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Hommage à sœur Jeanne Bizier
Un texte de sœur Geneviève Gadbois f.m.b. Âgée de 97 ans, sœur Jeanne Bizier, fondatrice de la communauté québécoise La Famille Myriam Beth’léhem, s’est éteinte dimanche dernier. C’est dans la paix et l’espérance que sœur Geneviève Gadbois nous partage ici un petit hommage à celle qu’elle a côtoyée pendant vingt-cinq ans. « Jamais, non jamais, je ne regretterai de m’être livrée à l’Amour… pour toujours! » Jusqu’à la toute fin de sa vie et, malgré les souffrances et la fatigue, sœur Jeanne a continué de répéter amoureusement cette parole qui a teinté toute sa vie. Oui, l’amour était le secret de son intimité
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Le Québec vu par le prêtre anthropologue Séraphin Balla Ndegue
Après un séjour de neuf ans au Québec, l’abbé Séraphin se prépare à retourner au Cameroun, son pays natal. Quand je lui demande comment il s’est retrouvé ici, il me répond que c’est un pur hasard ! Mais après toutes ces années, il constate que c’est également un cadeau de Dieu… Séraphin Guy Balla Ndegue est né à Yaoundé au Cameroun. Déjà vers l’âge de 10 ans, il considère l’idée de devenir prêtre. L’appel nait tout naturellement en son cœur. « C’est comme si j’étais porté par quelque chose qui ne s’explique pas, mais qui se vit. Tu sens que tu es
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L’abbé Erik Deprey : les exils d’un prêtre en soutane
Un texte de Bernard Couture, gagnant du concours Les exilés du 21e siècle L’exil est multiforme : géographique ou intérieur, imposé ou volontaire, social ou religieux. Si chacun de nous vit au moins quelques petits exils au cours de sa vie, certains, comme l’abbé Erik Deprey, en vivent des grands et de tous les genres. Né en 1970 et originaire du Maine, l’abbé Erik Deprey est aujourd’hui curé de la paroisse Saint-Clément d’Ottawa. La condition d’exilé, il la connait. Il y était même en quelque sorte prédestiné. Les grands dérangements Tout d’abord, ses ancêtres acadiens ont connu « le Grand Dérangement », cette déportation
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Koukoumesh : sœur Renelle Lasalle chez les Anicinabek
Sœur Renelle Lasalle a une montagne à son nom, à Saint-Michel-des-Saints, où elle a fait aménager des pistes de ski en prévision des Jeux du Québec. Élevée par un père alcoolique, elle voulait sauver le monde par le sport. C’est à travers l’éducation physique qu’elle a d’abord accompagné les jeunes sur les chemins du dépassement et de la réconciliation. Cinquante ans plus tard, on connait cette sœur des Saints Cœurs de Jésus et de Marie en Abitibi sous le nom de koukoumesh, « petite grand-mère » en langue anicinabe. Quand elle a croisé des Autochtones pour la première fois, dans les années 1970, sœur Renelle
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Le chemin de Damas de Jordan Peterson
Le fruit de l’humilité, c’est la crainte du Seigneur, la richesse, l’honneur et la vie. – Proverbes 22, 4 Le 19 octobre dernier, le professeur albertain Jordan B. Peterson, psychologue clinicien et sommité mondiale sur les médias sociaux, brisait son « silence virtuel » en publiant une vidéo sur son compte YouTube. Depuis plusieurs années, le docteur Peterson souffre de sérieux troubles de santé : une forte réaction de son système auto-immunitaire à la nourriture l’a porté à une stricte diète carnivore et à la prise d’un antidépresseur aux effets secondaires hasardeux et traitres, le clonazépam, un type de benzodiazépine. Il y a un peu plus d’un
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Jean Duns Scot, théologien de la liberté
