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La fausse ouverture de Justin Trudeau
Depuis quelque temps déjà, une polémique fait rage, surtout au Canada anglais, concernant la volonté mise de l’avant par le gouvernement libéral de Justin Trudeau de bannir du programme de subvention pour les emplois d’été tous les groupes ayant des affiliations pro-vie. Nous le savons depuis longtemps, le catholicisme de Justin Trudeau ne dépasse pas les limites de la doxa « progressiste ». Alors même qu’il était dans la course à la chefferie, il avait affirmé sa volonté ferme d’exclure tous les candidats pro-vie de son parti, politique qualifiée par certains «d’erreur de jeunesse» (12 :50) . Cette position maladroite revient aujourd’hui comme un boomerang:
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Comment prendre son pied sans se les casser
Un texte d’Anne-Sophie Richard De nos jours, il est aisé de croire qu’il n’y a plus de restrictions en matière de sexualité. Pour plusieurs, le consentement serait le principe et la fin d’une sexualité épanouie. Rien n’est moins certain. Le discours ambiant semble tenir à cette idée que, si chacun consent, le sexe est bien fait. (Le ministère de la Santé vous prie toutefois de jouer prudemment afin d’éviter d’attraper une maladie désagréable.) Mais qu’est-ce que cela implique? Consentir signifie accepter que quelque chose se fasse, se passe. À quoi consentent donc deux personnes, parfois deux inconnus, qui s’adonnent ensemble
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Ni Marx ni Marduk
« Car la loi du monde est le refus. » – Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne (1936) À la fin de L’envers de la révolte, j’ai promis d’expliquer, dans un prochain article, pourquoi « Les mythologies du progrès, même les plus flambant neuves [pensons au progressisme contemporain], ont […] des affinités secrètes avec la cosmologie païenne du Moyen-Orient ancien comme avec celle élaborée par le fumeux courant gnostique, au début de notre ère ». Pareille assertion n’a rien d’évident, j’en suis bien conscient. Et on peut se demander si l’effort intellectuel qui consiste à rapprocher des réalités culturelles aussi différentes,
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Il faut réenchanter le sexe!
Dans le cadre de notre dernier dossier Amour libre, Simon Lessard animera prochainement à Montréal, Sherbrooke et Québec des conférences-causeries sur les difficiles relations entre Dieu et le sexe. Nous lui avons posé quelques questions afin d’entamer les préliminaires ! Le Verbe : Dieu et le sexe ne semblent pas faire bon ménage. Pouvons-nous dire que Dieu est pour ou contre le sexe ? Simon Lessard : La question est évidemment un faux dilemme. N’oublions pas que c’est Dieu qui a créé le sexe, ce n’est pas une erreur de la nature, c’est au contraire au cœur du processus naturel de la
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L’envers de la révolte
Nul ne l’ignore: rien ne tourne bien rond en ce bas monde. Nul n’ignore, par exemple, que trop souvent « la justice entre les mains des puissants n’est qu’un instrument de gouvernement comme les autres », ainsi que le fait dire Georges Bernanos (1888-1948) à l’un de ses personnages (1), dans le Journal d’un curé de campagne. D’ailleurs, s’interroge la même créature imaginaire, « pourquoi l’appelle-t-on justice? Disons plutôt l’injustice, mais calculée, efficace, basée entièrement sur l’expérience effroyable de la résistance du faible, de sa capacité de souffrance, d’humiliation et de malheur. L’injustice maintenue à l’exact degré de tension qu’il faut pour
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Pour un libéralisme adulte
Dire que les dix ou vingt dernières années ont été celles de l’avènement du néo-libéralisme est devenu un lieu commun. Chez les intellectuels de gauche comme de droite, plus personne n’en doute: la forme la plus axée sur l’économie de la philosophie libérale prédomine. Un peu partout dans le monde, les États deviennent les promoteurs de cette idéologie alors qu’il en était initialement le contraire. Je suis de ceux et celles qui considèrent le libéralisme (tant politique qu’économique) comme relativement conforme à la « nature humaine », donc comme une manière sensée d’organiser la société. Je le préfèrerai toujours aux idéologies
