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Le Canada français est-il l’avenir du Québec ?
Il se publie chaque année des livres qui traitent de la société québécoise, au point où l’on se demande s’il est un peuple au monde qui a plus investi le champ de l’auto-interprétation que le nôtre. Cet automne, La Maison mère, du romancier Alexandre Soublière, a retenu l’attention. Au croisement du récit et de l’essai, ce livre, qui intéresse par son flair sociologique, a fait monter au créneau un certain nombre d’intellectuels nationalistes qui ont le projet de souveraineté du Québec chevillé au cœur. À travers leurs interventions médiatiques, une chose ne m’a jamais paru aussi limpide: projeter le destin
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Écolo jusqu’au bout des bobettes
Dans la lettre encyclique Laudato si’, le pape François nous invite à reconnaitre «la culture du déchet» et à adopter «un nouveau style de vie». Il précise notamment que «le fait de réutiliser quelque chose au lieu de le jeter rapidement, parce qu’on est animé par de profondes motivations, peut être un acte d’amour exprimant notre dignité». Il est une chose que les femmes jettent régulièrement: les serviettes et tampons hygiéniques. Messieurs, ne partez pas déjà! (Sinon, qui conseillera cet article à votre femme?) Cet article a été publié initialement dans le numéro d’hiver 2019 de la revue Le Verbe. Comme les couches, les
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Les Filles au Moyen Âge en première québécoise
Le 7 février 2019, l’équipe du magazine Le Verbe met le cap sur Montréal afin de présenter en grande première québécoise le film Les Filles au Moyen Âge. La soirée, qui se déroulera à la salle d’Auteuil du Gesù, débutera à 18h avec un apéro. La projection commencera à 19h, avec en première partie deux courts métrages québécois. L’événement se conclura ensuite par une discussion. Pleins feux sur cette soirée que vous ne voulez pas manquer! (Ah, et réservez vos places avant qu’elles ne s’envolent toutes!) En première partie : deux courts métrages québécois Tu es poussière de Stéphanie Chalut (première
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Le saint cathodique
Bien qu’il soit décédé en 1979, Fulton Sheen demeure aujourd’hui une véritable célébrité dans les milieux catholiques américains et un pionnier de l’évangélisation par les nouveaux médias. On lui donne d’ailleurs souvent le titre de premier télévangéliste, ce qui, à en juger par la qualité de ses successeurs, pourrait sembler une insulte plutôt qu’un compliment. Or, il suffit de l’écouter parler quelques minutes pour comprendre que ce titre ne se réfère pas seulement à sa primauté chronologique, mais peut-être surtout à son ordre dans la qualité. Portrait d’un homme d’Église bien de notre temps. Cet article a été publié initialement
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Sérotonine ou la communion dans le dégout
À travers les dialogues mentaux de son personnage principal, Michel Houellebecq dégage, dans Sérotonine, une honnête description des effets psychopathologiques de cette volonté toute soixante-huitarde de se soustraire à la « dureté du réel ». Un compte-rendu de notre collaborateur Francis Denis. Sorti quelques semaines après les fêtes, le dernier roman de Michel Houellebecq s’est offert la petite gêne de ne pas jeter une torpeur supplémentaire sur les moments de bonheur qui accompagnent, dans nos sociétés sécularisées, ce temps d’illusion programmé qu’est Noël. Il n’en demeure pas moins que plusieurs chèques-cadeaux de librairie ont dû servir à se le procurer. Que reste-t-il
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Non, ce pays n’est pas pour les «fifs»
Beef de Dayne Simard, présenté au Théâtre Premier Acte, nous entraine avec beaucoup d’humour au sein d’une réalité qu’on peine à croire vraie. L’auteur nous livre ici, dans sa première pièce, une caricature illustrant les basfonds de la vie rurale où les quatre-roues et ski-doo de ce monde règnent en maitres. La masculinité s’y révèle peut-être dans ce qu’elle a de plus machiste: tout ce qui diffère de la normalité ambiante est alors targué de « fif ». Les lumières s’éteignent. La pièce commence. C’est ensevelie d’une montagne de terre que la protagoniste Manon, interprétée par Nathalie Séguin, apparait. Le ton est donné
