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Les petits écureux
Je n’ai jamais aimé les écureuils. Ils m’ont toujours fait peur avec leurs dents de rongeurs et leurs yeux globuleux. Comme plusieurs, je les considérais comme de la vermine. Ce sont probablement mes années à Montréal qui m’ont traumatisée — pas moyen de s’assoir tranquille dans un parc, il y en avait toujours un, puis deux, et soudainement douze qui te cernaient ! Beurk ! De retour dans ma Rive-Sud natale, j’ai vécu bien des années en faisant la guerre aux écureux dévoreurs de bulbes ! Puis, arriva le printemps 2020. Un printemps — comme je vous le disais — pas comme les autres.
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Y a-t-il une vie après le CHSLD ?
On parlait à la radio, ce matin, du combat de Jonathan Marchand. Cet homme de 43 ans, atteint de dystrophie musculaire et d’insuffisance pulmonaire, est contraint d’habiter dans un CHSLD pour être branché sur un respirateur artificiel 24 h sur 24. Il est posté, depuis mercredi, devant l’Assemblée nationale en guise de protestation et d’appel à l’aide. Je me suis dit qu’il réclamait probablement un assouplissement des règles pour l’aide médicale à mourir. Son handicap est trop lourd à porter, les critères sont arbitraires et inhumains, le gouvernement manque de compassion. Bref, le témoignage rempli de pathos qui réussit habituellement à
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Le poteau d’Hydro
Par la fenêtre de ma cuisine, j’ai pu admirer, tout au long de mon confinement, le jeu de séduction d’un petit couple de moineaux. Matin après matin, petit à petit, ils ont fait leur nid dans la cabane à oiseaux qu’on avait posée sur le poteau d’Hydro. Ce poteau m’a toujours dérangée. Ça fait 12 ans qu’on habite cette maison, et je n’ai toujours pas compris pourquoi Hydro a décidé de planter son poteau juste en face de ma fenêtre. Ils auraient pu le planter un peu plus à gauche — à peine deux mètres — et ça aurait tout changé.
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Fière mère au foyer
C’est moi, dont la vie est dépeinte comme le pire cauchemar de toute femme, moi dont les gens pensent à la fois que j’abuse du système et que je me pogne le beigne toute la journée, sans toutefois être capables de s’imaginer mon quotidien. C’est moi qui ne m’habille qu’en mou et qui ne suis, à ce qu’on dit, rien d’autre que la boniche de la maisonnée. C’est moi qui n’ai aucune valeur aux yeux de la société, parce que je ne rapporte rien dans les coffres des gouvernements. Moi qui n’ai pas compris que d’autres sont payées pour éduquer mes enfants
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Vague de dénonciations : avons-nous éduqué ?
Ça fait quelques nuits que mon sommeil est troublé. Je repense aux nombreux témoignages publiés quotidiennement sur les réseaux sociaux depuis plus d’une semaine. Je me dis que, finalement, les quelques expériences désagréables ou embarrassantes que j’ai vécues avec des hommes n’étaient pas si pires. « J’ai d’la chance », au fond. Et ça me démange d’écrire sur le sujet. J’ai hésité longtemps, par contre. Parce que je ne suis pas sociologue, ni sexologue, ni criminaliste. Je n’ai pas étudié la théologie du corps non plus. Je n’ai sincèrement, pour me donner un peu de crédibilité, que ma condition de femme et
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Pour en finir avec les deux capitaines
Bonhomme. Crounche. Crochet. Cosmos. Achab. Nemo. Haddock. Sparrow. Phasma. Caverne. Flam. Kirk. Patenaude. America. Aucun ne va à la cheville du capitaine d’une équipe sportive désigné glorieusement par son entraineur ou par ses pairs. Voilà un véritable héros. L’un de ces modèles s’avère toutefois en voie d’extinction : le capitaine de repêchage. Popularisé dans les cours d’éducation physique d’une époque pas si lointaine, ce concept demandait d’abord la sélection de deux élèves par le professeur. Nommés capitaines, ils avaient maintenant la tâche ingrate de choisir un à un les joueurs de leur équipe (de ballon prisonnier/chasseur, canadien, etc.). Les meilleurs partaient en premier,
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Révolutionnaire du dimanche
