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L’amour est-il en train de disparaitre ?
L’amour, c’est terminé. Eva Illouz, sociologue franco-israélienne, tranche la question dans son dernier ouvrage La fin de l’amour : enquête sur un désarroi contemporain (Seuil, 2020). L’amour serait désormais relégué au passé, un spectre d’un autre temps, une relique vintage, une vieille affaire que la jeunesse d’aujourd’hui, qui pourtant y aspire encore, est condamnée à regretter avec nostalgie. Comment en serions-nous arrivés là ? Le revers de la médaille Jusqu’à la moitié du 20e siècle, la cour et les relations amoureuses étaient régies par des cadres normatifs, par des certitudes sociales. Les rôles de l’homme et de la femme, les termes de l’engagement, y étaient définis et
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La conscience serait-elle partout ?
Il y a présentement une très vieille idée un peu saugrenue qui fait des vagues en philosophie de l’esprit et en sciences cognitives : une minorité grandissante prend au sérieux le panpsychisme, thèse selon laquelle toute chose serait consciente à un certain degré. Même les molécules de l’écran sur lequel vous lisez ce texte, par exemple, auraient une certaine expérience interne. On ne parle évidemment pas d’expériences très riches, mais quand même ! Si cette position amène ses adeptes à sauter trop vite aux conclusions, elle peut cependant constituer un pont important pour notre culture matérialiste vers une vision du monde plus
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L’enfant, une puissance destituante
« Entre ouverture et projet, la différence est absolue. » Henri Maldiney, Penser l’homme et la folie Les vrais mystères, ceux qui ouvrent notre vie sur plus qu’elle-même, ne sont pas réservés aux seuls initiés. Ils sont notre lot commun. Le mystère de la paternité, et plus généralement de la parentalité, tout le monde ne l’éprouvera pas directement. Mais chacun de nous en provient, puisque nul ne s’est engendré lui-même. On pourrait formuler ce mystère ainsi : nous naissons par celui qui nait de nous. Ce n’est pas la mère qui donne naissance à l’enfant. Car la mère, comme mère, ne préexiste pas à
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Amour et argent font-ils bon ménage ?
Quelques jours avant la Saint-Valentin, le comptable et chroniqueur Pierre-Yves McSween a offert aux Québécois son troisième livre, La facture amoureuse. Après Liberté 45, voilà qu’il lève le voile sur un aspect de l’amour dont on parle peu, mal, ou trop (!!!) : ses conséquences financières. À voir comment l’argent permet à certains amoureux de passer leur vie ensemble ou alors de se séparer, il fait bien d’en parler. Il avance que les couples peuvent gagner en maturité grâce à une bonne gestion de leurs finances. « L’amour ne suffit pas », peut-on y lire. Et dans un sens, c’est bien vrai. Mais de quel amour parle-t-on ? Pour McSween,
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Le monde va mal, donc Dieu existe
Beaucoup trouvent que notre monde va mal. Notre vie ordinaire ne cesse d’être bouleversée depuis quelques années par les restrictions sanitaires, les incertitudes, les peurs, etc. Face à ce qui ne tourne pas rond, plusieurs options s’offrent à nous : chercher des solutions, poser des actions, choisir la résignation, et j’en passe. Il y a toutefois une piste peu connue et un peu folle que je voudrais vous proposer : et si les maux qu’on vit pouvaient nous aider à connaitre Dieu ? Ça peut sembler étrange, mais c’est Thomas d’Aquin lui-même qui nous y invite : « Puisqu’il y a du mal, Dieu existe ». Divulgâcheur :
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L’éthique derrière l’étiquette
« C’est pourquoi je vous le dis : ne vous inquiétez pas en vous demandant : Qu’allons-nous manger ? Avec quoi allons-nous nous habiller ? En effet la vie vaut plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement. » – Luc 12, 22-23. Un premier niveau de lecture de cette parole de Jésus nous invite à nous abandonner à la Providence, sans nous soucier de questions vestimentaires. Nous sommes toutefois aujourd’hui confrontés à une crise climatique sans précédent. Ses effets se font déjà sentir partout dans le monde. Des vagues de chaleur aux crues meurtrières soudaines, en passant par l’élévation du niveau de la
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Le passeport vaccinal dans les églises est-il légitime ?