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Pour le salut des féministes
Les Fées ont soif a suscité de vives réactions – spécialement dans les milieux plus religieux – lors de sa première représentation au Théâtre du Nouveau-Monde, à la fin des années ’70. Quarante ans plus tard, la pièce est présentée de nouveau, cette fois par le Théâtre du Rideau Vert (saison 2018-2019). Notre chroniqueuse Émilie Théorêt propose ici un regard sociohistorique sur cette création emblématique du mouvement féministe québécois. Le texte signé par Denise Boucher met en scène trois personnages : la Statue, Marie et Madeleine. Aux yeux de l’auteure, ces personnages représentent les stéréotypes féminins tels que mis en avant par
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Fragments retrouvés du cœur de Céline
Les Lettres à Édith et à Colette sont des fragments retrouvés de la correspondance de Louis-Ferdinand Céline (1894-1961). Elles ont été publiées au printemps dernier par les Éditions Huit, une maison d’édition de chez nous, sise au 747, rue des Mélèzes, à Québec. N’écoutant que ma curiosité, je me les suis procurées pour constater que, si elles ne sont pas exemptes d’une certaine spéciosité propre au discours dénégateur du Céline de l’après-guerre (1), elles recèlent aussi quelques sincérités qui nous donnent accès au lancinement d’un cœur amer et contrit. Depuis leur origine (1990), les Éditions Huit sont dirigées par M. Rémi Ferland.
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La Sagesse de Marie
Premier jour de l’année. Le jour de toutes les espérances et de toutes les résolutions. Le jour des coups de barre (festivités obligent) et des coups de gueule (au destin). Heureusement, l’Église sort aujourd’hui l’artillerie lourde : la fête de « Marie, mère de Dieu ». Ce cadeau est des plus adéquats pour débuter l’année, car la Reine du Monde nous a aussi été donnée pour mère. Aujourd’hui plus que jamais, l’Église a besoin de sa Mère pour remplir sa mission divine, au-delà des échecs et des controverses. Plus précisément, elle doit être éminemment proche de celle que l’on nomme aussi « Trône de
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Un petit Jésus de cire pour les sceptiques
À l’approche de Noël, j’ai pensé qu’un petit morceau de notre histoire littéraire à saveur de nativité pourrait être alléchant. J’ai donc décidé de vous faire découvrir une femme de lettres du tournant du XXe siècle : Éva Circé-Côté. Pour ce faire, j’ai choisi un extrait de son recueil de chroniques Bleu, Blanc, Rouge. Poésies, paysages, causeries (Montréal, Déom et frères, 1903) qui, non seulement nous rappelle cette saison de l’année, mais nous fait aussi réfléchir sur les possibilités d’y croire encore! Née en 1871, Éva Circé-Côté (mieux connue sous le pseudonyme de Colombine) est de ces premières femmes de lettres
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Bouquinerie IV
Notre lecteur compulsif Alex La Salle nous gratifie ici de quelques recensions initialement publiées dans l’édition papier de la revue Le Verbe. Bonne lecture! * Dieu pour tous «Dieu est un pur objet de foi. La foi est enracinée dans la sentimentalité humaine. La sentimentalité humaine est une réalité essentiellement subjective qui ne saurait s’imposer au-delà du cercle très personnel de l’intime.» Voilà à peu près l’idée que notre époque se fait de ce que l’on nomme l’expérience religieuse, quand elle admet qu’il puisse encore y en avoir une sans tout de suite la réduire à un phénomène névrotique. D’où le relativisme contemporain,
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La pornographie à l’heure de #MeToo
Avec une démarche bien couillue (au sens propre comme au sens figuré), le journaliste Robin D’Angelo a infiltré pendant un an le milieu de la pornographie amateur (de loin la plus répandue et la plus diffusée) en France. De son expérience de terrain, il en tire un livre sans concession (Judy, Lola, Sofia et moi, 2018, éditions Goutte d’or, 320 pages), loin des discours universitaires, des avis de « spécialistes » et opinions de salon. Silence, moteur, ça tourne, action ! La pornographie est, avec la prostitution, l’industrie qui fait le moins consensus parmi les défenseurs du droit des femmes. D’un côté, des féministes s’opposent à