Découverte étonnante à Londres sur quatre fragments des manuscrits de la mer Morte. Grâce à l’imagerie multispectrale, des chercheurs ont révélé des caractères hébraïques invisibles à l’œil nu. Et sur l’un d’eux est même apparu un mot entier : shabbat ! Shabbat. Voilà un mot qui tombe à point. Tout porte à croire que la Providence voulait que les hommes l’entendent résonner de nouveau en notre temps hyperactif. Shabbat signifie « repos ». Mais qui dit repos dit aussi travail. Car le repos sabbatique libère l’homme de l’esclavage du travail. Après tout, le mot « travail » vient du latin tripalium, soit un instrument de torture auquel on attachait les esclaves pour les punir. L’homme
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Résister en chantonnant
Pour la première fois de notre histoire, on nous a interdit de chanter ! Il parait que quand on chante on se crache les uns sur les autres et tout devient commun, les passions comme les virus. Voilà comment le chant, de la même manière que les poignées de main, les mariages et le sexe, est devenu une activité mortelle : il favorise la communion. Bref, chanter c’est communier et communier c’est donner la mort. On se croirait dans une dystopie orwellienne où les mots en sont venus à signifier leur exact opposé. Interdire à un peuple de chanter, c’est l’empêcher de respirer. Nul
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Comment j’ai fait la paix avec la reine
Je n’ai jamais vraiment souligné la fête du Canada. Elle m’a toujours laissé indifférent, de même que le pays qu’elle évoque. J’ai le même rapport à la fête des Patriotes… Ou de la Reine : Un congé ? Pourquoi pas ? Le 1er juillet, sinon, est aussi la journée du déménagement. N’est-ce pas éloquent que la fête du Canada soit la journée des Québécois pour déménager ? Bon, vous allez dire que c’est parce que les baux se terminent le 30 juin et vous aurez raison. N’empêche qu’un gars comme Clotaire Rapaille dirait sans doute que c’est révélateur d’un certain inconscient collectif. Clotaire qui ? La fièvre bleue Beaucoup disent
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Au secours de la Saint-Jean-Baptiste
La fête de la Saint-Jean-Baptiste est le théâtre, depuis plusieurs années déjà, d’une ambigüité systémique. On fête une nation qui n’en est pas (encore) une. On souligne une fierté québécoise dont on oublie la source. Et les autorités insistent pour que le message soit inclusif et terne, parce que la plus grande crainte de ces fonctionnaires feutrés est de déplaire à quelqu’un. Dès lors, la table est prête pour le débat habituel. Ce jeu politique du consensus beige et de la plus basse platitude commune se trouve critiqué par les zélés de la cause souverainiste, et ceux qui insistent pour qu’on
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Aucune révolution à l’horizon : que restera-t-il de la crise ?
Avec la réouverture des restos, gyms, cinémas et lieux de culte, on peut dire que le confinement est passé, même si des mesures de distanciation demeurent. L’heure est aux bilans et perspectives : que restera-t-il de cette crise ? Va-t-elle transformer de manière profonde et durable notre monde ? Pas de révolution Difficile aux premiers abords de ne pas être cynique. Le déconfinement nous a prouvé que la logique économique allait toujours avoir le dessus dans un monde matérialiste. Les révolutions sociales, écologiques ou spirituelles attendues n’auront manifestement pas lieu. Depuis le début du confinement, la seule préoccupation des gouvernants comme des citoyens
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Faire les séries
Imaginez une saison de sport qui dure en moyenne 82 matchs, mais qui peut se terminer après 13 ou 43 parties. Tous peuvent participer aux séries. Certains y travaillent avec cœur en espérant y prendre part, d’autres s’entrainent de manière exemplaire sans trop savoir s’il y a des séries. Étonnamment, beaucoup sont persuadés de l’impossibilité d’une après-saison. Qu’importe, quand les séries commencent, trois voies s’annoncent, et elles n’ont rien d’éliminatoire. Avec la populaire locution latine carpe diem […], il faut bien se rappeler aussi sa cousine memento mori. La première mène directement à la coupe, source de joie éternelle. La seconde nous
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Patrimoine négligé : un rapport vicié au passé