Alors que le Québec redescend du sommet d’une cinquième vague qui l’a pris par surprise, ses différents commerces et services sont en train de rouvrir tranquillement. Les propriétaires et gérants de restaurants, magasins, cinémas, quincailleries doivent toutefois gérer tout un casse-tête avec l’extension du passeport vaccinal dans plusieurs lieux qui n’y étaient pas soumis auparavant. Si les médias parlent beaucoup des règles byzantines qui régissent son application dans les magasins à grande surface, on passe sous silence le problème énorme que pose l’imposition du passeport vaccinal aux lieux de culte. Chose surprenante pour certains, un lieu de culte, que ce
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Développer un rapport sain avec la science
Un texte de Romain Martiny La polarisation affecte toutes les sphères de la société et la science n’y échappe pas. Entre une foi absolue en la science qui la transforme en nouvelle religion et une méfiance qui pousse à la rejeter, comment développer une relation saine avec elle ? La pandémie a sans conteste modifié notre rapport à la science. Les multiples contradictions entre experts exposées dans les médias au printemps 2020 ont amené de nombreuses personnes à douter du savoir scientifique. Pour certains, la science ne parait plus être le domaine de la certitude, comme si le lien de confiance s’était
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Petit traité de la polarisation
Nationalistes contre mondialistes, séparatistes contre fédéralistes, wokistes contre trumpistes, jusqu’aux pro et antimesures sanitaires, nos sociétés sont de plus en plus bipolaires. Plus qu’une simple divergence d’opinions, la polarisation est un phénomène de division et d’exclusion réciproque. Au-delà de la crise covid et de l’influence des réseaux sociaux qui l’amplifient, quels sont les facteurs culturels à l’origine de ce phénomène global qui fracture le corps social et intoxique les débats publics ? Qu’est-ce que la polarisation ? Du grec polos, signifiant « pivot » ou « axe », la polarisation désigne tout processus d’attraction et de concentration autour de deux « pôles » opposés, au sein d’une structure ou
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Le retour de la perception symbolique
L’histoire des deux disciples en route vers Emmaüs reçoit actuellement des échos intéressants en sciences cognitives. On se rappellera ce passage de l’évangile de saint Luc, où deux disciples sont en route après la mort de Jésus et sa disparition du tombeau. Jésus s’approche d’eux, mais ils ne le reconnaissent pas. Ils ne voient qu’un étranger non identifié. Ce n’est qu’après leur avoir expliqué les écritures et avoir partagé du pain avec eux qu’ils réalisent soudainement qui se tient devant eux. L’information que leurs yeux reçoivent n’a pas changé, mais ce n’est pourtant qu’à ce moment que les choses cliquent
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Dr. Bastien et Vivas: « L’Église n’a pas à choisir entre une obéissance aveugle ou la mise en danger d’autrui. »
Un texte de Pascal Bastien et Lucas Vivas Dr. Bastien et Dr. Vivas sont tous deux spécialistes en médecine interne en milieu hospitalier et soignent des patients atteints de la COVID-19 depuis le début de la pandémie. Dans son article Des messes inclusives sous la neige, Le Verbe a brillamment exposé la sainte débrouillardise manifestée à travers le Québec face à la fermeture de nos églises. Ces efforts sont d’authentiques marques de foi et sont dignes de louanges, mais ils ne peuvent cacher le problème tabou sous-jacent. Un commentaire de l’abbé Clément Lafitte de Châteauguay devrait résonner dans nos esprits
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L’immonde Chromebook
Un impératif règne dans nos écoles : il faut intégrer la technologie. Derrière l’idée d’intégrer la technologie à l’éducation s’en cache cependant une autre, qui fait de la technologie quelque chose qui peut s’incorporer à tout, qui est entièrement soumise à notre volonté et nos fins. La technologie serait un pur moyen, un objet qui ne doit pas être pensé en soi, mais seulement à travers la fin qu’il sert. Ainsi, l’intégration de la technologie à l’école ne poserait pas de problème, la question serait seulement de trouver comment la technologie peut nous aider à mieux apprendre. On ne comprend rien
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Sommes-nous des zombies ?