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Le « high » de Thomas
C’est loin d’être la première fois qu’un cinéaste se risque à porter la foi sur grand écran. Parmi les exemples les plus récents de ces tentatives : L’apparition (Xavier Giannoli, 2018), Tu ne tueras point (Mel Gibson, 2016) ou encore Silence (Martin Scorcese, 2016). La prière (Cédric Kahn, 2018) se distingue de ces films par sa grande simplicité, son approche frontale et incarnée des tensions et des dilemmes inhérents à la relation entre l’homme et Dieu. Le film débute presque brutalement, avec un gros plan sur la gueule amochée de Thomas (Anthony Bajon). Le visage du jeune homme a tout de l’innocence d’un gamin
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Ouvrir les portes de la perception
Docteur en théologie, en philosophie et en psychologie, l’auteur Jean-Yves Leloup vient de faire paraitre Les portes de la transfiguration aux éditions Albin Michel. Notre collaborateur, le père Edouard Shatov, l’a lu pour nous et nous livre ici son appréciation. « La vie, nul ne l’a jamais vue ; c’est le corps qui la fait connaitre ». J’invite chacun et chacune d’entre nous – croyants, agnostiques ou même athées – à prêter attention à cette phrase. C’est en ces termes que Jean-Yves Leloup ouvre sa nouvelle réflexion dans son livre récemment paru : Les portes de la transfiguration. Comment la Vie, avec un « V » majuscule, se manifeste-t-elle
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Devoir de femme
Qui sont Henriette Dessaules, Émilie Fortin-Tremblay, Jeanne Lapointe? Nos enfants connaissent-ils ces femmes illustres, courageuses qui ont forgé le Québec ? Poser la question, c’est y répondre. Anaïs Barbeau-Lavalette, auteure de la magnifique épopée La femme qui fuit et Mathilde Cinq-Mars, grande illustratrice québécoise, ont voulu donner en cadeau à leurs enfants – et aux nôtres – un album qui rassemble ces personnages féminins trop souvent oubliés, aux parcours pourtant inoubliables. En tant que nouvelle maman, j’ai trouvé leur idée digne de mention. L’album, avec ses illustrations étoffées, me semblait pouvoir devenir une lecture privilégiée dans les futures années pour ma
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Esquisse d’une ecclésiologie célinienne
À une certaine époque, en France, le culte des grands écrivains était parvenu à remplacer à peu près complètement – aux yeux des élites libérales du moins – celui des anges et des saints. Si cette époque semble révolue, quelques adeptes s’obstinent à vouer un culte à l’une des plus grandes plumes du 20e siècle, Louis-Ferdinand Céline. Nous sommes extrêmement loin, aujourd’hui, de ces siècles de religiosité langoureuse et enivrante où l’échelle de Jacob semblait encore se dresser, titanesque, devant les âmes pies, où les rapports des hommes avec les bienheureux et les chérubins des cieux étaient d’une sapidité et
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Se tenir bien droit
Le 18 octobre dernier, la traduction française du bestseller du psychologue canadien Jordan B. Peterson intitulé 12 règles pour une vie, un antidote au chaos était enfin publiée. Si le franc-parler de Peterson et sa logique implacable ont fait aussi de lui un phénomène mondial sur les médias sociaux, la marque que laissera ce livre sera celle d’avoir su redonner à notre époque un accès à l’intelligibilité du réel, d’avoir encouragé une nouvelle génération à prendre sa vie en main et d’avoir redonné toute la crédibilité civilisationnelle à la Bible. Rien de moins. Je le dis d’entrée de jeu, il s’agit selon
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Le château Beauce, entre indifférence et férocité
L’indifférence et la férocité traversent notre société ; la seconde nait de la première. C’est de cette opposition nocive qu’il sera ici question, et d’un ancien monastère, le château Beauce, qui est aux prises avec elle. Le Québec regorge de multiples beautés ; une visite dans ses campagnes ou dans ses bourgades suffit pour en témoigner. Quiconque cultive un amour pour la beauté se sent vivifié à l’approche d’un cours d’eau qui se jette dans une rivière, en regardant un tremble dont les feuilles dansent au même rythme, en étant témoin d’un coucher du soleil qui caresse nos champs. Mais
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Bouquinerie III
