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  • Raconter ses péchés pour être aimé

    Dernièrement, j’ai été particulièrement touchée par deux entrevues, fort différentes de prime abord, mais en réalité tout à fait convergentes : la dernière chronique de Simon Lessard à On n’est pas du monde à propos du psychologue Conrad W. Baars et le témoignage de Clémentine à Tout le monde en parle. Simon Lessard a expliqué que, selon Conrad W. Baars, l’un des plus grands problèmes psychologiques de notre temps consiste en une « privation émotionnelle », c’est-à-dire un manque d’amour gratuit et inconditionnel. Le témoignage de Clémentine illustre cette thèse parfaitement, elle qui, par manque d’amour, s’est faite sugar baby, jusqu’à se voir entrainée malgré elle dans le réseau de la

  • univers

    Tout le monde tout nu !

    Avec tous ces débats autour des masques sanitaires et des voiles religieux ces dernières années, on pourrait réécrire le célèbre mot du Tartuffe de Molière : « Couvrez ce sein visage que je ne saurais voir: / Par de pareils objets les âmes sont blessées, / Et cela fait venir de coupables pensées. » Le masque et le voile. À contrecourant de la reconnaissance faciale qui s’implante et s’impose partout, les feux qu’attisent ces tissus faciaux mettent à nu nos hantises et envies de transparence. Révéler sa figure, ou seulement son profil, c’est choisir jusqu’où on accepte de se laisser voir et savoir. C’est trouver la juste

  • L’inclusion c’est bien, la communion c’est mieux !

    Je me souviens d’une sortie en sciences religieuses à laquelle j’ai participé à l’université. Un confrère de mon baccalauréat en enseignement y participait aussi. On sortait d’une église chrétienne réformée et on s’est mis à jaser dans le bus : – C’est beau le christianisme… Toi tu es chrétien, mais moi je ne pourrais jamais l’être. – Ah bon pourquoi ? – Parce que j’aime les gars. – Et alors ? – Eh bien… On ne peut pas avoir de sexe hors mariage. – Bah, c’est vrai aussi pour ceux qui sont attirés par les femmes ! – Ah ouais… vu de même… 17

  • Le progrès sur une butte de terre

    En cette ère d’ouverture à l’autre, d’éveils aux privilèges blancs, de mondialisation et du mélange des genres, on retrouve deux camps relativement opposés, qui ont chacun leurs mascottes attitrées. D’un côté, ceux qui choisissent l’ouverture, l’accueil sans réserve et le multiculturalisme et de l’autre, ceux qui pensent qu’il faut être ouverts aux autres mais là y a des limites tsé, faut se respecter en tant que peuple et s’affirmer. Dans le premier groupe, on retrouve des sbires de la trempe de Justin Trudeau, Marc Cassivi et compagnie. Dans le coin opposé, des vieux bandits à la François Legault, Mathieu Bock-Côté,

  • Tag ton prêtre

    La nouvelle est tombée avec grand fracas. Entre le bilan mortuaire de la journée d’hier et la saison en dents de scie de nos (pas si) Glorieux, on apprenait grâce aux confrères de Présence-Info que le Vatican préparait un excitant symposium intitulé Vers une théologie fondamentale du sacerdoce, prévu pour 2022. Bon. Avec grand fracas c’était peut-être un peu fort. En tout cas, on peut s’imaginer que l’annonce a ému la Société des théologiens spécialisés en ministères ordonnés dans l’Église catholique contemporaine (la STSMOÉCC), si jamais elle existe.  Moi qui croyais que, médiatiquement parlant, la seule manière pertinente d’en parler serait d’attendre le prochain scandale

  • L’art, vrai comme la vie

    La question du sens, celle de la mort, du bien et du mal relèvent de la vie ordinaire. Voilà qui est fort important pour apprécier à neuf la pertinence et la profondeur de l’art, sa vérité, c’est-à-dire sa fidélité à la vie même de tous les humains. « La littérature s’occupe de l’ordinaire, écrivait James Joyce, ce qui est inhabituel et extraordinaire appartient au journalisme. » L’art s’adresse en effet à la dimension « ordinaire », plus « archaïque » de l’être humain. Même Kafka doit sa puissance au fait de dégager du fantastique de l’expérience ordinaire (par opposition à de la pure fantaisie). Résumons : le