Pourquoi avons-nous produit autant de films, de séries, de livres et de bandes dessinées de zombies dans les dernières décennies ? Pourquoi, avant la crise de la covid-19, des milliers de personnes se déguisaient-elles et se rassemblaient-elles régulièrement un peu partout en Occident pour marcher en hordes de zombies ? Comment ce type de monstre a-t-il pris tant de place dans notre imaginaire ? C’est parce que nous tentons de nous comprendre nous-mêmes. Le zombie est une caricature de notre nihilisme, c’est-à-dire de l’absence de sens que nous détectons dans notre société. Trop souvent, comme le zombie, nous avons tendance à être obsédés par
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La paternité surnaturelle de saint Joseph
*Dans un monde de plus en plus fragmenté et polarisé, Le Verbe médias s’engage à bâtir des ponts au service de la communion. Apprenez-en plus sur notre ligne éditoriale, qui prône un dialogue ouvert et la diversité d’expression, tout en cherchant l’unité dans la vérité et la charité. « Le monde a besoin de pères, […] il refuse ceux qui confondent autorité avec autoritarisme, service avec servilité, confrontation avec oppression, charité avec assistanat, force avec destruction. » Ces paroles du pape François, tirées de sa lettre apostolique Avec un cœur de père publiée en décembre dernier pour l’ouverture de l’année spéciale dédiée à saint Joseph, nous invitent
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Guide pour mieux discuter au réveillon
En ce temps de l’année, les familles se rassemblent. Et la famille, ce sont les personnes qu’on n’a pas choisies. Les gens dont on ne partage pas nécessairement les intérêts ni les opinions. Le plus souvent se présente donc le dilemme suivant : ou se contenter du small talk (nourritures, voyages, blagues, anecdotes, etc.) ou se disputer (politique, religion, vaccin, mesures sanitaires, etc.). Qu’on me comprenne : je n’ai rien contre le small talk. C’est comme les chips : simple et vite satisfaisant. Mais une soirée complète de chips, c’est un peu indigeste… Prenons donc un risque cette année : osons aborder, durant les réunions familiales, un
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Année 2021 : la pornographie en procès
S’appuyant sur des études scientifiques qui se multiplient depuis quelques années, Le Verbe a plusieurs fois fait le procès de la pornographie dans ses pages. Les accusations sont nombreuses et la preuve est accablante : promotion de la culture du viol, exploitation sexuelle des mineurs, vision dégradée de la femme, dépendance… Or, voilà que 2021 nous quitte en nous laissant de bonnes raisons d’espérer : ce procès a maintenant lieu dans nos institutions judiciaires et politiques. Certes, n’exagérons pas l’ampleur de ce changement : il ne s’agit pas ici de la pornographie en général, mais de ce que les anglophones appellent « Big Porn », c’est-à-dire les
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Tout est-il relatif ?
Notre époque est fortement marquée par le relativisme. En bien des domaines, plusieurs pensent que la vérité dépendrait non pas de la réalité, mais des opinions subjectives de chacun. Jusqu’ici, pas besoin d’être un fin analyste pour observer ce phénomène. Si cette tendance n’est pas nouvelle, elle connait une accélération importante depuis quelques années. Ce ne sont plus seulement les croyances religieuses, existentielles ou morales qui sont relatives, mais même l’identité sexuelle et personnelle. Cette tendance est bien ressortie dans les réactions à l’égard du récent projet de loi 2. De plus en plus, on présente les sentiments comme une norme infaillible pour
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Le matérialisme est mort
Le matérialisme est mort. Le matérialisme philosophique, du moins. C’est-à-dire que le vieux projet de réduire l’humain à la matière a échoué. Dans les sciences cognitives, peu sont ceux qui prennent toujours au sérieux l’idée que l’esprit humain n’est ultimement qu’une affaire de particules physiques. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles le matérialisme a perdu tant de plumes. Certaines découlent d’arguments philosophiques, et d’autres de difficultés dans les sciences empiriques. L’expérience de Marie En philosophie, des auteurs comme Frank Jackson et David Chalmers sont devenus célèbres pour avoir défendu des arguments à cet effet. Par exemple, ils nous demandent
