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Quand Russell ne sait pas lire saint Augustin
Plusieurs croient connaitre la pensée des anciens en se référant aux écrits des modernes. Pourtant, les anciens offrent une sagesse qui n’est pas toujours relayée par les auteurs modernes. Une bonne illustration de ce problème est la présentation de saint Augustin par Bertrand Russell. Malgré ce qu’en dit Russell, saint Augustin est l’un des plus grands révélateurs de notre âme. Bertrand Russell est un philosophe britannique de grand prestige, sans contredit l’un des plus influents au sein du monde anglo-saxon durant le vingtième siècle. Il est un fondateur de la philosophie analytique et les défenseurs de l’athéisme se réfèrent souvent
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Courir après le temps: du YOLO à l’éternité
Le regretté Dédé Fortin des Colocs chantait: « La vie c’est court, mais c’est long des p’tits bouttes ». Et même quand l’espérance de vie augmente, on trouve que « ça va vite ». Tout s’accélère, tout bouge. S’il faut tant planifier, c’est que le futur n’est jamais loin. Une chose est sûre : le monde moderne a changé notre rapport au temps. Mais comment ce changement a-t-il pu se produire ? Les jours et les nuits se succèdent pourtant comme avant ; ma montre ne va pas plus vite que les cadrans solaires de l’Égypte antique. Intrigant, non ? En cherchant des explications, on se rend compte
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J.-P. Willaime: Libre parce que chrétien
Alors que le manque de liberté d’expression apparait de plus en plus nettement dans le monde universitaire, Jean-Paul Willaime refuse tout endoctrinement et toute idéologie. Ses entretiens avec E.-Martin Meunier dans La guerre des dieux n’aura pas lieu (2019) nous font découvrir « l’itinéraire d’un sociologue des religions » aussi libre qu’éclairant pour tous ceux qui cherchent à porter une parole chrétienne crédible pour notre temps. Tout au long des pages de ce livre remarquable, on assiste à l’évolution d’une pensée sociologique fidèle aux principes qui l’ont fait naitre. Encore étudiant, Jean-Paul Willaime était conscient du sectarisme philosophique dans lequel s’étaient emprisonnés les différents
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La valse de la Saint-Valentin
Nouvelles dates, nouveaux chums, nouvelles blondes, nouvels amours, nouveaux coup-de-foudre… La Saint-Valentin, avec ses représentations commerciales et même artistiques, nous vend un monde facile et magique. La seule chose qu’elle ne propose pas vraiment, c’est un amour durable. Notion aujourd’hui périmée, il s’agit de la clé pour vivre pleinement une relation. La Saint-Valentin est à nos portes. Qu’y a-t-il dans cette fête contemporaine pour ceux qui, comme moi, se sont promis fidélité jusqu’à la mort ? On pourrait penser que nous n’avons plus rien à attendre de cupidon. On pourrait penser qu’une fois les premiers émois amoureux passés, notre couple doit
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Nos élèves, monsieur le ministre!
Le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge déposait le projet de loi 40 l’automne dernier. Comportant 300 articles, le projet modifie pas moins de 80 lois. Derrière cette ambition se cache toutefois un problème de taille : la remise en cause de l’autonomie professionnelle des enseignants. Qu’on soit d’accord ou non avec les revendications des syndicats des professeurs, il m’apparait incontournable qu’on leur donne une voix. Il n’y a déjà plus beaucoup de professeurs (le dire est un truisme), ne faudrait-il pas en prendre un peu plus soin ? En effet, il s’agit là d’une réforme importante et profonde du système d’éducation. Selon
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Euthanasie: le point de vue d’un infirmier
Un texte de Jean-Michel Landry, infirmier clinicien et étudiant au doctorat en médecine. Quelques années après l’adoption du projet de loi qui légifère l’euthanasie au Québec, nous voici déjà en train d’en élargir les conditions d’admissibilité. Il faut se méfier des risques de dérapages de ces nouvelles mesures et surtout continuer à protéger le malade dans sa réelle dignité. Nous sommes au milieu d’une mise en scène politicomédiatique qui créé des « groupes d’experts ». Les professionnels présents dans les maisons de soins palliatifs en sont pratiquement absents. Ils rassemblent des personnes qui sont déjà pro-euthanasie — certains en comptent des dizaines
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« La race des prêtres, c’est la pire »
Je n’avais autrefois rien de négatif ni de positif à dire à propos des prêtres : ils étaient là, sans que je les considère vraiment. C’était avant que je comprenne leur mission. « La race des prêtres, c’est la pire », me confiait-on encore dernièrement. C’était — cette fois du moins — une simple boutade. De la part d’un prêtre qui plus est ! Et pourtant, nombreux aujourd’hui y adhèreraient, même dans les milieux chrétiens… Encore à propos de Florence ! Personnellement, je n’ai jamais rien eu de négatif à dire contre les prêtres (hormis quelques lamentations à propos d’homélies plus ennuyantes que d’autres). Jusqu’à
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Qu’est-ce qu’une secte?