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De Sainte-Foy à Tibhirine
Au moment même où nous commémorons l’attentat de la Mosquée de Québec, la pensée du frère Christian de Chergé peut nous aider à comprendre, non seulement notre connaissance du Christ, mais également le sens profond que peuvent révéler de telles tragédies. Vendredi dernier, le pape François signait le décret de béatification des 19 martyrs d’Algérie parmi lesquels figurent les désormais célèbres moines de Tibhirine. Nous connaissons bien l’histoire de ces hommes qui, par amour pour Dieu et le peuple algérien, avaient décidé de rester dans leur monastère, et ce, malgré la double menace islamiste et militaire. L’un deux, le frère Christian de Chergé, avait
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Chinoiseries
Alors que le premier ministre Philippe Couillard est en voyage en Chine à la tête d’une délégation québécoise surtout composée d’acteurs du monde des affaires, il est bon de se rappeler qu’on peut penser notre rapport avec ce pays quadrimillénaire en des termes qui ne sont pas qu’économiques, mais aussi philosophiques, religieux, éthiques et politiques. Modestement, c’est ce que ce collage de chroniques, précédé d’une notice inédite, invite à faire. * Depuis longtemps je m’intéresse à la Chine. À la fin des années 1990, alors que j’étais au bac, j’ai même pensé me spécialiser en philosophie chinoise. La très noble
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La politique de Peter Pan
Philippe Muray, mort en 2006, avait déjà décrit cette « nouvelle humanité » puérile, empourprée et postillionnante, qui ne veut pas qu’on lui fasse bobo (1). Aujourd’hui, elle régente l’opinion et règne presque sans partage sur nos campus universitaires, nos plateaux de télévision, nos collines parlementaires, soit en y occupant des positions qui lui assurent le contrôle effectif du milieu et sa sanctuarisation, soit en y faisant triompher, à distance, grâce à la pression du conformisme, à la menace de l’ostracisme, à la veulerie du grégarisme, certains interdits d’ordre intellectuel et discursif, dont la transgression entraîne la disqualification morale des contrevenants.
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L’Apocalypse, archétype dystopique?
Ainsi, il faut comprendre l’époque où est écrite l’Apocalypse, et savoir qu’alors Domitien était César. – Victorin de Poetovio, Sur l’Apocalypse (texte datant de 258-260). Peu de gens savent que le dernier livre de la Bible est un chef-d’œuvre de la littérature antitotalitaire. C’est en poussant plus avant l’étude de l’Apocalypse que le lecteur comprend qu’il est devant une œuvre de l’Antiquité ayant des accointances avec la littérature dystopique, dont le plus remarquable exemple est peut-être 1984. Dans ce roman antistalinien de George Orwell, Big Brother assure le triomphe de l’ordre totalitaire par le maintient d’un État policier. Dans l’Apocalypse,
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Pas d’amalgame!
Depuis la montée des enjeux liés à l’islam en Occident, plusieurs personnalités ont manifesté leur ouverture à son endroit, y compris au sein même de l’Église catholique. Chaque fois qu’un attentat terroriste est revendiqué en son nom, on évoque le caractère pacifique de cette religion. Dans un discours prononcé en juin 2009 à l’Université du Caire, Barak Obama affirmait que l’islam avait une « fière tradition de tolérance » qu’on pouvait clairement percevoir dans l’histoire de l’Andalousie et du Califat de Cordoue. Pour l’ancien président américain comme pour plusieurs autres politiciens, l’islam semble parfaitement compatible avec les grandes valeurs de la civilisation occidentale.