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Des corps signés par l’Amour
Texte célèbre mais méconnu, le récit de la création d’Adam et Ève contient beaucoup plus que le suggère une lecture hâtive. Ce récit aux allures mythologiques nous instruit grandement sur la signification du corps et la grandeur insoupçonnée de la sexualité humaine. La beauté sait me transpercer. La tranquillité trompeuse des nuages, leur immensité, leurs mille détails, le jeu de la lumière sur un lac ou sur les troncs d’arbres, la vastitude silencieuse d’un paysage enneigé. Mais soyons honnêtes… rien ne me trouble plus que le visage d’une femme, aux yeux profonds, à la tendresse à peine masquée. Je m’émerveille
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La morsure de l’automne
En cet automne, notre collaboratrice nous offre un texte à la couleur de novembre, un texte sur la mort. Cette saison laissera pour toujours les traces d’une morsure sur sa famille. La perte, soudaine et douloureuse, inscrit une marque béante dans le cœur de chacun. Ce n’est pas là un sujet joyeux et nous avons tendance à vouloir le fuir. Pourtant, la mort nous rattrape, car elle est intrinsèquement liée à la vie. Elle ponctue notre existence et nous amène à elle un jour ou l’autre. Lui faire face, n’est-ce pas aussi reconnaitre le profond désir d’infinité qui nous anime ?
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Mères porteuses, fils pour emporter
Le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, estime que « la société évolue et cela doit se refléter dans le droit ». Pour ce faire, il propose le projet de loi no 2 de l’actuelle session parlementaire qui comprendra des balises pour encadrer la gestation pour autrui (GPA), mieux connue sous le vocable de « mères porteuses». Les plus nobles intentions – ici, donner la vie – risquent toutefois de faire écran aux enjeux éthiques les plus sensibles. Le phénomène n’est pas complètement nouveau. Dans un article de la BBC soulignant sans vergogne que « le monde a besoin de règles pour “vendre” des bébés », on apprend que la
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Quand l’enfant pointe le ciel, l’adulte regarde l’écran
« Alors que nous essayons d’enseigner la vie à nos enfants,nos enfants nous montrent ce qu’est la vie. » – Angela Schwindt À l’aube, un cri retentit. Mon enfant se réveille, déjà vigoureux. Dans un demi-sommeil, je saisis mon téléphone qui m’appelle à son tour. 6 h. Mes doigts glissent sur sa surface lisse éblouissante. C’est le premier réflexe de ma journée qui augure une multitude d’autres clics automatiques et frénétiques. Mais les cris continuent à percer la nuit qui décline, me sortent de ma léthargie. Je retrouve le fil et rejoins mon fils. Mon bébé a besoin de ma présence, toute présente.
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La jalousie, pas seulement chez les autres…
Au cours d’une vie, plusieurs désirs nous habitent et nous animent. Or, si certains de ces désirs s’accompagnent de lumière, d’autres cependant se révèlent moins reluisants. Constat difficile à accepter ? Possible. Mais il s’agit tout de même d’une éclatante vérité : la jalousie n’est pas toujours que l’affaire des autres. Savourer ou dévorer la vie ? Tout dépend de l’attitude que nous adoptons face à nos peurs et à nos désirs. Et parmi les attitudes possibles, aussi tenaces que communes et difficiles à admettre, se trouvent la jalousie, l’envie, la convoitise. Dans le dernier film de Nicolas Maury, Garçon chiffon, une jeune femme de
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Hiroshima: le feu qui dévore
6 aout 1945. 8 heures, 16 minutes et 2 secondes. Le feu atomique rase instantanément les trois quarts des bâtiments de la ville d’Hiroshima, au Japon. 75 000 personnes, presque toutes des civils, meurent sur le coup. 50 000 autres vont mourir des conséquences de blessures diverses et de l’exposition aux radiations dans les trois semaines suivantes. Jamais dans notre histoire multimillénaire l’humain n’avait causé une telle destruction. Le choc est tellement fort qu’il ne reste absolument aucune trace des bâtiments et des gens qui se trouvaient dans un diamètre de 500 mètres du point d’impact. Vous avez bien lu, 500 mètres, un