La diffusion du film Les éblouis a fait apparaitre l’expression « secte catholique » dans les médias québécois. Plus près de nous, c’est la Famille Marie-Jeunesse, visée par un recours collectif, qui a été taxée de ce terme. Un ancien membre accuse son fondateur d’être un « gourou » qui aurait abusé physiquement, psychologiquement et spirituellement de ses membres. Quant au film, la réalisatrice puise dans ses souvenirs pour y relater le parcours d’une famille au sein d’une communauté du Renouveau charismatique. À travers le regard de Camille, adolescente, on observe les dérives de ce groupe rassemblé autour du personnage du Berger. Au début des années 2000, les
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Faut-il ordonner prêtre des hommes mariés?
Dans l’attente des conclusions du pape François sur le synode amazonien de l’automne, le cardinal Robert Sarah, en collaboration avec le pape émérite Benoît XVI, publie un livre qui fait polémique, car il aborde frontalement la proposition la plus controversée de l’heure : faut-il ordonner des hommes mariés (viri probati) pour pallier le manque de prêtre dans les zones éloignées. Solution miracle ou sacrilège ? Sans surprise, la première raison évoquée pour réclamer l’assouplissement de la discipline du célibat dans l’Église romaine, c’est pour pallier le manque de prêtres. Dans le cas du synode sur l’Amazonie, il s’agit d’une proposition parmi des dizaines,
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Pourquoi Dieu permet-il la souffrance ?
Été 2016. Il fait chaud. Nous nous attablons dehors pour tenter de trouver l’air frais du crépuscule. Belle soirée pour fêter un de nos amis, entourés de ses amis à lui. Nous ne connaissons presque personne, mais nous, tout le monde nous connait. Nous sommes les cathos. Les moutons noirs. Notre voisin de table est plutôt sympathique. James, qu’il s’appelle. En parlant avec lui, nous apprenons que sa mère est très malade. Cancer, phase terminale. Il nous confie qu’il trouve cela très difficile de la voir souffrir. Qu’il en vient à se demander le sens de la souffrance, de la mort,
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Les mages, pères de la contemplation
Nous avons tous une passion. Un truc qui nous fait flipper. Pour certains, c’est le curling; pour d’autres, ce sera l’origami ou l’encodage informatique. Pour les rois mages, leur passion, c’était de regarder le ciel. (Ne jugez pas trop vite. À l’époque, les options de loisirs étaient plutôt restreintes.) Dans ce qui les faisait vibrer, dans cette inclination naturelle de leur cœur, le Créateur s’est incliné lui-même et s’est manifesté à eux – c’est le sens de l’épiphanie – en faisant clignoter le ciel spécialement pour eux. Leur vie, qui n’était alors qu’accumulation de connaissances, est devenue une question, une quête.
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Quel Noël pour les mécréants?
