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  • Paris, capitale de l’esprit

    L’écrivain Danilo Kis, qui y vécut à la fin de sa vie, avait baptisé Paris la « grande cuisine des idées ». Il avait été frappé, au long des rues et des boulevards, par la promiscuité fantastique des restaurants et des librairies, comme s’ils s’imbriquaient les uns dans les autres. Paris est la capitale de l’esprit, elle est aussi celle du goût. La synthèse n’a pas cessé de séduire ceux qui, venus des quatre coins du monde, ont fait de la ville des Lumières leur patrie d’élection. Si c’est à New York qu’on devient riche et successful, c’est à Paris qu’on devient soi-même et

  • Rompre avec la culture du déchet

    Chaque jour, je vois mon bébé manger quelques bouchées de ce que je lui sers, puis jeter le reste au sol. Quel gaspillage !, me dis-je. Ça doit être ça que Dieu se dit en nous voyant exploiter toutes les ressources de la Terre pour finalement jeter au sol la majorité des choses qu’on possède. Le concept de « culture du déchet » développé par le pape François dans Laudato Si’ résonne fort en moi. Quand je regarde autour de moi, quand je me regarde, j’avoue que la durabilité n’est pas un réflexe que nous avons collectivement. Dans un évènement, on va utiliser des ustensiles

  • Entre Paris et Angers… on me dérange toujours

    Chaque fois qu’elle part en voyage, Brigitte Bédard rencontre des difficultés qui s’avèrent toujours être des moments de grâce. Alors qu’elle est partie en France pour la tournée promotionnelle de son récent livre Je me suis laissé aimer…, elle nous offre ce deuxième épisode de ses carnets de voyage (pour lire le premier, c’est par ici). Entre Paris et Angers, j’ai presque eu le temps de finir mon texte à venir sur ma rencontre avec le peintre François-Xavier de Boissoudy, devenu, sans contredit, un ami.  Mais comme toujours, on me dérange. Il y a d’abord le contrôleur. Puis, mon voisin d’à côté

  • À l’école de la maladie

    Décembre 2021 : je me sens heureuse plus que jamais. Tout va bien. J’ai du temps pour prier, mon fils de 15 mois se développe bien, mon mari et moi vivons un mariage épanoui, ma thèse avance et, comble de joie, je viens de découvrir que je suis de nouveau enceinte. Je me sens féconde et pleine d’espoir pour le futur. Deux semaines plus tard, je commence à vomir. Je me retrouve malade, comme à ma première grossesse d’ailleurs : hyperémèse gravidique encore.  Tout s’arrête de nouveau. Je peine à m’occuper de moi-même, encore plus de mon fils. Impossible d’avancer ma thèse sans vomir.

  • «tout inclus»

    Êtes-vous coupables d’activisme mou ?

    À peine deux jours après le début de l’invasion russe, il était possible d’afficher son soutien au peuple ukrainien en ajoutant un petit drapeau en filigrane à sa photo de profil Facebook. Le média social propose régulièrement des « filtres » à l’aide desquels on peut communiquer ses convictions sociales et politiques : un drapeau tricolore en hommage aux victimes d’attentats terroristes, le libellé « journée nationale de la vérité et de la réconciliation », le logo de la compagnie Bell… pour sensibiliser aux enjeux entourant la santé mentale.  Avez-vous déjà utilisé un de ces filtres, signé une pétition en ligne ou simplement partagé un

  • La gestion des liquides

    Chaque fois qu’elle part en voyage, Brigitte Bédard rencontre des difficultés qui s’avèrent toujours être des moments de grâce. Alors qu’elle est partie en France pour la tournée promotionnelle de son récent livre Je me suis laissé aimer…, elle nous offre ses carnets de voyage. Premier d’une suite d’histoires à venir. Le voyage avait pourtant mal commencé. J’arrive à la sécurité et on me retourne de bord : dans mon bagage en cabine, il y avait trop de liquide. Le garde me tend un ziplock en me disant que je dois mettre tous les liquides, gel, crème dans ce minuscule sac de plastique.  « Quoi ? Vous

