-
Comment devenir un homme ?
Il parait qu’on juge une culture à ses fruits. Et bien, quelle sorte d’homme l’Occident arrive-t-il à produire, désormais? Entre les extrêmes du machiste décérébré et de l’efféminé, les hommes errent, en quête d’une identité à revêtir. Pour Jason M. Craig, auteur de Leaving boyhood behind : reclaiming catholic brotherhood, le problème du masculin est bien ancré, à contextualiser dans l’immaturité générale de nos sociétés. Au-delà de la crise, l’auteur s’interroge : comment faire, de nos fils, des hommes? Parce qu’on ne nait pas homme, on le devient Qu’est-ce qu’un homme? Un roc? Un phare? Un roseau? Un loup? Il ne faut
-
Affaire Elghawaby: la régression prémoderne du gouvernement fédéral
La nomination d’Amira Elghawaby à titre de représentante spéciale de la lutte contre l’islamophobie du gouvernement fédéral a provoqué toute une controverse. Alors que les uns allaient jusqu’à souhaiter la démission de la principale intéressée, d’autres cherchaient tant bien que mal à justifier, si ce n’est excuser, ses déclarations incendiaires à l’endroit de la population québécoise. S’en est suivi un vif débat sur la laïcité, les lois québécoises y faisant référence, ainsi qu’une relecture psychanalytique de l’histoire du Québec, histoire qui expliquerait la méfiance des Québécois au sujet de la religion. Essayons de démêler tout cela. Disons les choses clairement:
-
Platon, penseur de la relation
«Ce qui, dans notre monde, est quelque chose, ne l’est que par sa participation à l’idée. L’idée est la cause de chaque chose qui apparaît et qui disparaît» – Walter Burkert (sur la métaphysique de Platon, dans La religion grecque). La Bonne Nouvelle, que les missionnaires propagent depuis saint Pierre et saint Paul, est, selon ce qu’en dit Thomas d’Aquin au début de son commentaire sur l’épitre aux Romains, que l’état de séparation de l’homme avec Dieu est révolu et que les retrouvailles de la créature avec son Créateur sont désormais possibles en Jésus Christ, dans la communion de l’Esprit.
-
La philosophie, celle qui oscille entre science et sagesse
En régime chrétien, tout discours sur Dieu a pour finalité d’inciter à vivre une relation à Dieu. Et toute relation à Dieu se structure autour des principes d’imitation du modèle divin (ici Jésus) et d’incorporation de l’esprit divin (ici l’Esprit Saint), en vue d’une élévation qui rend participant à la vie de Dieu. La relation à Dieu devient ainsi la source et le fruit d’une continuelle conversion intérieure et d’un nouveau mode de vie, qui, graduellement, par cercles concentriques, conduit à la rénovation de toute la vie personnelle, familiale, sociale. Cette conversion est amorcée par une expérience d’illumination intérieure induisant
-
Le scrupule, un obstacle à la vie spirituelle
«La connaissance de Dieu sans celle de sa misère fait l’orgueil. La connaissance de sa misère sans celle de Dieu fait le désespoir. La connaissance de Jésus-Christ fait le milieu parce que nous y trouvons et Dieu et notre misère.» – Blaise Pascal Quelques jours après le jour de l’an, c’est l’heure de vérité. Ceux qui ont réussi à tenir leur résolution jusqu’à présent, je vous lève mon verre. Comme vous voyez, ma résolution cette année n’était pas d’arrêter de prendre un verre. À dire vrai, ce sont plutôt les résolutions elles-mêmes que j’ai arrêté de prendre… à force de
-
Benoît XVI: la quête d’un homme libre
«Seigneur, je t’aime… » Ce sont les dernières paroles de Benoît XVI. Trois mots. Pas un de plus. Une déclaration simple, mais non simpliste, de celui qui, pourtant, a passé sa vie à traduire en mots ce qu’il contemplait. Peut-être précisément parce qu’il Le contemplait, qu’il n’avait plus rien à dire… Grand théologien, pape, il n’a jamais été autant « Pierre » qu’au soir de sa vie. Car, comme Pierre, par trois fois le Christ a bousculé ses certitudes (Jn 21, 15-19). Et comme Pierre, par trois fois Benoît XVI a répondu « oui ». Dans l’ombre du pontificat historique d’un Jean-Paul II acclamé « Santo subito », Benoît XVI accède à