Pas un mois, pas une semaine ne se passe sans que l’actualité ne ramène à l’avant-scène une vieille église ou une maison ancestrale sur le point de s’effondrer ou d’être démolies par des barons de villages ou des promoteurs sans scrupules. On s’indigne, on pointe du doigt Jean et Jacques, mais l’hécatombe se poursuit, comme si de rien n’était. Le dernier rapport de la Vérificatrice générale (VG) ne fait donc que confirmer ce que nous savions déjà : notre État « national » néglige le patrimoine bâti. Vous souhaitez qu’un bâtiment soit classé et protégé ? Deux fois sur cinq, vous risquez d’attendre au moins
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Le défi de la fragilité
La pandémie du coronavirus dont nous subissons actuellement les effets nous aura mis en présence de notre universelle fragilité. Notre propre fragilité et celle des gens qui nous sont chers nous ramènent à l’essentiel, et nous rappellent qu’en dernière instance seuls l’amour et l’amitié peuvent donner son plein sens à l’existence humaine. Comment pourrait-on affirmer, à la suite de Pascal, que « l’homme passe infiniment l’homme » (Pensées, Lafuma 131 ; Brunschvicg 434) ? L’expérience de l’amitié authentique est ce qui nous révèle le mieux à nous-mêmes, car elle porte au jour le soi humain profond qui se découvre dans la relation éthique que chacune et
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Un féminisme pour les femmes ordinaires
La semaine dernière, on a vu déferler des offensives féministes. Selon plusieurs, la crise de la COVID-19 serait une crise « genrée » puisque le virus frapperait un sexe plus durement que l’autre. Les femmes sont victimes parce qu’elles sont majoritairement « au front », dit-on, occupant des postes traditionnellement féminins, donc moins bien payés. Relance « genrée » Noémi Mercier, dans L’actualité, rappelle que les femmes représentent 90 % des infirmières et 88 % des aides-soignantes et préposées aux bénéficiaires. Elles occupent des postes qui, avec la crise, en ont pris pour leur rhume : professeures, éducatrices, serveuses, vendeuses, coiffeuses, esthéticiennes. Évidemment, on accuse le gouvernement ; les salaires et
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Ma confession
S’il n’était pas dans les parages, je redeviendrais la perdue que j’étais. Absorbée par la vague catho du vedettariat (eh oui, ça existe !), j’oublie parfois que, sans lui, je serais seule sur l’ile de ma suffisance. Lecteur, auditeur ou téléspectateur habitué à m’entendre dire « Jésus » à tout bout d’champ, cette fois-ci je te le dis, ce n’est pas ça. Je désire te jaser de celui qui vient juste après. Ma meilleure moitié. L’épique époux. Bref, le mari. Ce n’est pas sans raison que Dieu s’est dépêché de me le trouver. Il m’a laissé languir un peu, mais pas trop. Juste
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De l’importance d’avoir des après-midis libres
On sait que la terre tourne autour d’elle-même à une vitesse de plus de 1000 km/h. Simultanément, elle voyage autour du soleil à un rythme de 108 000 km/h. On estime que le système solaire, lui, fonce à travers la galaxie à une vitesse qui varie entre 720 000 km/h et 900 000 km/h. Et notre amas de galaxies se balade dans le cosmos à quelque chose comme 2,1 millions de km/h. On a beau prendre une pause pour attacher nos lacets anagogiques, on n’est jamais tout à fait immobiles. Notre situation dans l’univers n’est rien d’autre que la pointe d’une flèche qui avale les kilomètres à un
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La fin des possibles
Il y a deux mois, je pensais que pour moi tout était possible. J’ai de l’argent, j’ai du temps.Je n’ai ni enfants ni engagements.Pas même un appartement. Tout est possible, me disais-je naïvement. Je peux aller où je veux, faire ce que je veux.Je peux dorer sur les plages des Seychelles, danser sur le pont d’Avignon.Je peux marcher sur le chemin de Compostelle, prier au mur des Lamentations. Il y a deux mois, je croyais que tout était possible. Mon seul défi était de me décider devant ce choix surabondant,de me fixer dans mes désirs changeants. Aujourd’hui, j’ai encore plus
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Petit éloge de Laurent Duvernay-Tardif, un héros actuel