  • univers

    L’isolement de l’humanité

    Dans un passage prophétique des Frères Karamazov, un mystérieux visiteur raconte que, pour refaire le monde à neuf, il faudra d’abord traverser la période de l’isolement de l’humanité. « Tout le monde dans notre siècle s’est séparé en unités, chacun s’isole dans son terrier, chacun s’éloigne des autres. » Les hommes pensent se sauver en s’isolant, mais c’est l’inverse : ils s’appauvrissent, deviennent malades et surtout désespèrent. « Chacun s’efforce d’isoler son visage le plus possible. Chacun veut ressentir en lui-même la plénitude de la vie, et pourtant, le résultat de tous ces efforts, c’est seulement le suicide le plus plein, parce qu’au lieu d’une définition pleine [nous

  • Mourir seul

    Avant d’être emporté par un cancer du larynx, le journaliste-écrivain Gil Courtemanche a écrit Je ne veux pas mourir seul (Boréal, 2011), une « autofiction » bouleversante. Bref récit d’un échec amoureux, le livre expose l’une des peurs qui nous habite tous : celle précisément de quitter ce monde dans une solitude noire, rongés par la culpabilité de ne pas avoir su aimer assez… J’ai repensé à ce livre et à sa noirceur avant les Fêtes. Les bilans quotidiens de la pandémie font état des décès, mais il n’est jamais question des heures qui précèdent ces disparitions. À la fin du mois de novembre, j’ai accompagné

  • Les sacrifices

    Tout indique que notre cœur est à l’hôpital. Pas qu’il soit malade, mais plutôt parce qu’on dirait que c’est là que nous mettons tout notre amour, toute notre énergie. Le Québec investit plus de la moitié de son budget annuel dans son système de santé. Pas étonnant, donc, que l’on attende de celui-ci rien de moins que le salut. Ce système, c’est notre petit trésor. Alors, il ne faudrait surtout pas qu’il se brise. Et on semble prêts à tout pour sauver notre sauveur. Au risque d’abimer au passage quelques-uns de ses travailleurs les plus essentiels. Les Avengers Les anges

  • Ma caissière impopulaire

    La caissière s’appelait Maxim. Avec ou sans e, je ne me souviens plus. En revanche, je me souviens très bien de ses boucles blondes, de ses yeux bleus immenses. Elle scannait cannages et panais tandis que je cherchais dans ma tête une blague pour la faire rire. Ma femme aurait de quoi s’inquiéter si ce n’était pas si fréquent. Mais elle sait que chez moi, c’est du quotidien. Ce n’est pas de la drague, c’est de la drogue. Compulsion irrépressible, faut que je déconne avec la personne derrière le comptoir. Je ne veux pas faire un numéro, ni lui demander

  • Supporter patiemment les emmerdeurs

    Je suis une romantique, que voulez-vous ! Mettez-moi devant une peinture de saint Ignace dévoré par les lions, de saint Clément jeté à la mer les pieds attachés à une ancre, ou encore de sainte Agathe dont on coupât les seins, et je m’enflamme !  Se plaire dans des images lointaines de martyrs… Du lyrisme chrétien à son meilleur ! « Tu veux apprendre la charité durant ce carême ? Alors, arrête d’imaginer que tu vas sauver le monde et apprends à supporter patiemment tes proches. C’est le combat d’une vie pour nous tous. Mariés ou pas, prêtres ou pas. » C’est avec ces paroles que

  • univers

    Apprendre à vivre avec

    Je parlais avec un psy l’autre jour. Il me disait à quel point il voyait l’anxiété monter chez ses clients depuis le début des confinements. Ça, et bien d’autres problèmes de santé mentale. Puis, il m’a dit cette phrase qui semble contradictoire : « Quand on arrête de faire des choses pour aller bien, on va beaucoup mieux. » Paradoxalement, notre société obsédée par la santé, le bienêtre et la croissance personnelle n’a jamais été aussi malade d’aller bien. Comme si la norme c’était de n’avoir aucun bobo, aucun malaise ni souci. Mais avec une telle idée, on est souvent déçu et toujours