-
Les guerres de Ratzinger
Je ne voudrais pas, par amour de l’allitération (guerre/Ratzinger), entacher la mémoire d’un homme connu et reconnu pour son extrême amabilité et douceur. On dit de lui qu’il était la délicatesse même, et c’est l’impression qu’il m’a donnée lorsque j’ai eu la chance de lui serrer la main, un jour, au pied de l’escalier du Saint-Office, alors qu’il quittait ses bureaux pour aller voir le pape. Impression confirmée depuis par tout ce que j’ai entendu dire à son sujet. Lui coller l’aimable étiquette de Panzerkardinal fut une belle trouvaille du monde progressiste, qui sut si bien, à son apogée, à
-
Saint Jean, l’apôtre caché
Avez-vous déjà remarqué que l’apôtre Jean n’est jamais nommé dans son évangile? Il est toujours désigné comme «le disciple que Jésus aimait». De plus, comme il est fêté le 27 décembre, dans l’ombre de Noël, il est facilement oublié. C’est voulu. En général, saint Jean est un apôtre effacé, mais influent, qui nous enseigne beaucoup sur la contemplation et son importance dans l’Église. Dans les évangiles, Jean apparait souvent en duo avec Pierre, parce qu’ils remplissent des rôles opposés et complémentaires. Pierre est justement la pierre visible sur laquelle Jésus fonde son Église (Mt 16,18). Il mène activement les autres disciples
-
Pas besoin de changer pour être parfait
Noël approche. Je le sais parce que, comme chaque année, ma belle-mère m’a dernièrement re-re-re-raconté la fois où mon mari a joué le rôle du petit Jésus à la messe de minuit. « Peux-tu croire? Il a dormi toute la messe! Assez qu’à la fin, tout le monde croyait que c’était une poupée! Eh bien non, que je leur répondais! C’est mon fils de trois mois! Je n’en reviens pas encore comment il a été bon en petit Jésus. » Mon mari a décroché un rôle qui le dépassait ce soir-là. Car bien que je le trouve beau comme un dieu, force est
-
L’athéisme peut-il être rationnel ?
Lorsqu’on rencontre une personne qui croit en Dieu, il est naturel de se demander quelles sont ses raisons de croire. Et c’est très bien parce qu’on ne veut pas d’une croyance irrationnelle ! Ce questionnement nous amène trop souvent cependant à oublier l’attitude inverse, qui n’est pas moins importante et nécessaire : l’athéisme peut-il être raisonnable ? Il y a un piège qui est trop répandu de nos jours et qu’il nous faut éviter : penser que seul celui qui croit en Dieu doit avoir des raisons pour appuyer sa croyance. Non, peu importe ce qu’on croit, il nous faut des raisons de
-
Foi et philosophie: le face à face convié par saint Paul
Le présent article clôt le cycle de trois textes amorcés avec 5 dimensions missionnaires et poursuivi avec Les 5 langages de l’amour divin. Dans le premier, je faisais une présentation des différents plans sur lesquels se déploie la réflexion missiologique, dont le plan du discours. Dans le second, j’établissais, à l’aide d’exemples tirés de la prédication de saint paul, une typologie des formes de discours missionnaires. Le premier de ces discours, avancè-je, est le discours philosophique, fondé sur l’examen raisonné de la nature et sur la spéculation métaphysique. On le trouve à l’état embryonnaire dans diverses traditions sapientiales (chinoise, indienne,
-
Dieu est-il absent ou présent ?
Un texte du frère Louis Roy, o.p. On parle beaucoup, dans le dernier siècle, de l’absence de Dieu. Ce thème est amplement justifié par bien des phénomènes : en plus des souffrances individuelles telles que la maladie et la mort, les échecs et les infidélités, mentionnons la sécularisation causée par la science et la technologie, la relativisation des croyances et des morales, le recul des Églises dans la sphère du privé, ainsi que des calamités telles que l’injustice, la criminalité, la guerre, l’holocauste de six-millions de Juifs et la pollution de notre planète. Le processus de sécularisation en cours depuis
-
Jésus a-t-il réellement existé?