Ces derniers temps, on a beaucoup souligné le travail de ces « anges gardiens » qui veillent sur nos parents, amis, voisins dans les CHSLD et dans les hôpitaux de plus en plus surchargés. Cette semaine, Laurent Duvernay-Tardif fait la une du Sports Illustrated. Le grand gaillard des Chiefs de Kansas City, premier joueur de la NFL à avoir obtenu son diplôme de médecine, acceptait de prêter mainforte aux préposés aux bénéficiaires et autres infirmières débordées. C’est absolument admirable. De Louis Cyr à Maurice Richard, nos héros masculins étaient souvent issus des basfonds, sans éducation. Bien qu’admirables, leurs succès reconduisaient souvent une conception un peu
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La dignité dans ma maison
Et l’autre reste là, Le meilleur ou le pire, Le doux ou le sévère. Cela n’importe pas, Celui des deux qui reste Se retrouve en enfer. Jacques Brel Plus les jours passent, moins les nouvelles sont bonnes, il me semble. Les CHSLD, qui font la une des journaux à la place des stars de cinéma, sont le théâtre d’horreurs indescriptibles. On réalise qu’il y a un sérieux problème dans la manière dont on s’occupe de nos vieux, à l’échelle nationale. Tout le monde trouve que c’est épouvantable, que ça n’aurait jamais dû se rendre jusque-là ; on essaie de mettre des Band-aids sur l’hémorragie
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Découverte du vaccin contre la coronanxiété
Le coronavirus se répand partout dans le monde et propage avec lui un virus spirituel : la coronanxiété. Zoom sur cette autre épidémie qui attaque nos âmes plus que nos corps. La courbe de coronanxiété Avec la peur de la mort qui envahit les esprits, c’est une véritable épidémie de peur qui se répand. Alors que depuis quelques années, nous entendons parler d’« écoanxiété », depuis quelques semaines nous assistons à une nouvelle forme de pathologie sociale que l’on pourrait nommer la « coronanxiété ». Trois facteurs aggravants peuvent expliquer que la courbe de coronanxiété augmente plus vite que celle du coronavirus : La surabondance médiatique à
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L’heure de notre mort
Le grand écrivain israélien David Grossman vient de publier dans Libération un article remarquable intitulé Questions pour temps d’épidémie dans lequel il constate que la pandémie sévissant actuellement dans le monde entier a rendu la mort « très tangible ». On est en droit d’espérer qu’il en restera quelque chose de salutaire et qu’on saura reconnaitre par la suite encore mieux la grandeur des soins palliatifs proprement dits en leur respect authentique de tout être humain à l’heure de sa mort. Le point d’orgue Cela dit, le dernier acte de notre humaine vie est la mort, instant final qui détermine tout ce qui a précédé, ainsi
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Ces choses de la psychose pandémique qui m’exaspèrent
S’il y a un genre littéraire négligé, c’est bien celui de la liste. Voici donc celle des choses qui m’exaspèrent dans notre réaction commune à la situation flottante et anxiogène qui nous tarabuste l’existence. François Legault qui répète chaque jour que cette crise représente le plus grand combat de notre vie Je ne sais pas ce qui me décourage le plus. Que plusieurs parmi nous pensent cela, ou que ça soit peut-être vrai. On se rappelle que la consigne principale est de rester à au moins deux mètres les uns des autres. À l’ère du numérique, de la commande en
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Semaine sainte en détresse
La Semaine sainte est l’occasion de revivre la Passion et la Résurrection de Jésus-Christ. Ce point culminant de la vie chrétienne l’est encore davantage dans le contexte actuel de pandémie. Comment unir intimement d’un côté la détresse et la misère humaines, et de l’autre la liturgie et la musique ? La Semaine sainte prend une coloration sombre, très réelle, en raison de la grave pandémie qui secoue le monde en profondeur. Par le confinement généralisé, ces quelques jours sont l’occasion où les moins affectés par la crise peuvent scander intérieurement la douloureuse marche qui va des manifestations de liesse du dimanche
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