Le 8 novembre (un mois avant l’Immaculée Conception) nous fêtons un homme, un frère franciscain d’origine écossaise nommé Jean Duns Scot, décédé à 43 ans à l’orée du XIVe siècle. De cet homme, nous ne savons presque rien, sinon le cadeau qu’il nous a laissé. C’est là un cadeau exigeant, de ceux dont on ne finit pas d’ôter l’emballage. Un cadeau en forme d’écrits théologiques subtils (c’était là son surnom : le « Docteur Subtil »), mais pleins d’éclats — comme lorsque l’enfant, après maints efforts, aperçoit sous l’emballage la surprise que tout cela recouvre. Car Jean Duns Scot est surprenant à plus d’un
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Libérée de la violence conjugale
De beaux yeux bleus, une chevelure blonde toute bouclée, une voix d’or, un mari qui l’adore et de beaux enfants pétillants — oui, on pourrait dire que Raphaëlle a tout pour elle. Disons tout de suite que ça n’a pas toujours été si beau et si bon. Pour vivre heureuse, elle a dû se libérer de la violence conjugale, certes, mais juste avant, elle a dû briser ce qui la retenait captive pour vrai : elle-même. Jeune, elle avait une vie spirituelle vivante et une vie de prière intense. Puis, un jour, un truc étrange lui est passé par la tête,
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Saint Jude au coeur de la pandémie
« Rien ne peut arriver sans que Dieu le veuille. Et tout ce qu’Il veut, si mauvais que cela nous paraisse, est vraiment meilleur.» – Tiré de l’ultime lettre de saint Thomas More à sa fille ainée Saint Jude est le patron des causes désespérées ou difficiles, il est certainement le nôtre pour une raison ou une autre. Si la pandémie exaspère et fait d’autant plus ressortir notre condition précaire en ce bas monde, il n’en reste pas moins que le véritable tourment ne semble pas être là. Devant les malheurs des Galiléens massacrés par Pilate et ceux des Hiérosolymitains écrasés
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Emanuel, le padre de la joie
Confinement ou pas, Emanuel Zetino, le plus jeune prêtre du diocèse de Montréal, célèbre la messe à la cathédrale de Montréal chaque matin en direct à la télé. Tout de suite après, on peut le voir danser sur TikTok dans la sacristie, faire un meme avec son encensoir ou chanter « Aqui Estoy » sur le parvis de l’église. À 16 ans, il avait décidé d’être heureux et toujours joyeux. 20 ans plus tard, il tient promesse. Né à Montréal de parents immigrants guatémaltèques, il ne le cache pas : il a toujours voulu être prêtre. « Comme beaucoup de Latinos, mes parents étaient très pratiquants
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Mon cousin Mgr Bourget
Il y a quelques années, j’ai fait l’arbre généalogique de ma famille. J’y ai découvert plusieurs agriculteurs, des soldats, un marin, une lignée de notaires et… un évêque ! Mgr Ignace Bourget (1799-1885), second évêque de Montréal, est un cousin éloigné du côté paternel de ma famille. Tout comme moi, il est un descendant de Guillaume Couture (1618-1701), fondateur de la ville de Lévis. Il ne m’en fallait pas plus pour courir me renseigner sur ce personnage historique ! La situation de l’Église après la conquête britannique Avant de parler de Mgr Bourget, il convient de se pencher brièvement sur la période s’étalant de
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Course folle à la perfection
Lorsqu’arrive la trentaine, on regarde en arrière et on se rend compte de tous les rêves éteints, de toutes ces aventures manquées, de toute notre imperfection. Mais cette course folle à la perfection à laquelle nous incite notre société est-elle justifiée ? Pour commencer à être bon, ne vaut-il pas mieux de sortir de la folle logique de l’utilité et accepter notre humanité ? « On ne voit pas le temps passer », écrivait Jean Ferrat. La vie va vite. On est bousculé par le temps, on court après l’argent, on provoque des rencontres virtuellement. Éternel insatisfait, l’être humain cherche à avoir toujours plus.