Chaque année, à Noël, nous célébrons la naissance de Jésus. Mais est-ce que le fondateur du christianisme est réellement venu au monde? Le Christ est-il un personnage historique ou une création mythologique? La question n’est pas secondaire. Car le christianisme, religion de l’incarnation, n’est pas qu’un système de valeurs et de symboles qui donne sens à la vie. Il se présente plutôt comme une bonne nouvelle fondée sur des faits historiques : la vie, les enseignements, les miracles, la mort et la résurrection d’un homme, Jésus de Nazareth, qui prétendait non seulement parler au nom de Dieu, mais être Dieu lui-même.
-
Le christianisme pragmatique de Nassim Taleb
Pourquoi est-ce qu’on raconte des histoires ? Selon le financier et essayiste Nassim Taleb, c’est parce que le monde contient trop de faits. Nous devons donc employer des récits pour le simplifier. Taleb explique cependant qu’en conséquence, nos récits ne tiennent pas compte de l’ensemble du réel et nous exposent à des risques. Comme protection, il recommande de se tourner vers des récits testés par le temps, notamment le christianisme. Taleb explique qu’en général, nous nageons toujours dans une trop grande quantité d’informations. Or, l’information coute cher à obtenir, à conserver et à manipuler. Nous devons donc employer des structures narratives
-
Les centres commerciaux: un paradis perdu ?
J’ai une véritable passion pour les ruines, spécialement les vestiges de la modernité. Stades olympiques, parcs d’attractions, villages miniers : sur internet comme sur la route, j’aime visiter ces endroits qui nous rappellent les fantasmes d’autrefois. Ayant grandi dans la périphérie de Québec, j’ai pu observer de près la déchéance des Galeries de la Canardière, le premier centre commercial ayant été construit sur le territoire de la ville. Voué à être « revitalisé », il reste pour le moment déserté, tant des clients que des commerçants. Moi-même, je ne fréquentais plus vraiment les grandes surfaces, préférant me diriger vers des rues commerçantes ou
-
Les 5 langages de l’amour divin et leur rôle pour la mission
L’engagement missionnaire, comme tout autre aspect de la vie chrétienne, exige une docilité à l’Esprit Saint, premier protagoniste de la mission, selon le mot de Paul VI. Le missionnaire aguerri est, en outre, celui qui sait se laisser surprendre ou «déranger» par la Providence. En effet, c’est en saisissant les occasions fournies par la Providence et en sachant, à partir de circonstances apparemment fortuites, créer des occasions d’évangéliser, que le chrétien pourra plus aisément entrer en contact avec ses frères humains, engager avec eux la conversation, échanger des idées et se mettre à l’écoute lorsqu’ils oseront s’ouvrir à lui sur
-
La psychologie positive, une mauvaise horticulture
Le bonheur s’apprend, à grand renfort d’exercices et de bonne volonté. C’est du moins ce que le buisson ardent avait à dire à Seligman, chercheur à l’origine de la psychologie positive. Il fallait d’abord y croire. La psychologie positive a émergé au tournant du dernier millénaire et, décidément, elle semble coller à notre siècle. Pourquoi est-elle si populaire et lucrative? Pourquoi accroche-t-elle autant? Elle a, en fait, tout l’air de la pièce psychologique ajustée au casse-tête postmoderne. Une perspective sur l’humain compatible avec le narratif néolibéral qui sert désormais de trame à notre existence. What he says? L’homme est un
-
Sauver l’homme au masculin
Le 19 novembre, nous soulignons la journée internationale de l’homme. Une fête que l’on aborde, avouons-le, un peu à reculons, avec timidité, voire avec énervement. L’homme, un être dont on ne sait plus quoi faire, et que certains voudraient même «effacer». Pourtant, il y a bien des raisons de célébrer. Pour les connaitre, il ne faut pas s’empêcher de parler de l’homme au masculin, un masculin qui ne l’emporte pas sur le féminin, mais auquel on peut tout de même s’accorder. La masculinité ne se porte pas très bien. En juin dernier, la Semaine québécoise de la paternité avait pour
