistait: «On n’aime pas l’étude.» Il m’a d’ailleurs donné rendez-vous
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Hommage à Soeur Jocelyne Huot
Un texte de Véronique Lefebvre De l’extérieur, rien n’y paraissait : une femme humble, discrète, en service. Mais tous ceux qui l’ont côtoyée peuvent en témoigner : Soeur Jocelyne Huot a été et restera à jamais une grande femme pour nous et pour le Québec. Sœurs de Saint-François d’Assise et fondatrice du mouvement d’évangélisation Les Brebis de Jésus, Jocelyne a donné sa vie pour l’humanité tout entière. Elle ne la donnait pas de façon diffuse et générale : elle la donnait à la personne qui était là devant elle, à toi, à moi. J’ai eu la chance et la grâce de demeurer
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Un Dieu terre à terre
[NDLR: À l’approche de la première du film Le rang pas drette qui sera présenté au Festival de cinéma de la ville de Québec le 21 septembre prochain, nous vous présentons le portait écrit de la même auteure tiré du numéro Travail Manuel. Pour consulter la version numérique, cliquez ici. Pour vous abonner gratuitement, cliquez ici. Pour vous tenir informé sur le film, vous pouvez aimer la page facebook Le rang pas drette.] J’arrive à la ferme Bonne création avec un gros café Tim Hortons dans une tasse en carton. À peine entrée dans la maison, je ressens quelque chose comme
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Soins spirituels: pas que des abus
L’accompagnement spirituel des malades est au cœur d’une révolution qui est loin d’être tranquille. Autrefois chasse gardée des clercs qui portaient le titre d’aumôniers, l’aide spirituelle apportée aux personnes souffrantes est désormais offerte aussi par des laïques formés pour les accompagner. Certains d’entre eux portent le titre d’intervenants en soins spirituels. D’autres, comme les prêtres, se font appeler aumôniers, curés ou accompagnateurs. Le domaine des soins palliatifs n’échappe pas à cette révolution. Le Verbe est allé à la rencontre de quatre accompagnateurs spirituels. J’ai rendez-vous avec le père Jean-Marc Barreau, accompagnateur spirituel à l’Oasis de Paix. C’est le nom du centre
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Bout de cierge!
Nous sommes lundi matin. Devant une station de métro, au milieu d’étudiants qui s’engouffrent dans leur école afin d’échapper au froid mordant de cette fin d’hiver, j’attends Maxime, mon coéquipier photographe pour ce reportage. Ensemble, nous avons rendez-vous avec Jean-Sébastien Brault, apiculteur, pour en apprendre un peu plus sur ces petits insectes rayés et sur la fabrication des chandelles en cire d’abeille. Jean-Sébastien habite Otterburn Park, petite municipalité située à quelques dizaines de kilomètres de Montréal. Arrivés à destination, nous sommes obnubilés par l’imposant Mont Saint-Hilaire qui domine toute la région. La propriété jouit d’une vue imprenable sur cette montagne.
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L’habitat fait le moine
[Ce texte est tiré de l’édition papier du magazine Le Verbe, été 2019. Pour consulter la version numérique, cliquez ici. Pour vous abonner gratuitement, cliquez ici.] Il y a dix ans cette année, les moines cisterciens d’Oka ont quitté leur terre plus que centenaire pour aller s’établir dans la forêt lanaudoise. L’abbaye Val Notre-Dame, plus adaptée à la taille de la communauté et offrant un cadre plus silencieux, fait partie des bâtiments les plus écologiques au Québec. Au-delà des aspects avant-gardistes de l’œuvre de l’architecte Pierre Thibault, quelle place la nature occupe-t-elle dans la vie spirituelle de ces moines? Rencontre avec
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Mon père est vivant
Pour la première fois, je n’ai pas ouvert le magazine Le Verbe arrivé tout frais dans ma boite aux lettres. Il attend toujours dans son emballage, caché à dessein sous une pile de papiers. Depuis que je collabore au Verbe, c’est évidemment la première fois que ça m’arrive. Je me revois d’ailleurs au lancement du dernier numéro sur le thème de la mort, tout heureuse de présenter Martine que j’avais interviewée pour un article sur le deuil. À ce moment, j’étais loin de savoir c’était quoi vivre un deuil; il est facile d’aborder ce thème quand il demeure abstrait et philosophique. J’étais
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Ce qui ne meurt pas
C’est une histoire «pleine de bon Dieu», me dit Martine. «Pleine de bon Dieu», me répète-t-elle avec ses yeux rieurs et radieux. Les miens sont bien ronds quand je lui rétorque, comme tant d’autres avant moi: «Mais tu n’as jamais désespéré de Dieu dans cette histoire?» La première fois que j’aperçois Martine à l’église Notre-Dame de l’Espérance à Québec, elle est entourée de deux dames, recroquevillée dans un banc d’église et sanglote pendant que l’animatrice du groupe Quo Vadis exhorte l’assemblée. «Le fils de Martine est mort hier d’une hémorragie. Il avait 45 ans. Son mari est mort, lui, il y
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Témoignage d’une jeune mère endeuillée
Un texte de Marguerite Picard Je suis veuve. Mon époux, Marc-André, est décédé le 17 mai dernier d’un tragique accident de travail. Il avait 35 ans. Rien. Absolument rien, ce matin-là, ne laissait présager la perte brutale qui allait bouleverser ma vie, celle de mon fils et de ma belle-famille, ainsi que celle de tous ceux qui ont connu mon mari. En une fraction de seconde, devant les policiers, puis à l’hôpital en voyant le corps inanimé de celui que j’avais aimé et chéri durant trois ans, mon monde s’écroulait en un tas de morceaux épars. Puis, pendant plus de cinq mois,