Notre lecteur compulsif Alex La Salle nous gratifie ici de quelques recensions initialement publiées dans l’édition papier de la revue Le Verbe. Bonne lecture! * Paradis des uns… enfer des autres Naguère, on répétait volontiers la boutade de Benjamin Franklin, qui disait qu’il n’est rien en ce monde de certain, sauf la mort et les impôts. Eh bien, chers amis, sachez que depuis quelques décennies il n’y a plus que la mort d’inéluctable, car le système financier international échafaudé après 1945 a fait litière de la prétendue fatalité des impôts – en inventant les «paradis fiscaux». Aujourd’hui, les financiers en goguette s’ébattent et
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« Roadtrip » chez les chrétiens d’Amérique
Pour tout chrétien marri et mortifié par la déchristianisation de l’Occident, le phénomène des églises en croissance a de quoi surprendre, fasciner, puis ébaudir. À contrecourant des tendances prévalant par exemple en France, où la pratique dominicale est au plus bas (seulement 3% des baptisés vont à la messe le dimanche), il interpelle ceux des fidèles qui, à l’instar d’Agathe et Jean-Baptiste Bonavia, rêvent d’une Église florissante, en mesure de répandre la bonne odeur du Christ entre ses murs d’abord, et ensuite au-delà. Compte-rendu de In Church we trust. Ayant ouï parler de la vitalité et du dynamisme missionnaire de certaines églises
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Bouquinerie II
Notre lecteur compulsif Alex La Salle nous gratifie ici de quelques recensions initialement publiées dans l’édition papier de la revue Le Verbe. Bonne lecture! * La fécondité des petits groupes Une dépêche du printemps nous le confirmait: la grande braderie continue! La grande liquidation du parc immobilier de l’Église bat son plein! Et les choses vont rondement! Depuis 2011, on se débarasse de quarante lieux de culte déplâtrés par année, pour un total d’environ 500 bâtiments fermés ou vendus depuis 2003. Ce qui constitue 18 % de l’ensemble des 2751 nefs qui accueillaient les Québécois il y a encore quatorze ans. On serait tenté
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Pourquoi vivre ensemble ?
Pourquoi vivre ensemble ? Voilà la question fondamentale du dernier livre de Rachida Azdouz : Le vivre ensemble n’est pas un rince-bouche, publié cette année au Québec par la maison d’édition Édito. Régulièrement, nous nous posons les questions suivantes : « qu’est-ce que vivre ensemble ? » ou encore, « quelles sont les façons de vivre ensemble ? ». Tout cela est important, tandis que la question principale nous échappe. En fait, sommes-nous obligés de vivre ensemble ? Voilà qui nous pose un problème. Est-ce par choix ou par nécessité ? Rachida Azdouz invite à y réfléchir : « …que ce soit par l’intuition religieuse, par l’instinct de conservation, par le sens d’intérêt
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Mère Teresa: prendre la vie à bras-le-corps
Un texte de Jacinthe Allard, fmj L’Église et le monde entier célèbrent désormais, tous les 5 septembre, une mère universelle, une femme simple et pourtant si bouleversante de courage et de bonté. Prendre la vie à bras-le-corps au cœur même de ce qui la rend si tragique, c’est l’appel de cette mère, Teresa de Calcutta, et aussi le mouvement de sa vie livrée aux plus pauvres d’entre les pauvres par amour du Christ. L’icône offerte à notre contemplation (en tête de cet article) traduit ce mouvement de la charité que rien n’arrête. Elle a été écrite par Marysia Kowalchyk, membre de
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Mourir à soi pour vivre en poésie [3/3]
Un texte d’Émilie Théorêt Le Verbe vous propose une incursion en trois temps dans l’univers de l’écrivaine Rina Lasnier. Afin d’apprivoiser cette œuvre majeure de l’histoire littéraire québécoise, une première partie s’attache à la trajectoire de l’auteure, une deuxième permet d’apprivoiser son écriture à travers quelques textes, alors que cette dernière offre une analyse de l’œuvre. On connait les raisons et les conditions qui ont mené à la création de l’histoire littéraire québécoise telle quelle est. Encore aujourd’hui, le concept de rupture, qui fut si important au moment de cette élaboration historiographique, semble vouloir prédominer et continuer de s’ériger en valeur.