  • « Chéri ! Je (ne) sens (plus) mon corps ! »

    J’imagine que vous allez dire que j’ai une fixation. Vous allez même peut-être lever les yeux au ciel et croire que je n’en ai que pour mon petit nombril (et ce qui se passe en dessous). Pourtant, ce n’est pas de mon ombilic dont il s’agit, mais de mes hormones ! Elles se font la malle et ça bouscule l’humeur, le désir sexuel, l’énergie, le sommeil, l’appétit… TOUT !  Vous n’en avez rien à faire des hormones ? C’est probablement parce que : soit vous n’êtes pas encore arrivée à l’âge vénérable de la cinquantaine ; soit vous l’avez dépassée depuis belle lurette et que

  • Le sophisme du concret mal placé

    Connaissez-vous la différence entre un arbre et une montre ? L’un est concret, l’autre pas. Concret (de concrescere, « croitre ensemble ») signifie ce qui s’est formé ensemble. Un arbre, ou n’importe quel vivant, est proprement concret en ce sens, alors qu’une montre ou quelque autre artéfact ne l’est pas, puisque les parties d’un artéfact ont été mises ensemble par un agent extérieur et sont indifférentes les unes aux autres, comme d’ailleurs au tout dont elles font partie ; celles de l’arbre, de tout être vivant, concourent au contraire à sa production de lui-même comme individu. Le tout concret vivant est dès lors irréductible à ses

  • Une chambre à soi

    Pour la première fois, depuis au moins 18 ans, je vous écris de ma chambre ! Ma chambre à moi ! Rien qu’à moi ! Eh bien quoi ? Vous ne comprenez pas ce que cela signifie ? Vous ne voyez donc pas ? Vous ignoriez que mon bureau avait toujours squatté une partie du salon, jamais très loin de la cuisine ? Aaaahhh ! C’est que peut-être n’êtes-vous pas mère de six enfants ! D’accord. Laissez-moi alors vous expliquer, vous faire un petit portrait de la situation de la femme en moi qui, bon an mal an, faisait tout pour garder un tant soit peu une vie à elle,

  • L’université : naufrage clientéliste ou idéologique ?

    C’était l’époque où l’on remettait des prix à des œuvres longuement muries, plutôt qu’à des militants qui brandissent la cause du jour. En 1996, le sociologue Michel Freitag recevait le Prix du Gouverneur général pour son essai Le naufrage de l’université (Nuit blanche éditeur, 1995). Un livre dense mais accessible et d’une grande profondeur. « La vocation de l’université, écrivait-il, est inséparable de l’idée d’une certaine transcendance du monde de l’esprit, de la science et de la culture, et de l’exigence d’unité réfléchie qui lui est propre. » Lieu de liberté et de synthèse, l’université avait longtemps été conçue comme un espace protégé des fureurs

  • Quand le vingt s’est tiré…

    Deux-mille-vingt-et-un. Deux-zéro-deux-un. Vingt-vingt-et-un. Pas plus commodes à écrire qu’à lire, les nombres inscrits en long et en large n’ont pas la cote. Souvent avec raison (la raison et les chiffres s’entendent à merveille, semble-t-il), on leur préfère les chiffres arabes, bien formés, pour s’informer du temps qu’il fait (moins 21) ou du temps qui fuit (20 h 21). J’aime bien écrire les chiffres en lettres. À chacun ses petits plaisirs. Je me sens baveux quand je fais ça. Rien de très subversif, mais juste un brin baveux. Ça m’offre l’illusion de redonner aux lettres leurs lettres de noblesse. … il faut le

  • Le complotisme : symptôme d’une élite flétrie

    La présidence états-unienne de Donald Trump et la pandémie qui a émaillé sa dernière année en fonction ont été l’occasion d’un florilège sur le thème du complot. En gros, Trump serait le chevalier qui défendrait le petit contre une cabale de puissants réunis en secret pour assujettir le peuple. Participeraient à cette machination des partis politiques, de grands médias, des pans entiers de la magistrature, des économistes, de grands fonctionnaires, des multimilliardaires, philanthropes de surcroit. Bref, cette fine fleur formerait une internationale avide qui agirait au détriment des peuples qu’elle est censée défendre.  Bien évidemment, la covid-19 serait le dernier