Alors que de nombreuses villes, organismes et commerces ont choisi ces dernières années d’éclipser les crèches de leurs décorations de Noël dans une perspective laïciste, on peut se demander si Noël a encore un sens dans un monde pluraliste, agnostique, voire athée. Ne vaudrait-il pas mieux remplacer Noël par une fête de l’hiver ou de la lumière ? Le pape François a demandé des crèches partout pour Noël, non seulement dans nos maisons, mais aussi « sur les lieux de travail, dans les écoles, les hôpitaux, les prisons et sur les places publiques ». Le Saint-Père, qui a déjà déclaré trouver « stupide »
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Une spiritualité d’enfant, remède à l’anxiété
Anxiété généralisée, trouble obsessionnel compulsif, stress posttraumatique, agoraphobie, écoanxiété… Le monde entier est angoissé comme jamais. L’unique solution durable est d’amorcer une logique inverse à celle de la peur, du contrôle et de l’efficacité. Cette logique est celle de la confiance, de l’abandon et de la gratuité. Les spécialistes reconnaissent que les causes sont multiples et mal connues : trop d’écrans, trop de changements, trop de travail, trop de conflits. En tout cas, tout va trop vite. Les médications et les psychothérapies semblent livrer d’assez bons résultats, avec bien sûr un mode de vie sain : bien manger, dormir, respirer et surtout
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5 bonnes idées selon Charles De Koninck
Un texte de Maxime Valcourt-Blouin Voici une sélection de principes éducatifs édictés par l’un des philosophes québécois les plus importants du 20e siècle, Charles De Koninck. 1- Éduquer pour faire des humains L’éducation compte parmi les biens les plus fondamentaux que recherche l’enfant. Cette primauté de l’éducation ne s’explique pas uniquement par le fait que l’être humain a besoin d’elle pour être heureux et libre; elle trouve son fondement dans la nature même des choses. D’après Charles De Koninck, la nature elle-même, dans son labeur constant d’engendrement de nouveaux êtres vivants, ne vise pas simplement à la reproduction et à la
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Le métier d’éducateur selon Nestor Turcotte
Un texte de Nestor Turcotte L’instituteur (d’un mot latin qui veut dire: «celui qui fonde») est, comme le dit si bien le philosophe Heidegger, «le berger de l’être». Il est le délégué aux valeurs permanentes. Lesquelles sont universelles. Nestor Turcotte, auteur et prof d’expérience maintenant à la retraite, nous livre un regard sans concession sur l’éducation. L’école, dois-je le souligner, traverse une crise très profonde. Les collégiens sont souvent dégoutés de leur école. L’établissement scolaire qu’ils fréquentent leur semble une immense machine à faire le vide. Les édifices sont modernes, bien équipés, mais il n’y a plus d’âme. Les jeunes
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Le prix Ratzinger pour un philosophe de chez nous !
Le 9 novembre dernier, le pape a remis le prestigieux prix Ratzinger au philosophe Charles Taylor. Dans son discours lors de la remise du prix, le pape a souligné l’influence remarquable de sa pensée pour « le développement de la culture occidentale, les mouvements de l’esprit humain au fil du temps, en identifiant les caractéristiques de la modernité ». Comme pour beaucoup de Québécois, c’est au cégep que j’ai pour la première fois été en contact avec sa pensée. Je me suis très tôt intéressé à son diagnostic des Grandeurs et misères de la modernité. Qui aurait cru qu’une décennie plus tard
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Chaque enfant est une oeuvre d’art
Quelle est la nature de la relation entre pédagogie et foi? Sont-elles si éloignées l’une de l’autre? Sans contester la laïcité de nos institutions, ne pourrait-on pas concevoir un terreau permettant d’enseigner aux enfants des apprentissages très concrets, mais tout aussi fertile pour qu’il s’ouvre au dialogue avec Dieu? Déjà, dans la tornade de la sécularisation des écoles, à la fin du 19e siècle, Charlotte Mason et Maria Montessori, deux femmes convaincues de la possibilité d’une telle chose, ont fait entendre leur voix. Est-ce que la foi et la pédagogie sont deux vases clos, indépendants en tous points? Après tout, avoir
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Dieu ne promet pas le bonheur
Deux faux évangiles, qui découlent de la même erreur, se répandent parmi les chrétiens. Je parle ici de l’évangile du bonheur et celui de la prospérité. Depuis quelques décennies, l’évangile de la prospérité est très présent aux États-Unis et en Afrique. Selon cette interprétation de la révélation chrétienne, Dieu promet la richesse matérielle à ses fidèles comme signe de faveur divine. Or, il faut savoir que la plupart des chrétiens dénoncent cette interprétation en soutenant qu’elle contredit des enseignements fondamentaux de Jésus-Christ. En effet, ceux qui croient que Dieu promet la prospérité sombrent dans une double dérive. D’une part, leurs
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Les études universitaires: un exercice spirituel
Un texte du père Francesco Vermigli, traduit de l’italien par Laurence Godin-Tremblay Comme je fréquente le monde universitaire, je rencontre quotidiennement des étudiants de toute provenance. J’ai donc l’occasion de percevoir toujours plus distinctement les aspirations que ceux-ci nourrissent, notamment leur soif de découvrir plus clairement le sens des études qu’ils ont entreprises. Dans un monde liquide, peuvent également être liquides les raisons pour lesquelles on accède à la vie universitaire, on y vit et on en sort. Par liquide, j’entends le fait d’entrer à l’université avec un certain but en tête — pas toujours bien défini — et de
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Faut-il avoir peur de la rectitude politique?