-
5 dimensions missionnaires pour renouveler les paroisses
Notre chroniqueur, qui travaille en pastorale à Montréal, a profité du mois d’octobre, mois de la mission dans l’Église catholique, pour méditer sur l’enjeu du renouveau missionnaire des paroisses. Il nous livre ici quelques-unes de ses réflexions. Il y a 10 ans cette année, paraissait aux États-Unis le livre Rebuilt, un ouvrage essentiellement pratique, coécrit par un curé et son bras droit. Ces derniers proposaient une voie de renouveau missionnaire et pastoral pour les paroisses catholiques confrontées depuis des décennies à la sécularisation de la culture, à la baisse de la pratique, et donc au déclin. Le succès fut à
-
Le mystère des grottes de Lascaux
En chemin vers les grottes de Lascaux, vieilles de 18 000 ans, je me demande que trouveraient les humains du futur comme vestiges de notre civilisation du 21e siècle. Des circuits miniaturisés, des couches de polymère, des détritus radioactifs, des mines éventrées, des débris de satellites ? Comment interpréteraient-ils ces artéfacts? Comme le signe d’une ancienne civilisation effondrée ou comme le prélude du dépassement de l’intelligence humaine? En écoutant les indications de mon GPS vers ce lieu de la préhistoire, le contraste me saute aux yeux. Notre culture technologique de l’instantanéité n’aurait pas existé sans une lente maturation du génie humain
-
Renaissance du catholicisme politique ?
*Dans un monde de plus en plus fragmenté et polarisé, Le Verbe médias s’engage à bâtir des ponts au service de la communion. Apprenez-en plus sur notre ligne éditoriale, qui prône un dialogue ouvert et la diversité d’expression, tout en cherchant l’unité dans la vérité et la charité. J’ai passé la dernière année aux États-Unis, où j’ai vu à l’œuvre une pensée en émergence, profondément critique du libéralisme et enracinée dans la tradition du catholicisme politique. Sa richesse et sa diversité a quelque chose, pour un catholique québécois, de profondément étonnant. Pour m’aider à rendre compte de ce «mouvement postlibéral», j’ai échangé avec
-
Apologie des rites funéraires
Le récent décès de l’un de mes oncles, et surtout l’expéditive «cérémonie» au salon funéraire l’ayant suivi, m’ont amené à réfléchir sur les rapports qu’entretient notre société avec cette ultime étape qui nous attend tous. Réflexions autour de la mort et des rites funéraires. Disons-le sans détour : nous refusons souvent de penser à la mort par peur de celle-ci et parce qu’elle remet en cause certains schémas sociaux dominants. La vilaine faucheuse s’attaque farouchement à une vision sociale qui est essentiellement basée sur un culte de la jeunesse éternelle et sur la négation de toute conception de l’au-delà. Dans un
-
La portée symbolique de l’Halloween
L’automne est déjà bien entamé. Finies, les journées chaudes et les soirées ensoleillées. Dans quelques semaines, il y aura déjà beaucoup de neige… En Occident en 2022, on ne s’en fait pas tant que ça quand l’hiver arrive. Ce sera un peu embêtant, mais on ne manquera pas de nourriture et nous resterons au chaud. Pour nos ancêtres du nord de l’Europe cependant, la situation était plus inquiétante. La récolte avait-elle été assez bonne pour passer à travers l’hiver ? Est-ce que le froid serait trop rude pour nos ainés et nos enfants ? Bref, on entrevoyait la mort arriver. Triduum Comment
-
Dieu existe-t-il ?
Un jour, j’ai demandé à un vieux monsieur : « Comment savez-vous si Dieu existe ou pas ? » Avec un sourire en coin, il a pris entre ses doigts un petit brin de gazon et il m’a dit : « Regarde ça ! Tous les scientifiques de la terre ne sont même pas capables de faire ça ! » Pas bête, le vieux monsieur ! Avoir une première connaissance de l’existence de Dieu n’est pas très difficile. Imaginons qu’on découvre sur la face cachée de la lune une usine entièrement automatisée de téléphones « intelligents ». Est-ce qu’on va soudainement s’exclamer : « Wow ! C’est incroyable ce que le hasard a fait ! »
Page précédente