  • Un 8 mars avec Félicité et Perpétue, deux martyres

    Je voulais parler de Félicité et de Perpétue, ces deux jeunes femmes condamnées « aux bêtes », précisément « une vache furieuse », le 7 mars 203 dans l’amphithéâtre de Carthage.  L’auteur du « Récit de la passion de Perpétue » affirme que la foule n’avait pas apprécié de voir une « jeune femme si frêle et l’autre récemment accouchée, dont les mamelles laissaient tomber des gouttelettes de lait ». Elles avaient refusé de se costumer en « prêtresses de Cérès », comme le voulait l’usage. On avait retourné les deux femmes pour les vêtir d’un voile, au moins.  Perpétue n’avait pas la langue dans sa poche. Quelques jours plus tôt, lors de

  • La patrie, un échelon vers Dieu

    Pour respecter […] les patries étrangères, il faut faire de sa propre patrie non pas une idole, mais un échelon vers Dieu. – Simone Weil Bien sûr que l’OTAN, dans son arrogance, et éperonnée par les États-Unis, a poussé une Russie humiliée par la chute de l’URSS dans ses derniers retranchements. Bien sûr que Vladimir Poutine, monstre messianique au regard de requin impassible et froid, rêve de restaurer non pas l’URSS, mais la Russie impériale brutalement assassinée en 1917. Bien sûr que l’Union européenne a peu à peu abandonné les notions d’identité, d’histoire, de racines chrétiennes pour épouser celles de

  • Les saints de l’ère numérique

    Difficile pour moi d’imaginer un saint avec un cellulaire à la main. Encore plus difficile de penser que notre époque – bien que baignée dans un environnement toujours plus numérique – ne génèrera pas de saints. Les appareils technologiques qui nous entourent sont un vrai obstacle à notre sanctification. Ils nous détournent de notre vocation, nous privant souvent du temps, du silence et de la disposition intérieure nécessaire à une relation authentique avec Dieu et avec notre prochain. Or, faciliter notre voie vers la sainteté, c’est exactement l’objectif de la compagnie américaine Saintmaker. Elle propose des planificateurs permettant aux fidèles catholiques

  • Grandeurs et défis des mères au foyer

    *Dans un monde de plus en plus fragmenté et polarisé, Le Verbe médias s’engage à bâtir des ponts au service de la communion. Apprenez-en plus sur notre ligne éditoriale, qui prône un dialogue ouvert et la diversité d’expression, tout en cherchant l’unité dans la vérité et la charité. J’ai publié, à la fin de l’été dernier, un texte où je partageais mes réflexions sur la pénurie de places en garderie. Je concentrais surtout mes idées sur l’aspect financier du choix des femmes de rester à la maison, argumentant qu’un meilleur soutien de l’état pour ces parents les aiderait à choisir plus librement de ne pas

  • univers

    Quand l’État gère les corps

    7 octobre 2021. Le philosophe Giorgio Agamben fait une intervention choc devant le Sénat italien : « Des scientifiques et des médecins ont déclaré que le green pass [passeport sanitaire européen] n’avait aucune signification médicale en soi, mais servait à forcer les gens à se faire vacciner. Mais je pense qu’il faut dire le contraire : que le vaccin est un moyen de forcer les gens à avoir le green pass. C’est-à-dire un dispositif de surveillance et de suivi des individus, une mesure sans précédent. » Intellectuel engagé contre les totalitarismes et universitaire respecté, Agamben est né à Rome en 1942. Il s’inscrit dans la lignée des Hannah Arendt,

  • L’habit fait la moniale

    Depuis que je suis mariée, je me pose de plus en plus de questions sur la manière dont je m’habille et, du même coup, sur la manière dont les filles et femmes autour de moi se vêtissent.  Je suis si fréquemment choquée ou troublée en regardant autour de moi que j’en arrive souvent à la conclusion que je suis devenue une frustrée, une puritaine.  Sans doute un peu.  Peut-être, au fond, que si j’avais de si belles jambes, je les montrerais autant moi aussi ? Ou des seins d’apparence aussi ferme, ou des fesses si bien définies… Mais mes observations soulèvent