L’accroissement continuel de la bonté et de la sensibilité fait qu’il est de plus en plus commun de tenir compte des réalités diverses. Parler d’acceptation de l’autre, de respect et de tolérance est devenu un lieu commun. Nous discutons aussi davantage de leur corolaire : la rectitude politique. Elle est une chose fantastique, sous-estimée et peu appréciée pour elle-même. Plusieurs s’en déclarent allergiques, d’autres la conspuent et la majorité, peut-être, ne sait même pas qu’elle existe. Ingrats petits vauriens. Omettons un instant le fait qu’il est possible aujourd’hui de tenir à peu près n’importe quel genre de discours ou même de
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Les environnementalistes, ces conservateurs qui s’ignorent
Très loin de l’idée qu’ils se font d’eux-mêmes, les environnementalistes sont fondamentalement des conservateurs qui s’ignorent. Comme l’ont remarqué plusieurs commentateurs, le mouvement de la grève pour le climat est le combat d’une génération. On l’a vu la semaine dernière à Montréal : l’intensification des gestes d’éclat est à prévoir. Depuis quelques années maintenant, le mouvement écologiste est sorti des marges. Il est devenu un mouvement de fond, une cause commune autour de laquelle citoyens et politiciens doivent se positionner. En ce sens, la figure de Greta Thunberg a révélé et opéré la convergence des forces de la jeunesse, déjà sensible
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L’avortement : le maillon faible de la gauche?
C’est désormais une tradition : la campagne électorale canadienne a ramené au premier plan la question de l’avortement. Constatant la forte proportion des Canadiens favorables à son accès légal, on peut comprendre que tout parti cherchant sérieusement le pouvoir souhaite éviter le sujet. Par contre, si la tendance se maintient, nous pouvons prévoir que, loin d’être clos, le débat sur le statut légal des enfants à naitre surgira de nouveau. Il est donc plus que jamais nécessaire d’accroitre notre connaissance des principes fondamentaux sur cette question. Peut-être pourrait-on ainsi réintroduire un peu de logique dans ce débat on ne peut plus
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Pour qui sauver la planète?
«C’est une chose terrible à dire, mais pour stabiliser la population mondiale, nous devons éliminer 350 000 personnes par jour.» Cette déclaration choc du commandant Jacques-Yves Cousteau, figure emblématique des environnementalistes, a fait le tour du monde en 1991. Trois décennies plus tard, il ne meurt encore naturellement qu’environ 157 000 personnes par jour. Comment exactement le commandement Cousteau envisageait-il d’éliminer les 193 000 autres? Sacrifier l’homme pour sauver la terre. Cette manière de penser révèle que ce n’est pas tant la planète qui est en danger, mais plutôt l’humanité. C’est nous qui sommes menacés d’extinction, voire d’extermination. Car la planète survivra certainement, mais
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Imposez vos règles au boulot
Est-il possible d’aménager des horaires de travail plus respectueux des cycles féminins? La philosophe française Marianne Durano pense que oui. Dans son récent essai Mon corps ne vous appartient pas, la jeune auteure formule une proposition ambitieuse: «Laisser une plus grande marge de manœuvre aux femmes dans l’organisation de leur temps de travail» (p. 104). Deux sexes, deux temporalités Respecter la temporalité féminine, c’est à la fois permettre aux travailleuses de vivre pleinement leur maternité et donner une chance aux mères de mieux intégrer le marché du travail. Voilà la conciliation travail-famille pensée dans une perspective globale. Plus largement, respecter la