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Un voyage de noces… en Gaspésie
En mars dernier, mon mari et moi ne savions pas si nos plans de nous marier le 5 septembre 2020 allaient bien tourner. Après de longues discussions, nous nous sommes dit : confinement pas confinement, à cinq ou à cent, nous nous marions. Heureusement, nous avons pu inviter tous nos proches à la cérémonie, avec les mesures sanitaires appropriées, et avons même pu avoir nos familles et quelques amis à notre réception. Nous avons été comblés, alors que de nombreux autres couples ont vu leurs espérances être bien plus réduites, ou ont carrément choisi de reporter à l’an prochain. Comme nous
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Thérèse d’Avila et l’aventure de la grâce
À ma sœur Geneviève pour son anniversaire « Quien a Dios tiene, nada le falta. Sólo Dios basta. »« Celui qui a Dieu ne manque de rien. Dieu seul suffit. » (Vers écrits par sainte Thérèse d’Avila dans son bréviaire.) Beaucoup de gens qui ont essayé de lire les écrits de sainte Thérèse d’Avila se sont vite découragés. Souvent désemparés, on se sent bien loin de la réalité mystique et spirituelle qu’elle relate. Du moins, c’est ce qui semble à première vue. Elle-même se sentait bien impropre à écrire sur Dieu et sur la relation que l’âme entretient avec Lui. Si elle finit tout de
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Pourquoi saint François a-t-il tout quitté ?
Au père Yvon qui, il y a 9 ans, me guida dans les rues d’Assise à la suite de saint François et de sainte Claire « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. » Luc 10, 21 Y a-t-il eu une âme sur cette terre qui a plus ressemblé au Christ que celle du Poverello d’Assise ? J’en doute. Il a été, à l’instar de Jésus, l’incarnation même de l’Amour fait pauvre. Il avait compris que pour gagner le monde au Royaume de Dieu il fallait
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Jacques Dufresne, contre l’avancée du désert
Certains livres comportent des idées fortes et un témoignage particulier pouvant être repris bien longtemps après leur publication. Je ne doute point que le plus récent livre de Jacques Dufresne, La raison et la vie. Cinquante ans d’action intellectuelle, soit du nombre. Méconnu des plus jeunes, figure familière pour les générations antérieures, Jacques Dufresne, qui est né au Québec en 1941, a été à la fois professeur de philosophie au cégep, chroniqueur aux quotidiens Le Devoir et La Presse, fondateur, avec son épouse Hélène Laberge, des revues Critère et L’Agora et, bien entendu, de l’Encyclopédie de l’Agora. Active depuis 1998, cette encyclopédie numérique destinée à l’usage de la francophonie
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Ces martyrs qui nous ressemblent
I would rather know of their vices and how they overcame them rather than just their virtues.Je préfèrerais connaitre leurs vices et comment ils les ont vaincus plutôt que leurs vertus seulement. – Le saint cardinal John Henry Newman à propos des saints de son temps Dans de nombreux diocèses au monde, on retrouve une paroisse dédiée aux saints martyrs canadiens. Leur renommée s’est taillé une place près des grands saints et saintes du catholicisme, ce qui n’est pas peu dire. Jean de Brébeuf, Antoine Daniel, Noël Chabanel, Gabriel Lalement, René Goupil, Isaac Jogues, Jean de la Lande et Charles Garnier. Voici
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Michael Lonsdale : libre dans le Christ
En apprenant la mort de Michael Lonsdale, une scène du très beau film Des hommes et des dieux sur les moines de Tibhirine m’est revenue à l’esprit. Dans un dialogue savoureux avec son prieur, frère Luc, magnifiquement interprété par Lonsdale, déclare qu’il n’y a pas de véritable amour de Dieu sans un consentement à la mort. Avant de quitter la pièce, il regarde son prieur avec un air moqueur et lui dit : « Laissez passer l’homme libre ». Il me semble que tout Lonsdale est dans cette réplique. Il était libre parce qu’il aimait, et pas n’importe quel amour. En 2003, lors d’une rencontre
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Rentrée scolaire : des vertes et des pas mures
Depuis quelques mois, plus d’un frémit à l’idée d’une rentrée scolaire en temps de pandémie. On a peur, on critique le système, on craint le pire. On se réjouit de revoir nos proches, on respire mieux, on habite le moment présent. Peu importe notre position, la roue continue de tourner et la vie scolaire reprend du service. Enseignants et élèves regagnent donc les bancs d’école, déchirés entre une joie indicible de revivre et un sentiment amer d’impuissance. Voici mon journal de pédagogue. Le vendredi 21 aout C’est la rentrée des enseignants. L’école a bien changé. Par terre, des flèches indiquent le