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Une fin et un commencement
Un texte de Louis Dionne En apparence, naissance et mort sont des oxymores, en apparence seulement puisque je crois qu’elles sont plutôt des adéquations. Lisez ces lignes et faites votre opinion. Les quelques données suivantes vous donneront l’occasion de trouver votre réponse, si réponse il y a. Martine Tanghe, une bénévole en soins palliatifs en Belgique, s’est elle-même posé la question: la naissance et la mort seraient-elles un commencement et une fin ou une fin et un commencement? Que la naissance soit une fin de la vie utérine et un commencement de la vie terrestre, ç’est une évidence, mais peut-on croire que
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La Trinité, une histoire de famille
Voici les Veilleux; une famille d’intellos ayant Dieu pour sujet d’obstination préféré : Popi : Théologien de tradition latine, spécialiste de saint Augustin. Momi : Féministe soft, bibliste de formation. Fiston : Écologiste intégral, charmé par la pensée chrétienne orientale. Fillette : Tente de suivre sa famille, mais préfère tout de même jouer avec ses figurines. * * * Chacun lit autour de la table de la cuisine, alors que la petite joue au papa et à la maman. Popi relève la tête de son carnet de notes. Popi : Ah! Si je finis par aboutir dans mon raisonnement sur le mystère de la Trinité… Ça
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À côté de nos pompes (ou la fragile impression d’exister)
L’ouverture d’une boutique de sport a fait couler beaucoup d’encre cette semaine. Alors que tous les marchands se préparaient au délire du vendredi fou, d’autres célébraient en grande pompe (et en grandes pompes!), en plein centre-ville de Montréal, l’ouverture de leur lieu de culte au Mammon de la consommation. Tout semblait parfait. On s’imagine l’énergie mise par les boites de com et autres spécialistes pour donner un peu de sens au vide existentiel. Une chose leur avait pourtant échappé : la rue Sainte-Catherine n’est pas une chaine YouTube et Montréal n’est pas qu’un statut Facebook. La virtualisation du monde n’étant pas
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La structure en carton-pâte d’un argument béton
Un texte de Jeffrey Elawani Dans un texte paru le 16 novembre dernier sur Ricochet, Céline Hequet s’empresse de parler d’oppression imaginaire des Québécois. Cette précipitation suffit à révéler la présence d’un présupposé important dans son argumentaire. Malgré son titre Les arguments pour l’indépendance du Québec (ou leur absence) [je souligne], le texte enchaîne après quelques lignes sur l’absence de stigmates d’opprimés chez les Québécois contemporains et se maintient tout au long dans le seul thème des rapports d’oppression. Le présupposé est déclaré expressément en milieu de texte : un peuple est défini par des rapports de domination. Puisque le
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La laïcité ou l’impossible neutralité religieuse
Le 18 octobre dernier a été sanctionné, après deux ans de débats, le projet de loi 62, ou Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État et visant notamment à encadrer les demandes d’accommodements pour un motif religieux dans certains organismes. Alors que les critiques fusent et que la loi est officiellement contestée en cour, il convient de se pencher sur les principes et les objectifs qui la sous-tendent. Rappelons-en d’abord les grandes lignes. D’abord, la loi institue le devoir pour les membres du personnel des organismes publics d’exercer leur fonction « de façon à ne pas favoriser ni
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Cartographier l’âme
Michael Egnor est professeur de chirurgie neurologique à Stony Brook University School of Medicine. Ce texte a d’abord été publié en ligne dans la revue américaine First Things sous le titre «A Map of The Soul» (2017) et a été traduit de l’anglais par James Langlois. Pour consulter la version numérique de l’article original: https://www.firstthings.com/web-exclusives/2017/06/a-map-of-the-soul * «Docteur, quel est ce bruit?» La voix m’a surpris. J’étais en train d’opérer une femme ayant une tumeur située près de la région du cerveau responsable du langage. Je devais retirer une bonne partie de son lobe frontal afin d’enlever la masse. Puisqu’il fallait qu’elle soit réveillée pour que
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Imbroglio au pied de la Croix
Vendredi saint. La tension monte au Calvaire. Un air larmoyant d’Ennio Morricone soulève la poussière sur le drame de trois hommes rivés au bois du supplice, dont l’identité se confond selon les regards qui, depuis le parterre, les vénèrent ou les maudissent. D’un côté, pour ceux et celles qui se lamentent et pleurent la perte de leur tendre illusion d’un Royaume trop humain, le Bon se tient au centre entre la brute et le truand. Mais de l’autre, pour les bienpensants sans besoin de salut, le bon crache et vocifère sur le Truand du milieu, la brute de l’autre côté