  • Grandeurs et misères des menstruations

    *Dans un monde de plus en plus fragmenté et polarisé, Le Verbe médias s’engage à bâtir des ponts au service de la communion. Apprenez-en plus sur notre ligne éditoriale, qui prône un dialogue ouvert et la diversité d’expression, tout en cherchant l’unité dans la vérité et la charité. Les règles. Une semaine de saignements, de crampes et de fatigue. Je parle pour moi. Pour d’autres, c’est une semaine de douleurs intenses. « Pires qu’une appendicite, et j’en ai déjà faite une », me disait une amie au secondaire. Une semaine de draps tachés, tellement les menstruations sont abondantes. Une semaine d’humeur changeante,

  • La boule de crème glacée

    « C’était ça, son drame ? Une boule au chocolat tombée d’un cornet de biscuit ? Les misères de la paix me dégoûtaient. » – Georges, Le quatrième mur Depuis mars 2020, une chose m’irrite sans que je sois capable de mettre le doigt dessus. Et puis, j’ai trouvé.  C’est arrivé en lisant Le quatrième mur, de Sorj Chalandon. On y raconte l’histoire de Georges, un homme de théâtre français qui poursuit le rêve de jouer Antigone dans les ruines d’un Beyrouth en guerre. Offrir une minute de paix à un monde violent et déchiré. Nous sommes en 1982, le Liban est en pleine guerre civile. L’intervention de l’armée israélienne,

  • La chicane (pas le groupe, la vraie)

    Être né dans une grande famille comporte de nombreux avantages. Parmi ceux-ci, il y a celui, indéniable, de pouvoir raconter une histoire à propos d’un frère ou d’une sœur tout en maintenant un flou artistique sur son identité. C’est entre autres pour cela que mon épouse et moi avons décidé d’offrir le même privilège à nos enfants. L’autre jour, je discutais donc avec une de mes sœurs de sujets tous plus légers les uns que les autres : masculinité toxique, immigration, dérives bioéthiques. Puisqu’on ne se voit pas souvent, on ne perd pas trop de temps avec le placotage météorologique. Et comme c’est

  • univers

    La vérité si je mens

    L’une des caractéristiques des sociétés à tendance totalitaire est sans contredit le mensonge systémique. La troublante série à saveur historico-apocalyptique Tchernobyl produite l’an passé par HBO l’illustre parfaitement. Lors d’un long séjour à Cuba sous le régime castriste, j’ai été frappé non seulement par les mensonges quotidiens dans les médias, certes, mais aussi par ceux de chaque citoyen dans ses conversations les plus banales. D’un côté, les gouvernants trafiquent la vérité pour cacher leur incompétence, réprimer la résistance et justifier l’injustifiable ; de l’autre, les gouvernés racontent des histoires pour se dérober à la surveillance des voisins, s’assurer un salaire et conserver moult

  • Picasso, corps étranger

    L’image est simple et transparente, mais hypnotique. Sous le trait qui se veut innocent se cachent en réalité plusieurs couches de connaissance. Le tableau donne à voir un jeune homme à chapeau, un pinceau entre les doigts, qui retient sa main comme s’il avait été pris sur le fait, tout près de s’abandonner à la volupté de son art. Le sourire est malicieux, l’œil rieur et complice. C’est le visage de l’enfant-roi qui dit : « Oui, je le sais, ce “quelque chose” que je m’apprête à faire ne se fait pas, et cependant je le fais, pour ma propre joie comme

  • univers

    Cette année, je commence à fumer !

    Ça fait deux ans (2020/2021) que je prends des résolutions qui n’ont pas de bon sens. Alors cette année je me suis dit :« Arrête de vouloir être original.Fais donc comme tout le monde pour une fois. »Or, sur quoi porte la résolution la plus traditionnelle des Québécois ? La cigarette bien sûr ! Le seul problème, c’est que je ne fume pas.Mais c’est certainement pas ça qui va m’arrêter. Cette année, je prends la résolution de commencer à fumer. Je sais, c’est vraiment pas facile.Presque plus personne n’y arrive. Ça pue. Ça coute cher. Ça donne le cancer.En plus, on se fait toujours juger