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Don Pino : le prêtre qui a tenu tête à la mafia
Per il mio padre spirituale, per il suo nuovo incarico come Assistente della Comunità Giovanile San Michele. Possa dare la tua vita ogni giorno per i giovani come l’ha fatto don Pino. À mon père spirituel, pour son nouveau poste d’assistant de la Comunità Giovanile San Michele. Puissiez-vous donner votre vie chaque jour aux jeunes comme l’a fait Don Pino. Père Pino Puglisi, prêtre sicilien, est né et mort un 15 septembre (1937-1993), le jour de la fête de Notre-Dame des Douleurs. Assassiné à Brancaccio, petit quartier de Palerme, l’Église lui a accordé le titre de « premier martyr de la mafia »
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Nicolás Gómez Dávila : écrivain traqueur des ombres sacrées
« Le réactionnaire n’est pas un nostalgique rêvant de passés abolis, mais celui qui traque des ombres sacrées sur les collines éternelles. » Nicolás Gómez Dávila Le 17 mai 1994, à l’âge de 80 ans, s’éteignait, dans l’anonymat, un des plus grands écrivains catholiques du dernier siècle, le Colombien Nicolás Gómez Dávila. Lorsqu’on songe à l’œuvre qu’il a laissée derrière lui, un mot du jésuite Baltasar Gracián nous vient immédiatement à l’esprit : « Ce qui est bon est doublement bon s’il est bref. » Cette maxime, il semble que l’écrivain colombien l’ait prise à la lettre. En effet, cet homme dont les jours se sont écoulés
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Vierge Marie : naitre ou ne pas être
Il convenait que l’enfantement d’une vierge fût préparé par un miracle qui y eut quelque ressemblance : il faut que dans cette conception la nature ne devance pas la grâce, qu’elle ne produise pas son fruit avant que la grâce ne donne le sien. Dans cette naissance nous voyons fleurir le désert. Jean Damascène, Homélie I Même si l’année liturgique recommence officiellement par l’arrivée de l’Avent, la fête d’aujourd’hui est l’origine de toutes les autres sur le plan chronologique de l’histoire du Salut. La célébration de la Nativité de la Vierge s’enracine dans une antique tradition des premiers temps de l’Église. Bien
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Sainte Monique, double mère
Je ne saurais assez dire quels sentiments elle gardait pour moi dans son cœur, et combien plus vive était son angoisse, pour m’enfanter selon l’esprit ⏤ qu’autrefois ⏤ pour me mettre au monde selon la chair. – Saint Augustin, Les Confessions, V, IX Aujourd’hui, nous fêtons la mémoire de sainte Monique, modèle de la femme et de la mère chrétienne, modèle d’espérance qui est, comme le disait Bernanos, « une détermination héroïque de l’âme ». La vie est souffrance. Donner la vie est souffrant, tout comme éduquer celui ou celle qui l’a reçue. Axiome simple, percutant et tellement vrai qu’on fera tout ce qui est en notre pouvoir
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Mgr Albert Tessier, prêtre et cinéaste
Albert Tessier nous a quittés depuis déjà quarante ans. Même si son apport à notre patrimoine culturel est considérable, il demeure largement méconnu aujourd’hui. Pour découvrir ce prêtre trifluvien et pionnier du cinéma québécois, Le Verbe est allé à la rencontre de deux de ses amis et anciens collaborateurs, l’historien Denis Vaugeois et l’ethnologue René Bouchard. L’héritage Le Verbe : Il est difficile de comprendre comment un homme de l’envergure de Mgr Tessier soit, aujourd’hui, pratiquement inconnu du grand public. Un tel engagement dans l’Église et dans la société civile nous semble hors du commun. Quelles étaient ses convictions spirituelles et politiques ? René Bouchard : Mgr Tessier a
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Mes parents se sont séparés
Mes parents se sont séparés quand j’avais quatre ans. Je n’ai aucun souvenir d’eux avant leur séparation. Je ne sais pas comment ils étaient ensemble. Je me souviens confusément de l’annonce de leur séparation. Je me rappelle avoir pleuré. Beaucoup. Je me souviens avoir senti un vide immense se creuser dans mon cœur. Un trou en apparence impossible à remplir de nouveau. Je me souviens avoir pensé que n’importe qui peut nous abandonner n’importe quand. J’ai pensé que je devais être une grande fille. M’occuper de moi-même et de mes affaires. « Tu es seule maintenant », ai-je murmuré dans mon cœur.