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Multiculturalisme et identité : quand l’Église a tout à gagner
La question du crucifix à l’Assemblée nationale est une fois de plus revenue dans l’actualité à la suite d’une requête du parti Québec solidaire demandant son retrait. Parallèlement à ce débat, notre blogueur Francis Denis, journaliste à la Télévision Sel + Lumière, entrevoit dans le multiculturalisme et les replis identitaires des occasions d’évangélisation. Outre les intéressantes recherches sur l’authenticité du crucifix qui, pour des raisons patrimoniales, imposent que l’on remette l’original à sa place, cette revendication laïciste est le signe que ce parti demeure marginal, reliquaire d’une vieille mentalité anticléricale moribonde. Dernier bastion authentique d’un « messianisme compensatoire progressiste », Québec solidaire a
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Fatima : un siècle de lumière
Le 13 mai 2017, le pape François se rendait à Fatima pour commémorer les 100 ans des apparitions phares du 20e siècle. Cent ans pour accueillir un message qui annonce un Dieu pour le monde, mais qui aussi dénonce un monde contre Dieu. Car, il faut le reconnaitre, Fatima est sans aucun doute la plus prophétique des apparitions modernes. Et comme toute prophétie, elle n’est pas sans déranger ceux qui se croient bien installés. Portugal, 1915, Première Guerre mondiale. Une jeune fille de 8 ans, Lucie Dos Santos, et trois autres petites bergères voient sur une colline plantée d’oliviers une figure semblable à une
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Cachez cette matraque que je ne saurais voir
« La question d’importance est un lieu commun à tous les genres de discours ; car tout le monde emploie des arguments qui tendent soit à diminuer, soit à grandir l’importance d’un fait. » – Aristote, Rhétorique, Livre II, Chapitre XVIII, paragraphe IV. On connaît l’impact des images et des représentations sur les opinions publiques. La capacité réelle d’un mouvement social ou politique à sortir vainqueur d’un confrontation dépend souvent de l’importance qu’il prendra symboliquement, dans l’esprit, la mémoire ou la conscience des hommes. C’est pour cette raison que les pouvoirs qui cherchent au contraire, par la propagande et la force, à
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Éducation sexuelle : les pompiers pyromanes
Un texte de Stéphane Bürgi* Depuis quelques années, il est question d’éducation sexuelle au Québec. Hypersexualisation, maladies transmissibles sexuellement, grossesses précoces, le tout accompagné de détresses psychologiques : personne ne peut aujourd’hui nier que les jeunes ont un réel besoin d’éducation à la sexualité. Doit-on pour autant se réjouir de l’arrivée du nouveau cours dans les salles de classe du Québec? En fait, si on y regarde de plus près, on peut sérieusement se demander si le contenu du programme, plutôt que d’offrir une solution, ne fera pas qu’aggraver le problème. Un programme contre la science… Par exemple, est-il approprié
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Plus catholique que le pape?
Depuis sa publication, l’exhortation apostolique Amoris laetitia a fait couler beaucoup d’encre, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Église. Malheureusement, ses détracteurs (dont certains défenseurs de la doctrine de l’Église sur la vie et la famille) se sont fait une joie d’extraire ce qui, dans le document, portait à une interprétation qui favorisait leur propre idéologie. Même au plus haut rang de l’Église, certains cardinaux se sont prononcés en faveur d’une prétendue clarification que le Saint-Père devait émettre pour le bien de l’Église, c’est ce qu’on a appelé les « dubia ». Plus récemment, plusieurs théologiens et membres du clergé ont pensé
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Accueillir dans une pièce vide
Dans une déclaration récente, la chef du Bloc québécois, Martine Ouellet, évoquait la montée d’une « gauche religieuse » au Canada. Selon elle, l’aspirant chef du Nouveau parti démocratique, Jagmeet Singh, symbolise ce nouveau courant en refusant de faire une distinction claire entre son appartenance religieuse et la politique. Le politicien de confession sikhe, qui s’est défendu ensuite d’incarner cette nouvelle gauche, est soupçonné par la chef bloquiste de dissimuler des motivations religieuses sous un discours progressiste. Nous laisserons à Jagmeet Singh le soin de préciser ses intentions. Ceci dit, il apparait évident que Martine Ouellet pose globalement un juste diagnostic. J’ai