  • Passeport et lieux de culte: « Redoutons surtout le mal qui ronge le Corps du Christ. »

    Le moine russe Silouane l’Athonite (1866-1938), après des années d’épreuves et de tentations, complètement découragé de sa condition et à court d’espérance, reçoit du Christ lui-même ces mots mystérieux : « Tiens ton âme en enfer et ne désespère pas. » Tout l’inverse de ce que gueulaient les badauds au Calvaire : « Sauve-toi toi-même, si tu es le Fils de Dieu, et descends de la croix ! » (Mt 27,40) C’est devenu un poncif de le dire : la crise révèle et exacerbe ce qui était déjà là en latence. Notre incapacité individuelle et collective à envisager la moindre souffrance a été révélée et décuplée depuis le premier

  • Ami lecteur

    Le Verbe m’a fait une offre que je ne pouvais refuser : une chronique diffusée à l’échelle internationale et traduite en plusieurs langues, en échange de millions de dollars. Si étranger que je sois aux basses considérations de ce monde, j’ai accepté, non sans imposer une réduction spectaculaire de cachet. Il a été entendu, en outre, que ma chronique serait diffusée au Québec. Je remercie la rédaction d’avoir révisé son offre à la baisse. Mon ironie ne t’aura pas échappé, ami lecteur. En écrivant dans ce magazine, où la culture parle à la foi et la foi à la culture, je m’invite

  • Ne lisez pas cet article si vous êtes en fin de session !

    Noël approche. C’est la folie dans les magasins. Mais pour une partie de la société, ce ne sont pas les cadeaux qui pressent. C’est la fin de session. Pour la population étudiante, décembre rime en effet avec examens, oraux, travaux et… café.  J’en sais quelque chose. J’entame cette année ma dixième année à l’université… Et par conséquent, ça fait aussi dix ans que je donne à Noël des cartes à ma famille dans lesquelles il est écrit : « Voici le cadeau que tu auras éventuellement, quand j’aurai le temps d’aller dans les magasins… » Une vertu spéciale Je ne ferai pas pleurer

  • En présence réelle

    L’hiver approche. Rassurez-vous, ce n’est point pour vous servir une énième chronique nostalgique sur le phénomène Game of Thrones que je vous dis cela. Il s’agit d’un simple constat. L’hiver approche, et progressivement la vie sociale migre vers l’intérieur. Cette pensée m’est venue quand, par une belle fin d’avant-midi, mère indigne que je suis, j’ai décidé d’emmener mon fils de six mois dans un resto du quartier, un haut lieu de restauration rapide pas santé pantoute. En me délectant d’un « hotdog-frites », j’y ai croisé des retraités venus socialiser, des étudiants heureux de s’éloigner de l’école l’espace d’un midi. « Lorsque j’arrive à transcender

  • Un pusher d’écrans à l’école

    Plus tôt cet automne, le ministère de la Santé consultait des experts (psychiatres, pédiatres, neurologues, etc.) au sujet de la surutilisation des écrans chez les jeunes. Si le résultat de cette consultation révèle une véritable catastrophe générationnelle, cela n’a pas empêché Québec de poursuivre la distribution d’appareils électroniques dans les écoles.  Le constat dressé par ces spécialistes de la santé physique et mentale était sans équivoque : « les écrans nuisent à la vue, au sommeil, au poids et aux habiletés langagières. Ils augmentent le risque de développer une dépendance, de l’anxiété et une mauvaise estime de soi. » Devant un tel état des lieux

  • Question autochtone : laisser le péché chanter sa plainte

    Principe de Joyce, matchs de hockey précédés d’une reconnaissance qu’on joue sur un territoire autochtone non cédé, revêtir un chandail orange lors de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, reconnaissance d’un racisme systémique à l’endroit des Autochtones, etc. Toutes ces mesures ne sont pas mauvaises en soi et témoignent que la question commence à travailler notre société. Le passé revient ainsi nous hanter, mais savons-nous le saisir adéquatement ? Il y a effectivement trois problèmes à cela. Trois tentations D’abord, la tentation est grande de tomber dans le manichéisme des bons et des méchants, des spoliés et des spoliateurs. Concernant

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