  • « C’est pour quand le baptême ? »

    Pour Francesco et Claire, parrain et marraine « C’est pour quand le baptême ? » Alors que j’étais encore enceinte, on nous posait sans cesse la question, même dans nos familles pourtant non croyantes. Ça m’étonnait presque : pourquoi cet engouement si on ne croit ni au péché originel (et donc à la délivrance de celui-ci) ni à la grâce de Dieu ? Mais au fond, rien de plus normal. Les Hommes aiment les rites. Et quand vient au monde un enfant, surtout le premier, on cherche spontanément à l’accueillir avec quelque chose d’officiel.  Besoin d’un rite Je me souviens d’ailleurs d’un couple, il y

  • Cyrille déjoue les pronostics

    En septembre dernier, Gabriel et son épouse Florence ont tous deux publié un texte (« Spin Doctor » et « Tu n’auras jamais à être parfait ») dans lequel ils réagissaient à l’annonce de la venue de Cyrille, leur dernier enfant auquel on a diagnostiqué un spinabifida. Voici le compte rendu des derniers évènements. Observer n’est pas un geste passif. Le regard porte un jugement, il agit sur le sujet auquel il s’intéresse. Fixez d’un air neutre une personne dans l’autobus pour voir. Les premiers moments de notre vie se passent dans l’obscurité. À l’intérieur du ventre de notre mère.

  • univers

    J’ai échoué à rater ma vie

    L’an passé, je vous confiais avoir pris la résolution de rater ma vie. Mais à l’heure des bilans, je suis bien obligé de constater que j’ai échoué complètement. Malgré tous mes efforts, ma vie est un franc succès ! Tout me réussit : ma vie personnelle et professionnelle, intellectuelle et spirituelle, émotionnelle et… vous savez quoi. ;) Vraiment, même si j’excelle dans l’art de me plaindre, je n’arrive plus à convaincre personne que je fais pitié. J’ai tout essayé : l’anxiété, l’épuisement, la dépression, la solitude, rien à faire. Même quand j’ai l’impression que ça va mal aller, il suffit que j’ouvre les yeux pour

  • univers

    Espérer la décroissance

    La courbe des cas de Covid et celle de la bourse semblent croitre ensemble ces temps-ci. Et alors que le monde espère publiquement la décroissance de la première, on salue secrètement la croissance de la seconde. Croissance versus décroissance C’est un débat économique et écologique qui sévit depuis deux décennies. Contre le dogme néolibéral de la croissance perpétuelle, on oppose l’hérésie écologique de la décroissance graduelle. On prêche que retrouver l’équilibre aussi bien environnemental que cérébral passe par une courbe descendante de notre « niveau de vie » (une expression à niveler par le bas !). On oublie trop souvent que cette décroissance

  • Souffrir d’amour… pour la messe

    Bon. Y’en a qui m’écrivent pour me demander ce qui se passe avec moi. Pourquoi je ne fais plus de petits vidéos humoristiques sur Facebook les vendredis ? Et pourquoi je ne publie presque plus rien ? Et pourquoi je ne fais plus de blagues ?  Pourquoi ? Mais bonté divine, c’est parce que je souffre ! Et quand je souffre, eh bien je suis comme vous — je n’ai pas envie de rire.  Évidemment, la joie est là, tout au fond, immuable ; cette joie du ressuscité, cette joie de me savoir sauvée, aimée, accompagnée, guidée. Cette joie d’aimer aussi. Mais ça ne change rien

  • L’exigence de la démocratie

    En octobre 1970, des jeunes du Front de libération du Québec enlevaient un attaché commercial britannique et le vice-premier ministre du Québec devant sa maison et sa famille. Dans l’esprit de ces révolutionnaires, ils ne privaient pas deux êtres humains de leur liberté, ils kidnappaient des symboles du colonialisme. On connait la suite : le premier a été retrouvé et libéré ; le second découvert mort dans une valise d’auto. Le 30 aout dernier, un groupe de « militants » s’en est pris à la statue de John A. Macdonald, place du Canada, à Montréal. Dans la vidéo qui a beaucoup circulé, on les

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